L'escompte compensé est-il économiquement justifiable ? Oui. Et non seulement est-il justifiable, mais il est nécessaire si l'on veut éviter les faillites, les banqueroutes dues au déséquilibre entre les prix et le pouvoir d'achat. C'est l'absence d'escompte compensé qui force les escomptes désordonnés qui précèdent ou accompagnent les effondrements commerciaux.
L'escompte compensé n'est pas une affaire arbitraire. Il est calculé mathématiquement, d'après les faits économiques de l'heure.
Prenons ce qu'on appelle un exercice financier : une période de temps sur laquelle on va calculer, calculer ce qui se produit et ce qui se dépense pendant cette période.
Il nous semble naturel d'adopter comme période une année complète, parce que, pour l'agriculture surtout, il y a des saisons de l'année plus fortes en dépenses et d'autres saisons plus fortes en production. L'année entière fournit une base plus juste.
Disons qu'au Canada, en 1940, la production globale, du 1er janvier au 31 décembre, ait été de 10 milliards. Sous cette rubrique, il faut comprendre, non seulement la production de choses qu'on met en vente (biens de consommation), mais aussi les nouveaux développements, les usines nouvelles, les défrichements, les améliorations, les importations : tout ce qui pendant l'année, a augmenté la richesse dans le Canada. Le Canada s'est enrichi de 10 milliards.
Disons que, pendant la même année, les Canadiens ont soustrait 8 milliards à la richesse de leur pays. Cela comprend : leurs achats de biens de consommation, la dépréciation de leurs biens de capital par usure ou destruction, les exportations de leurs produits — tout ce qui disparaît de la richesse de leur pays. Le Canada s'est appauvri de 8 milliards.
Cela veut dire que, pendant qu'on produisait 10 milliards, tout compris, on se défaisait de 8 milliards, tout compris.
Cela veut dire que la production de 10 milliards a coûté en réalité 8 milliards.
La remarque est très importante et, croyons-nous, très ignorée. Il convient de ré-insister. Pour s'enrichir de 10 milliards, il a fallu s'appauvrir de 8 milliards, pas plus. La production de 10 milliards dans une année a coûté exactement 8 milliards de consommation pendant la même année. C'est donc 8 milliards qui est le coût réel de la production de 10 milliards.
Le major Douglas exprime cette vérité en disant : La consommation est le véritable prix de la production.
Le coût réel est 8 milliards. Mais le prix financier reste 10 milliards.
Pourquoi le coût financier est-il plus élevé que le coût réel ? D'où vient cet écart ? Sujet d'une autre étude. Le fait existe, tout le monde le sait. La production offerte d'une part, désirée d'autre part, mais invendue tout de même, est là pour le prouver.
Voici donc le problème. Si les acheteurs du pays paient plus de 8 milliards pour la production de l'année, ils paient plus qu'elle a réellement coûté. Si les vendeurs du pays ne tirent pas 10 milliards de cette production, plein prix comptable, quelqu'un quelque part ne rencontre pas ses obligations financières.
Le résultat, aujourd'hui, se traduit en méventes, accumulations d'inventaires, ventes de banqueroute, liquidations, fermetures d'usines, abandons de fermes, frustrations de créanciers, évanouissement d'épargnes, etc. Des êtres humains sont victimes d'une situation dont ils ne sont pas responsables.
Pour mettre les choses d'accord, la production doit être obtenue pour 8 milliards et elle doit quand même rapporter 10 milliards. L'acheteur ne doit payer que 8 et le marchand doit recevoir 10.
L'escompte compensé règle le dilemme. L'Office national, qui existe justement pour assouplir la finance au bénéfice du bien commun, décrète un escompte compensé de 20 pour cent. Cet escompte, calculé sur la production globale du pays, porte sur chaque article composant cette production globale.
L'escompte place 10 milliards de prix à la portée d'un pouvoir d'achat de 8 milliards. L'ensemble des acheteurs va dépenser huit milliards. L'office va combler l'écart de deux milliards. L'ensemble des marchands obtiendra 8 milliards des acheteurs et 2 milliards de l'Office.
Qui en souffrira, sauf les parasites qui s'enrichissent des faillites des autres ?