Cet article a été écrit par Louis Even en 1971, mais ils s'applique très bien à la période actuelle, où semble exister au Canada et aux Etats-Unis une tendance politique vers ce que les commentateurs appellent « la droite » ou le néo-libéralisme.— des politiciens pestant contre le socialisme et l'ingérence de l'Etat. Mais, comme l'explique si bien Louis Even, parce que ces politiciens qu'on dit « de droite » ne veulent pas toucher au système financier actuel, qui est pourtant la racine de tous les maux qu'ils dénoncent, les remèdes qu'ils proposent peuvent s'avérer pires que ceux des partis qu'ils dénoncent (par exemple, coupures dans les programmes sociaux, les hôpitaux, etc., afin de réduire le déficit).
Ce sont des politiques semblables qui amènent plusieurs personnes dans les pays d'Europe de l'Est récemment libérés du communisme et convertis à « l'économie de marché » à dire : « Au moins, du temps des communistes, on ne crevait pas de faim... »
Il faut que le gouvernement de chaque pays reprenne son droit souverain de créer l'argent pour la nation, au lieu de l'emprunter des banques privées, sinon la misère ne fera que s'accentuer parmi la population de ces pays. C'est le Crédit Social qu'il faut pour tous les pays du monde, et le Canada devrait être le premier à donner l'exemple. Cela viendra dans la mesure où les abonnés à Vers Demain feront un effort pour propager la lumière du Crédit Social autour d'eux — en trouvant de nouveaux abonnés à Vers Demain — afin d'éduquer la population, pour que tous les Canadiens se mettent à crier tous ensemble au chef de la nation : « Hé, crée ton argent ! »
Alain Pilote
Hommes de droite, vous êtes, n'est-ce pas, ceux qui refusent le communisme et tout ce qui y conduit.
Vous êtes ceux qui ne reconnaissent pas d'alliance possible entre l'hérésie communiste et la vérité chrétienne.
Vous refusez le communisme, certainement parce qu'il nie Dieu et veut éteindre toute croyance religieuse. Mais quand bien même il laisserait enseigner et pratiquer la religion, vous ne pourriez encore l'accepter, à cause de sa négation des droits de la personne, à cause de son abolition de la liberté de choix, à cause de son despotisme de l'Etat, à cause du matérialisme et de son idéologie.
Vous condamnez toute forme de régime collectiviste, tout socialisme d'Etat. Vous ne voulez pas de technocrates autorisés à planifier la vie et les activités des citoyens. Vous repoussez le règne de la bureaucratie et du nez du gouvernement partout.
Vous ne reconnaissez pas au gouvernement le droit de se substituer aux familles, aux associations libres, aux corps intermédiaires.
Vous abhorrez la centralisation politique croissante, qui éloigne les administrateurs des administrés ; d'une centralisation qui ôte des pouvoirs et des moyens aux corps publics locaux pour les transférer à des organisations régionales, ou des régionales à des gouvernements plus lointains, où la voix des puissances financières est mieux écoutée que la voix des personnes et des familles.
Et vous déplorez aussi la concentration économique accélérée, qui place le contrôle des richesses et la main-d'œuvre entre quelques mains ; concentration qui crée des entreprises monstres, dans lesquelles des centaines, des milliers de travailleurs n'ont qu'à exécuter aveuglément des ordres reçus, quelles que soient la nature et la destination du produit.
Vous déclarez hautement votre adhésion au régime économique de la propriété privée — propriété du sol, du logement, des moyens de production — propriété que vous désirez vivement être accessible à tous.
Aussi, est-ce avec peine que vous voyez les villes se peupler de locataires, des ruraux déserter un sol écrasé de taxes et de dettes et aller grossir le prolétariat de nos cités ; avec peine, que vous constatez la disparition d'entreprises à taille d'homme, acculées à la faillite ou absorbées par des monopoles industriels ou commerciaux.
Hommes de droite, vous êtes sûrement inquiets devant l'esprit de révolte qui gagne de plus en plus nos jeunes, devant leur dégoût du foyer et la perte d'autorité des parents, devant les fruits malsains d'influences extérieures à la famille. (...)
Mais, hommes de droite, vous devez bien savoir que ce ne sont pas vos gémissements ni vos discours qui arrêteront ce flot de la centralisation politique, de la concentration économique, du socialisme d'Etat, de son aboutissement au communisme.
Vous ne l'arrêterez pas, non plus, avec des mains vides. Or, n'est-ce pas avec des mains vides que vous le dénoncez ? N'avez-vous rien à lui opposer que la capitalisme vicié actuel, qui rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres, qui fait perdre aux petits possédants le peu qui leur reste encore ?
