Lorsque j’emprunte $50,000.00 du banquier, il ne me passe donc pas d’argent, mais il se contente de placer $50,000.00 dans mon compte, à mon crédit. C’est une addition sans soustraction correspondante. Ce n’est plus de la comptabilité en mouvement, mais la naissance d’argent de comptabilité.
Ces $50,000.00 sont de l’argent nouveau, fait par la plume du banquier, contre une dette signée par moi.
Le banquier me charge l’intérêt, disons $3,000.00, qu’il m’oblige à lui remettre séance tenante. Il me débite d’autant, et il reste à ma disposition $47,000.00.
Je me servirai de ces $47,000.00 pour faire ce que je veux, mais dans un an, je devrai rapporter au banquier $50,000.00.
En tirant des chèques sur mon compte pour payer choses et hommes, je placerai $47,000.00 dans le public. En vendant mes produits plus chers qu’ils me coûtent, je tirerai $50,000 du public et je les rapporterai au banquier.
L’argent que le banquier fait et place à mon usage est donc condamné à revenir à la place d’où il est sorti.
À mesure que je rembourse, j’extrais du public l’équivalent, et un peu plus, de l’argent que j’y ai mis.
À mesure que je le rapporte au banquier, celui- ci inscrit mes remboursements et ne place ces remboursements au compte de personne. De sorte que personne ne peut tirer des chèques sur les argents que je rapporte au banquier. C’est une destruction de l’argent de comptabilité que mon emprunt avait fait naître.
Les emprunts font naître de l’argent nouveau. Les remboursements font mourir l’argent que les emprunts ont fait naître.
Comme il faut rembourser plus qu’on a emprunté, les décès d’argent doivent dépasser les naissances. Si tous les emprunteurs, privés ou publics, remboursaient ce qu’ils doivent, capital et intérêt, tout l’argent du pays disparaîtrait bien avant d’avoir payé le tiers des dettes.
Les gouvernements, même souverains, ont renoncé à faire de l’argent pour le pays lorsqu’il en manque. Ils préfèrent signer des dettes. Naturellement, ils commencent par porter à l’épuisement le taux des taxes. Puis, complètement à court, ils empruntent.
Un gouvernement qui emprunte fait comme un particulier. Il apporte à la banque des garanties : hypothèque publique sur toutes les propriétés et les revenus du pays. Puis il signe des billets : débentures.
Le banquier prête au gouvernement tout comme à un particulier, en inscrivant simplement des entrées dans un livre : des additions sans soustractions correspondantes. Il fait ainsi des millions d’argent de comptabilité nouveau : c’est une naissance d’argent.
Avec les gouvernements, le banquier est moins pressé de réclamer l’intérêt : il demande seulement de le servir chaque année, régulièrement.
Mais là encore, les décrets de mort dépassent les décrets de naissance, surtout dans les prêts à long terme. Une naissance d’un million à 5 pour cent pendant vingt ans, c’est la mort décrétée de deux millions : un million comme intérêt et un million comme capital.
Comme il est impossible de faire mourir ce qui n’est pas né, on accumule simplement dans la dette publique tout ce qui est impayable en vertu même des simples lois de l’arithmétique.
La dette publique est le dépotoir où s’empilent les exhibits d’une comptabilité fausse et de signatures idiotes.
Aussi, avec une dette publique de sept milliards et demi, le Canada offre, aux Canadiens qui savent compter, un monument érigé à l’ignorance ou à la bêtise de ceux qui ont prétendu ou prétendent encore gouverner.
Diminuez la dette publique d’un million par année, il vous faudra 7,500 ans pour l’acquitter. Comme, au contraire, on l’augmente de 100 millions par année, on recule tous les ans d’un siècle la possibilité de l’éteindre après qu’on aura commencé l’opération de remboursement au régime d’un million par année.
Et l’on nous prône la sainteté de ces contrats-là, le respect de la dette. Comment peut-on allier la sainteté à l’impossibilité mathématique, le respect à la sottise ?
Série No 3 652 mots V.D. 1 mars 1940 p6 1940_03_No9_P_006.doc