Les réformes demandées au nom du Crédit Social ont pour but :
1. — De conférer au peuple le maximum de liberté et de sécurité personnelles compatible avec les richesses naturelles et les méthodes modernes de production ;
2. — De décentraliser le pouvoir, tant dans le domaine politique que dans le domaine économique, de sorte que les individus puissent mieux obtenir de leurs institutions les résultats qu’ils en attendent.
Les réformes nécessaires à cette fin doivent être conduites de manière à ce que le passage de l’ordre existant à l’ordre nouveau se fasse sans heurt, sans bouleversement.
Le Crédit Social cherche donc, en réalité, l’établissement d’une véritable démocratie politique et économique, sans rien briser dans la vie sociale du peuple.
Lorsqu’il devint évident que, dans le champ de la législation, toutes les mesures essentielles passées par le gouvernement d’Alberta pour soustraire le peuple de la province aux puissances financières seraient désavouées par le gouvernement fédéral, il fallut bien songer, à Edmonton, à poursuivre la lutte par d’autres méthodes.
La domination sur la vie économique d’une province — comme d’une nation — n’est possible que grâce à l’acquiescement du peuple. Mais cet acquiescement est imposé au peuple par le fait que les institutions financières possèdent un monopole absolu et que le peuple est obligé de se servir des banques dans ses transactions courantes.
On décida donc, en Alberta, d’établir un mécanisme d’échange qui permettrait progressivement de se passer des banques. Sans prétendre, dès le début, à la création d’argent, on s’appliqua d’abord à élaborer un système apte à accomplir l’une des fonctions principales de tout système financier moderne : une comptabilité enregistrant le transfert et l’échange des marchandises et des services.
Notre numéro du 1er mars a exposé le mécanisme et signalé son développement rapide. Le 1er janvier 1939, il n’y avait en Alberta que 13 succursales du trésor et 66 agences. Un an plus tard, le 1er janvier 1940, on comptait 30 succursales, 6 sous-succursales et 315 agences. Progression accomplie presque entièrement pendant les sept mois précédant la déclaration de guerre.
Développement remarquable, si l’on songe aux difficultés inhérentes à une organisation absolument nouvelle couvrant toute une province. Il fallait former du personnel, fournir les explications au public, obtenir l’adhésion des commerçants, en face de l’hostilité et de l’opposition suscitées dans les milieux sympathiques aux intérêts financiers.
Voici des chiffres intéressants sur l’état du Programme Intérimaire au 31 décembre 1939 :
Succursales et sous-succursales 36
Agences 315
Total des dépôts $1,705,623
Nombre de comptes courants 31,265
Total des virements dans les Maisons de Crédit $43,322,553
Estimé total approximatif des transferts de marchandises et de services $18,000,000
Estimé approx. des transactions opérées par les certificats de transfert $6,000,000
Total des bonis versés aux consommateurs $69,927
Coût d’opération des succursales et agences $256,775
Voici maintenant comment se résume l’amélioration dans l’économie de la province, sous le fonctionnement du Programme Intérimaire :
VENTES EN GROS (APPROXIMATIF) :
1938.................. $89,000,000
1939.................. $92,000,000
Augmentation................ $3,000,000
VENTES AU DÉTAIL (APPROXIMATIF) :
1938....... $161,491,000
1939....... $168,000,000
Augmentation..... $ 6,509,000
CHÔMAGE (MOYENNE PRISE SUR 11 MOIS) :
1938.......... 55,435 chômeurs
1939.......... 44,566 chômeurs
Diminution....10,869 chômeurs
Pendant le semestre qui précéda la guerre, c’est l’Alberta qui fut en tête de toutes les provinces pour la diminution du chômage.
Le total de $1,705,623 dans les dépôts constitue un fonds temporairement immobilisé qui, d’après les méthodes bancaires orthodoxes, procure une base pour une extension potentielle de crédit d’environ $16,000,000.
La somme de $69,927, accordée en bonis aux consommateurs, représente une modeste part du crédit de la société mise en utilisation à l’avantage de ceux qui se servent des maisons de crédit. C’est une augmentation de pouvoir d’achat libre de dette. C’est une monétisation du crédit social distribuée gratuitement à ceux qui contribuent à la libération du Crédit Social.
On remarquera que le bilan ne montre aucun profit, dans le sens comptable du mot. C’est tant mieux pour la province. Lorsque les banques et autres institutions financières réalisent des profits, c’est parce qu’elles tirent du public plus d’argent qu’elles ne distribuent au public : leur profit est donc une diminution du pouvoir d’achat pour le public. Le but des maisons de crédit de l’Alberta n’est pas d’exploiter le public, mais justement d’augmenter son pouvoir d’achat. D’ailleurs, les $256,775, frais d’opérations, représentent en grande partie des salaires au personnel, donc du pouvoir d’achat immédiatement redistribué.
Le profit réel que la province a retiré de cette dépense de $256,775 ressort dans l’augmentation de $6,509,000 dans les ventes au détail ; il ressort aussi, pour une bonne part, dans la réduction de 18% dans le nombre des chômeurs de la province.
Le mécanisme financier établi par la province pour libérer le peuple du joug des banques s’est avéré viable. Il est loin, très loin, d’avoir atteint son plein développement. Il ne faut pas en être surpris : aucune entreprise, surtout de cette envergure, ne peut prétendre à la maturité avant trois ou quatre années d’opération.
Le réseau de succursales et d’agences est là pour répondre aux besoins du peuple : il reste au peuple à s’en servir, à lui accorder la préférence sur le réseau bancaire qui n’existe pas pour lui. C’est, en définitive, une éducation à continuer, des préjugés à dissiper, une mentalité à bâtir,
L’examen attentif du bilan reproduit ci-dessus démontre que les Albertains ne confient même pas encore un dixième de leurs transactions commerciales au système de succursales du Trésor. Le nombre de déposants, 31,265, est aussi très faible par rapport aux possibilités. Nous croyons qu’il n’y a pas moins que 125,000 familles dans l’Alberta : il reste donc beaucoup à faire pour que chaque famille ait son compte courant dans le mécanisme financier de la province.
Le Crédit Social, de par sa nature même, de par sa philosophie toute de liberté, répugne aux mesures de cœrcition. Son avènement et son développement ne peuvent, être le fruit que d’une opinion publique éclairée et manifestant son choix en toute liberté.
1er mai 1940 page 5, 1940_05_No12_P_005.doc