Ah ! vous répétez bien vos condamnations de ce capitalisme-là. Mais que présentez-vous pour l'assainir ? Si vous n'avez rien, allez-vous empêcher les mécontents de se tourner vers le socialisme, vers le communisme même si cela signifie le sacrifice, brusque ou graduel, de la liberté de la personne ? L'affamé, le dépouillé, le sans-toit, est avide d'autre chose que de mots de liberté, liberté d'ailleurs pratiquement perdue pour lui.
Vous, hommes de droite, qu'avez-vous à présenter à l'affamé, au dépouillé, au sans-toit ? Avec quoi voulez- vous arrêtez les ingérences croissantes de l'Etat dans des domaines qui relèvent des individus, des familles, des corps publics locaux ? Ne voyez-vous pas que toutes ces interventions d'Etat se disent nécessaires, motivées par l'incapacité financière des individus et des familles à payer les services municipaux, scolaires, hospitaliers ?
Vous la constatez bien, vous aussi, cette incapacité financière. Mais que proposez-vous pour y remédier ? Quelle solution présentez-vous, autre que vos discours, dans lesquels vous êtes trop souvent prompts à attribuer la cause de cette insuffisance financière à ceux qui en souffrent ?
Qu'avez-vous à présenter ? Rien. Rien, et alors vous n'arrêterez ni les nationalisations, ni les plans d'Etat, ni les collectivisations, ni les technocrates, ni les bureaucrates, ni les spoliations, ni l'enrégimentation, ni l'Etat-tout, ni le communisme ouvertement déclaré, ou déguisé sous un autre terme.
Votre cœur se fend à voir les ruraux délaissez leur sol pour l'asphalte des villes. Mais qu'avez-vous à présenter pour empêcher les taxes et les dettes de ruiner les cultivateurs ? Rien ? Rien. Alors, ne soyez pas surpris s'ils décident d'abandonner une terre qui doit nourrir l'Etat et les financiers avant de nourrir leur famille.
Le progrès veut cela, dit-on. Vraiment ? Le progrès ? Pourtant, autrefois, avec un troupeau de 15 à 20 vaches, on faisait vivre une famille d'une douzaine d'enfants ; aujourd'hui, vous ne pouvez élever quatre enfants, à moins d'avoir une soixantaine de vaches, un tracteur, de la machinerie et des dettes ! (...)
Hommes de droite, qu'avez-vous à proposer pour que le progrès, la mécanisation de la production, l'automation, fassent des hommes libérés, au lieu de chômeurs totaux ou partiels, condamnés à vivre de demi-revenus extraits des enveloppes de paie de ceux que le progrès n'a pas encore déplacés ? Que proposez-vous ? Rien.
Parce que vous êtes les mains vides, parce que vous n'avez rien de vraiment neuf à présenter, vous êtes réduits à vous taire, ou bien réduits à battre le même tambour que les hommes de gauche, à formuler les mêmes mesures conduisant aux mêmes fins.
Communistes des pays soviétiques ou tenants du capitalisme du monde libre, hommes de gauche ou hommes de droite de chez nous, tous ne clament-ils pas la même politique devant le chômage ? Politique de plein emploi, l'embauchage intégral.
Et comme le progrès dans les techniques de production demande de moins en moins de labeur humain pour répondre aux besoins normaux des hommes, on cherche une solution dans la promotion de besoins matériels nouveaux pour tenir la production en marche. On ne prône plus la limitation des besoins matériels qui conviendrait à des chrétiens, mais au contraire la création activée de nouveaux besoins, donc l'enlisement dans le matérialisme — dans ce matérialisme dont la montée vous fait peur, hommes de droite. Vous y contribuez vous-même, parce que vous ne savez pas, ou ne voulez pas, préconiser une distribution des produits dissociée de la condition de l'emploi.
La production nécessaire a beau être faite, et en surabondance, mais sans avoir besoin de l'emploi de tous les hommes disponibles, il est défendu d'y toucher sans présenter de l'argent, sans posséder du pouvoir d'achat. Or, l'obtention de pouvoir d'achat est liée uniquement à l'emploi dans la production. Ce fichu règlement oblige à créer de l'emploi nouveau, donc de la production nouvelle, donc des besoins nouveaux pour l'utiliser. Vous voyez où ça vous mène. Au matérialisme. Et le fichu règlement, vous y tenez comme à un commandement de Dieu.
Le mal, ne le voyez-vous pas, hommes de droite, le mal dans l'organisme économique et social est dans la soumission à un système financier dont les règlements conduisent à toutes les conditions que vous déplorez.
