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L'abondance enchaînée, un crime

Louis Even le mercredi, 01 janvier 1958. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Au Canada, 4 millions sont affamés

Aux États-Unis, 30 millions de pauvres ne mangent pas à leur faim

Dans le tiers-monde, 786 millions souffrent de malnutrition

Aux États-Unis, un père de famille d'une quarantaine d'années, papa de 8 enfants, vaillant entrepreneur en construction de maisons, vient de fermer ses portes. C'est la catastrophe pour lui, sa femme et ses beaux petits enfants. Il n'a pas déclaré faillite parce qu'il avait réussi à ne pas s'endetter. Il ne peut obtenir d'assurance-chômage non plus, puisqu'il était le patron. Quel drame pour ce jeune homme qui a accompli pleinement son devoir d'époux, de père et de patron ! Plus rien à offrir à sa belle famille, lui qui a tout fait pour donner une bonne éducation à ses jeunes enfants, pour bien servir ses clients et pour donner de l'emploi à des ouvriers. Il a été obligé de congédier tous ses employés qui se retrouveront eux aussi dans la misère. Et ceci est un exemple entre des millions aux États-Unis, le pays le plus riche du monde en production de toutes sortes. Les statistiques nous apprennent que 30 millions d'Américains ne mangent pas à leur faim. Au Canada, 4 millions de citoyens sont affamés. Et dans le tiers-monde, 786 millions de personnes souffrent de malnutrition. Que font les hommes chargés de pouvoir pour régler cette abominable situation ? Nous les prions de lire un article écrit pour eux en 1958 par Louis Even. Nous avons simplement actualisé les chiffres et les dates. Cet article convient très bien à nos législateurs actuels qui ne sont pas plus doués d'intelligence ni de cœur que ceux de 1958.

Thérèse Tardif

Aux hautes autorités de toutes les nations

par Louis Even

Messieurs les gouvernants,

Vous pouvez être sincères quand, par la presse et la radio, vous exprimez vos souhaits de Noël et de l'An neuf à la population du pays. Mais, dans combien de foyers ces souhaits ne tombent-ils pas comme une moquerie, simplement parce que ceux qui les habitent savent que vous détenez l'autorité souveraine et que vous permettez l'enchaînement de l'abondance devant leurs immenses besoins !

L'abondance, oui, vous savez qu'elle existe, puisqu'elle vous cause des soucis. Mais, la pauvreté, savez-vous vraiment qu'elle aussi existe, non pas dans les silos ou les entrepôts, mais dans des maisons où des hommes, des femmes et des enfants en souffrent à l'année longue ?

Quand les statistiques de l'emploi mentionnent 1 600 000 chômeurs et en laissent entrevoir davantage pour cet hiver, éprouvez-vous, sinon dans votre chair, au moins dans votre cœur, tout le drame que cela signifie pour chacun de ces chômeurs et de leurs dépendants ? Vous contenteriez-vous, pour vous-mêmes, pour vos familles, des prestations ou allocations de chômage qui sont leur unique revenu ?

Des citoyens, des familles de votre pays subissent la faim, le froid, le tassement dans des taudis. Peut-être leurs souffrances vous sont-elles ignorées : elles ne sont ni dans vos salons ni dans les bureaux de vos ministères. Nous pourrions vous indiquer des districts à visiter, où vous verriez des affamés, des grelottants — et de quels logements il s'agit ! Et cela en 1993 !

Mais vous savez au moins que s'il y a de telles privations, ce n'est pas parce que le Canada est aride, ni vide de biens, ni incapable d'en augmenter encore la quantité.

Vous savez bien que le manque de pain sur une table n'est pas un problème de blé, mais un problème d'argent ; que le manque de chauffage dans une maison n'est pas un problème de bois, de charbon, d'huile ou d'électricité, mais un problème d'argent ; que le manque de logis convenables n'est pas un problème de matériaux, ni de main-d'œuvre disponible et compétente, mais un problème d'argent.

Vous le savez bien, puisque quand vous vous assemblez en conférences nationales et internationales, vous ne parlez, vous aussi, que de problèmes d'argent, nullement de pénurie de matériaux ou de main-d'œuvre.

Les producteurs de biens et de services font leur besogne, et ils la font très bien ; ils accompliraient encore davantage, et de grand cœur, s'ils n'avaient pas à faire face à des problèmes d'argent. Mais justement, les producteurs d'argent, eux, ne font pas leur besogne, ou ils la font très mal.

