Puisque les produits sont faits pour le consommateur, il est clair que, pour atteindre leur fin, les produits doivent être offerts au consommateur à un prix qui permette au consommateur de les acquérir.
Autrement dit, en tout temps, il doit y avoir équilibre entre les prix, dans leur ensemble, et le pouvoir d'achat des consommateurs, dans son ensemble.
Pour compter le prix de vente, les producteurs, ou les marchands, calculent ce que la fabrication du produit a coûté, et ajoutent les frais de manipulation, de transport, d'emmagasinage, de vente et les profits nécessaires aux différents intermédiaires. Mais rien n'assure que ce prix marqué correspond avec le pouvoir d'achat du consommateur.
Le prix marqué doit être exigé par le marchand pour ne mettre personne en faillite entre le producteur et le marchand détaillant ; mais d'autre part le prix à payer par l'acheteur doit être tel qu'il corresponde au pouvoir d'achat entre les mains des consommateurs. Sinon, les produits restent invendus en face de besoins réels.
D'où un ajustement nécessaire des prix.
La technique monétaire du Crédit Social y pourvoit.
Dans le vocabulaire créditiste, on appelle juste prix le prix qui correspond exactement à la consommation. On le comprendra mieux tout à l'heure.
Lorsqu'on dit « juste prix », on ne veut donc pas du tout dire « prix honnête, prix équitable ». Le prix marqué par le marchand peut être tout à fait honnête, tout à fait équitable, et cependant n'être pas du tout le prix exact.
Ainsi, pendant la crise, les prix marqués pouvaient être honnêtes, équitables, mais ils n'étaient pas exacts, ils ne correspondaient pas à la consommation. Quand la production totale de choses demandées dépasse la consommation totale, ces prix ne sont certainement pas exacts, puisque la consommation sur une période quelconque marque, en définitive, les véritables dépenses faites pour la production pendant cette même période.
Le prix honnête est une question de morale ; le prix exact est une question de mathématiques.
Le prix exact, le « juste prix », du système créditiste est obtenu par une règle d'arithmétique. Il n'est donc question ni de fixation arbitraire des prix, ni de plafonnements, ni de restrictions, ni de récompenses, ni de châtiments — mais simplement d'arithmétique.
La technique créditiste prend deux nombres qui sont faits par les gens du pays eux-mêmes, et non pas arbitrairement fixés par des hommes qui ont la manie d'imposer leur volonté aux autres. Deux nombres : 1° le nombre exprimant la somme des prix (c'est le fait des producteurs eux-mêmes) ; 2° le nombre exprimant le pouvoir d'achat des consommateurs (c'est le fait de la volonté des consommateurs jointe à l'argent dont ils disposent). Puis, pour pouvoir mettre le signe égal (=) entre ces deux nombres, le crédit social abaisse le premier au niveau du second.
Expliquons, en présentant d'abord quelques notions peu familières et pourtant de grande portée.
Le prix exact d'une chose est la somme des dépenses encourues pour la production de cette chose. Et cela est vrai, que l'on compte en piastres, en ergs, en heures-hommes, ou en ce qu'on voudra.
Tel ouvrage réclame quatre heures de temps, dix onces de sueurs, un repas de travailleur, une usure d'outil. Si l'énumération est complète, le prix exact de cet ouvrage, c'est quatre heures de temps, dix onces de sueurs, un repas de travailleur et une usure d'outil. Ni plus ni moins.
Comme on a coutume d'évaluer le prix en dollars, au Canada, et comme on a auesi coutume d'évaluer en dollars le travail, l'usure et tous les autres éléments qui forment les dépenses, il est possible d'établir une relation entre les deux, en termes de dollars.
Si, en tout et partout, les dépenses de matériel, de travail, d'énergie, d'usure, se chiffrent à 100 $, le prix exact du produit est de cent dollars.