Toute notre vie économique est motivée par l'argent. L'argent est souverain. Il est devenu la fin déterminante de toute activité économique, en même temps qu'il est le conditionnement des opérations. Cette suprématie de l'argent est la grande hérésie économique — et plus qu'économique — que les chrétiens sont trop aveugles pour discerner, ou trop attachés pour dénoncer, ou trop lâches pour renverser. (...)
Dites, hommes de droite, avez-vous jamais vu les gouvernements, petits ou gros, embarrassés pour leurs projets économiques par autre chose que par des problèmes d'argent ? Quand ils veulent construire une route, une école, un hôpital, sont-ils embarrassés pour savoir où ils trouveront des hommes pour y travailler ? Où ils trouveront de la pierre, de la brique, du ciment ou autres matériaux ?... Est-ce que ce n'est pas le problème de trouver de l'argent qui est le casse-tête majeur des gouvernements ? Demandez au ministre des Finances.
Et pourtant, après dix années de ce casse-tête et de paralysie économique dans les dix années d'avant la deuxième guerre mondiale, dès que celle-ci fut déclarée tous les gouvernements en guerre trouvèrent les milliards nécessaires pour la financer pendant six années. Ce qui prouve au moins que la disette d'argent aurait été facile à terminer dès 1930, puis-qu'elle a été terminée subito dès la guerre déclarée. Ce qui prouve aussi qu'il s'agit là d'une dictature d'argent criminelle qui affamait en temps de paix et qui finançait sans hésitation la tuerie et la destruction. Ce qui prouve encore que les gouvernements d'alors étaient des valets, ou stupides ou complices, de cette dictature criminelle. Leurs successeurs d'aujourd'hui n'y ont rien changé ?
Et vous acceptez cette dictature de l'argent, hommes de droite ? Vous attaquez tout, excepté elle. Comme si l'argent était un dieu échappant à la volonté des hommes. Comme si les règlements établis en fonction de l'argent ne pouvaient pas être changés pour des règlements en fonction des besoins nombreux des hommes et en fonction des possibilités existantes de les satisfaire.
Vous êtes les mains vides devant des désordres de toute description, dans tous les domaines, hommes de droite, parce que vous refusez de corriger ce désordre majeur — le désordre de l'argent souverain.
J'ose employer le mot « refuser », parce que, il me semble, vous ne pouvez ignorer ce qui est présenté au monde depuis plus de 86 ans — au Canada français, avec un zèle infatigable, depuis 69 ans — sous le nom de Crédit Social.
Ah ! Je sais bien que les grands moyens de diffusion ont tout fait pour taire ou dénaturer les propositions du Crédit Social authentique. Je sais bien que la formation de partis politiques se parant de ce nom, au Canada comme en Angleterre ou en Nouvelle-Zélande et en Australie, ont contribué à assimiler cette doctrine de vérité et de libération à une vulgaire poursuite du pouvoir, faisant du Crédit Social un clan d'hommes à combattre, ou des discours de politiciens à ridiculiser.
Mais les hommes de droite devraient avoir appris, depuis longtemps, à chercher la vérité ailleurs que dans une presse, une radio ou une télévision infestée de gauchistes, de menteurs, de corrupteurs, et ailleurs que dans le bla-bla de politiciens. Puis, les préjugés, si vous en avez, hommes de droite,, doivent être mis au rancart : ils n'ont pas de place dans la recherche sincère d'une solution aux maux graves que vous savez reconnaitre et dénoncer.
Solution efficace, avons-nous dit. C'est qu'en effet, la mise en application des principes financiers du Crédit Social ferait de la finance une servante souple, au lieu d'une maîtresse des décisions, dans l'ordre économique. Elle affranchirait les gouvernements, à tous les échelons, de la sujétion aux maîtres actuels du crédit financier.
En rythmant la libération du crédit financier, donc de l'argent, avec les possibilités de produire les biens demandés par les besoins, on ne verrait plus le spectacle inqualifiable d'une capacité de production paralysée devant des besoins non satisfaits.
La production moderne répond facilement aux commandes lorsque celles-ci sont munies de pouvoir d'achat. Or, le Crédit Social garantit à chaque personne, par un dividende périodique, un pouvoir d'achat de base au moins suffisant pour permettre l'acquisition de biens essentiels à la vie, dans un pays dont la capacité de production peut fournir cette somme de biens.
Et il n'y a quand même pas d'inflation dans une économie de Crédit Social. On n'y peut parler de vie chère, car un mécanisme d'ajustement (pas de fixation) des prix établit l'équilibre entre la somme de pouvoir d'achat effectif et la somme des prix des produits offerts pour combler les besoins.