Vous ne pouvez certainement pas ignorer que l'argent est produit quelque part, puisque de l'argent existe. Et vous savez parfaitement que ce ne sont ni les cultivateurs, ni les manufacturiers, ni les commerçants, pas même vous ni vos parlements, qui produisent l'argent, qui en règlent le volume, les conditions d'émission et le terme de durée.

Si les producteurs de biens refusaient de servir, vous interviendriez, vous les dénonceriez à la face du pays, vous prendriez des mesures pour les obliger à fournir des biens.

Quand ce sont les producteurs d'argent qui mettent en pénitence les citoyens et les familles de votre pays, pourquoi n'avez-vous rien à leur dire, rien à leur reprocher, rien à leur commander ? Vous faites même le contraire : par des taxes, vous extorquez de l'argent aux producteurs de choses, pour le passer à ceux dont le métier est de produire de l'argent !

Vous punissez les producteurs qui font bien leur travail, et vous respectez les maîtres de l'argent qui font mal le leur.

La production de biens demande des efforts, et pourtant cette production abonde. La production d'argent ne demande qu'une décision, et pourtant c'est l'argent qui fait défaut.

Des familles qui n'ont rien que leur maison ou leur ferme sont mises en demeure de fournir de l'argent qu'elles n'ont pas. Cela s'appelle taxe foncière. Et parce qu'elles ne peuvent donner ce qu'elles n'ont pas, on leur enlève le peu qu'elles ont. N'est-ce pas faire, au nom de la finance, ce que, dans les pays soviétisés, on avait fait au nom du communisme ?

Messieurs les gouvernants, c'est un crime de laisser des êtres humains réduits à des privations, en face de l'abondance faite qui attend preneurs, en face de l'abondance potentielle qui n'attend que des commandes pour se réaliser.

Chaque homme, femme ou enfant qui ne mange pas à sa faim, qui souffre du froid, chaque famille mal logée, est une accusation vivante contre le régime financier. C'est une immolation de victimes humaines sur l'autel de Mammon.

Mais c'est aussi une accusation contre vous, qui avait sollicité le mandat de gouverner, qui l'avez obtenu, qui détenez le pouvoir, et qui ne faites rien pour casser cette tyrannie financière, pour établir un régime de finance-service au lieu d'un régime de finance-bourreau.

Ce n'est pas en taxant celui qui a quelque chose pour donner à celui qui n'a rien, que vous distribuerez l'abondance. C'est prendre dans le panier de Pierre pour mettre dans le panier de Paul, quand la production a de quoi remplir deux fois tous les paniers. C'est distribuer la rareté argent, au lieu de distribuer l'abondance de biens.

Ce qu'il faut, c'est une addition d'argent nouveau pour financer la production freinée faute d'argent ; et une addition d'argent nouveau au pouvoir d'achat insuffisant des consommateurs, pour leur permettre d'obtenir les produits. Distribuer l'argent qui manque, pour distribuer l'abondance qui s'offre.

Ce langage, messieurs les gouvernants, ne vous est pas tenu parce que vous êtes de tel ou tel parti. L'abondance n'est pas le fait d'un parti politique quelconque. Le défaut d'argent n'est pas non plus le fait d'un parti quelconqué : c'est le fait d'un système à la fois illogique et inhumain, que n'a dérangé aucun changement de parti au pouvoir.

Ce n'est donc pas une lutte entre les partis qui distribuera l'abondance et garantira une honnête subsistance à chaque famille, à chaque citoyen du pays.

Il faut, au contraire, que s'unissent toutes les forces du pays, forces des gouvernements, forces dans les parlements, forces en dehors des parlements, pour éliminer le problème purement financier de la politique et de l'économique du pays. Mettre la finance au pas des réalités, réalités-hommes et réalités-choses, réalités-besoins et réalités-biens.

Nous réclamons l'entreprise immédiate de cette opération urgente. Nous savons que cette demande rencontre le vœu de toute la population, sauf peut-être chez les grands-prêtres de Mammon et leurs acolytes.

Que l'année 1993 soit l'année de la libération, de la distribution de l'abondance à toutes les familles, à tous les citoyens de tous les pays du monde entier. Ce doit bien être là l'essence de vos bons souhaits à la population, messieurs les gouvernants ; et ce souhait, il ne tient qu'à vous de le changer en réalisation.

Louis Even

Louis Even

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