Mais il y a le prix comptable. Au cours de` la production d'un article dans une usine, compte est tenu de la matière première achetée, des frais de transformation, des salaires, des frais de capital, etc., etc. Tout cela constitue le coût financier de production de l'article.
Ce prix comptable et le prix exact sont-ils les mêmes ? S'ils le sont accidentellement dans certains cas, il est facile de constater que, dans l'ensemble, ils ne le sont certainement pas.
Prenez un petit pays qui fournit, en une année, tant en biens de capital qu'en biens de consommation, une production totale évaluée à 100 millions de dollars. Si, dans le même temps, les dépenses totales des habitants du pays sont évaluées à 80 millions, il faudra bien admettre que la production du pays cette année-là a coûté exactement 80 millions, puisqu'il a été consommé en tout 80 millions par la population auteur de la production. La production a été évaluée, par la comptabilité des prix de revient, à 100 millions, mais elle n'a coûté que 80 millions de dépenses réelles. C'est un fait inéluctable : les deux totaux sont là.
Donc, le prix exact de la production des 100 millions, ç'a été 80 millions.
Autrement dit, dans le même temps que la richesse produite a été de 100 millions, la richesse consommée a été de 80 millions. La consommation de 80 millions est le véritable prix de la production de 100 millions.
Le véritable prix de la production, c'est la consommation.
Par ailleurs, comme on l'a dit plus haut, si la production existe pour la consommation, il faut que la consommation puisse payer la production.
Dans l'exemple précédent, le pays mérite sa production. Si, en dépensant 80 millions, il produit 100 millions, il devrait pouvoir obtenir ces 100 millions, en dépensant les 80 millions. Autrement dit, en payant 80 millions, les consommateurs devraient obtenir les 100 millions. Sinon, il restera 20 millions pour la contemplation, en attendant que ce soit pour le sacrifice, pour la destruction devant un peuple privé et exaspéré.
Un pays s'enrichit de biens lorsqu'il développe ses moyens de production : ses machines, ses usines, ses voies de transport, etc. Ce qu'on appelle biens de capital.
Un pays s'enrichit de biens, aussi, lorsqu'il produit des choses pour la consommation : blé, viande, meubles, habits, etc. Ce qu'on appelle biens de consommation.
Un pays s'enrichit de biens encore, lorsqu'il reçoit de la richesse de l'extérieur. Ainsi, le Canada s'enrichit de fruits lorsqu'il reçoit des bananes, des oranges, des ananas. Ce qu'on appelle importations.
D'autre part, les biens d'un pays diminuent lorsqu'il y a destruction ou usure de moyens de production : usines brûlées, machines usées, etc. C'est ce qu'on appelle dépréciation.
Les biens d'un pays diminuent aussi, lorsqu'ils sont consommés. Les aliments mangés, les habits usés, etc., ne sont plus disponibles. C'est la destruction par consommation.
Les biens d'un pays diminuent encore, lorsqu'ils sortent de ce pays : les pommes, le beurre, le bacon, envoyés en Angleterre, ne sont plus au Canada. C'est ce qu'on appelle exportations.
Supposons maintenant que les relevés d'une année donnent : |
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Production de biens de capital | 3 000 millions |
Production de biens consommables | 7 000 millions |
Importations | 2 000 millions |
Acquisitions totales | 12 000 millions |
D'autre part : | |
Dépréciation de biens de capital | 1 800 millions |
Consommation | 5 200 millions |
Exportations | 2 000 millions |
Diminution totale | 9 000 millions |
On va conclure :
Pendant que le pays s'enrichissait de 12 000 millions, il usait, ou consommait, ou devait céder 9 000 millions.
Le coût réel de la production des 12 000 millions, c'est 9 000 millions. S'il en a réellement coûté au pays 9 000 millions pour produire 12 000 millions, le pays doit pouvoir jouir de ses 12 000 millions tout en ne dépensant que 9 000 millions.
Avec 9 000 millions, il faut pouvoir en payer 12 000. Payer 12 avec 9. Cela demande un ajustement du prix : abaisser le prix comptable 12 au niveau du prix réel 9. Et le faire sans violenter personne, sans nuire à personne.
En face de ce relevé, la conclusion suivante est logique, dans une économie où la production existe pour la consommation :
Puisque la consommation de 9 milliards, usure des machines y comprise, a permis la production de 12 milliards, améliorations y comprises, 9 milliards est le vrai prix de la production. Pour que le pays puisse utiliser cette production, en autant qu'elle est désirée, il doit pouvoir l'obtenir à son véritable prix, 9 milliards ; ce qui n'empêche pas les marchands d'être obligés d'en exiger 12 milliards.
D'un côté, les consommateurs du pays doivent pouvoir acheter 12 avec 9. Ils doivent pouvoir tirer sur la production de leur pays en la payant aux 9/12 du prix marqué.
D'autre part, le marchand doit retirer le plein montant : 12 ; sinon, il ne peut rencontrer ses charges et le profit qui est le salaire de ses services.
L'acheteur ne paiera que 9/12 du prix marqué, si on lui accorde un escompte de 3 sur 12, ou de 25 pour cent.
Une table coûte 120 $ ; elle sera laissée à l'acheteur pour 90 $. Une paire de bas coûte 4,00 $ ; elle sera laissée à l'acheteur pour 3,00 $.
De même pour tous les articles du pays, parce que ce sera un escompte national décrété par l'Office National, pour atteindre le but pour lequel l'Office National a été institué.
Si tous les articles de production du pays sont payés ainsi aux 75 pour cent de leur prix marqué, les consommateurs du pays pourront obtenir toute leur production de 12 milliards avec les 9 milliards qu'ils dépensent pour leur consommation.
Si les produits ne leur conviennent pas, ils ne les achèteront pas, et les producteurs cesseront simplement d'en faire parce que ce n'est pas une richesse réelle, ces produits ne répondant pas à des besoins des consommateurs.
Les marchands ne reçoivent ainsi des acheteurs que les 75 pour cent de leurs prix. Ils ne pourront tenir, à moins de recevoir d'une autre source les 25 pour cent que l'acheteur ne paie pas.
Cette autre source ne peut être que l'Office de Crédit National, qui est chargé de mettre l'argent en rapport avec les faits. Sur présentation de papiers appropriés, attestant la vente et l'escompte national accordé, le marchand recevra de l'Office National le crédit-argent représentant les 25 pour cent qui manquent.
Le but sera atteint. L'ensemble des consommateurs du pays aura pu obtenir le total de la production du pays répondant à des besoins. Les marchands, et par eux les producteurs, auront reçu le montant qui couvre les frais de la production et de la distribution.
Il n'y aura pas d'inflation, puisqu'il n'y a pas absence de produits en face de la demande. Cet argent nouveau, en effet, n'est créé que moyennant la présence d'un produit désiré et acheté.
Cette émission n'entre d'ailleurs pas dans la facture du prix, puisqu'elle n'est ni un salaire, ni un placement ; elle vient après que le produit est fabriqué, coté et vendu.
Une manière d'arriver au même résultat serait de faire payer à l'acheteur le plein prix. Le marchand livrerait à l'acheteur un récépissé attestant le montant de l'achat. Sur présentation de ce récépissé à la succursale de l'Office National du Crédit, l'acheteur recevrait un crédit-argent égal aux 25 pour cent du montant de l'achat.
La première méthode est un escompte compensé. Escompte accordé par le marchand et compensé au marchand par l'Office National du Crédit.
La deuxième méthode est un boni d'achat, ou ristourne faite à l'acheteur. Le résultat est exactement le même.
Dans tous les cas, le prix payé par le consommateur doit être la fraction du prix marqué exprimée par le rapport de la consommation totale à la production totale. Autrement, la production n'est que partiellement accessible aux consommateurs pour lesquels elle est pourtant faite.
Juste prix = Prix marqué X | consommation |
production |