"Au-dessus de la bourgeoisie industrielle, est une certaine finance dont les responsabilités sont de beaucoup plus graves que celles de la bourgeoisie.
"Cette instabilité économique et sociale dont souffre si profondément le monde moderne, c'est une finance qui l'a créée, qui la développe chaque jour, qui en aggrave sans cesse la malfaisance, qui en fait une cause constante d'émeute, et qui se sert de l'émeute pour l'aggraver. Si bien que l'on peut dire que cette finance, et surtout la finance internationale, est la grande organisatrice du désordre économique, et qu'elle apparaît parfois comme la fourrière de la révolution communiste.
"L'industrie personnelle pouvait être égoïste, de vues étroites ; mais elle cherchait la stabilité ; elle avait figure humaine et cherchait à organiser des relations humaines avec son personnel. Elle était prudente et tendait à épargner à son personnel ces crises de chômage qui sont la plaie de notre économie.
"L'industrie anonyme (sous la dépendance d'un petit groupe de financiers) est sans entrailles. Elle n'est pas dirigée par une tête visible qui se sait responsable devant ses mandataires et ses ouvriers. Elle est dirigée, derrière les chefs visibles, par quelque banquier invisible, pour qui elle n'est plus qu'un paquet de titres, et non une collectivité. Elle est entre les mains de ceux qui ont le pouvoir de faire baisser et hausser les titres, et qui tirent profit de la hausse et de la baisse.
"L'industrie anonyme s'est ainsi livrée à la finance qui peut l'exploiter sans vergogne. Du temps de l'industrie personnelle, il fallait travailler pour gagner une usine ou un groupe d'usines ; il fallait inventer, trouver quelque nouvelle formule de travail. Avec l'industrie anonyme, on gagne une usine, un groupe d'usine, une industrie entière, en jouant. Une campagne de baisses sur des titres industriels vous met un financier en possession d'une affaire. Et cela se fait par tous les moyens : par exemple, vous provoquez une grève, vous mettez la trésorerie industrielle à sec ; vous achetez alors à vil prix des actions en dégringolade.
"L'argentier peut ainsi devenir l'allié naturel de l'émeutier. Il est alors un des plus grands agents de bolchévisation d'un pays. L'émeute fait partie de ses moyens d'enrichissement. Cela se fait d'abord en petit, puis en grand, en très grand. Lorsque cela se fait sur toute l'étendue de la nation, il devient très difficile de faire une différence entre ce financier et le bolchéviste. On ne sait plus si l'émeute utilise le financier pour faire la révolution, ou si le financier utilise l'émeute pour ses affaires. On peut même se demander si ce financier et l'émeutier ne sont pas étroitement unis pour une même opération."
(Texte cité d'après Georges Valois — L'État, les finances et la monnaie.)
On gagnera à lire, relire et méditer ce texte. Il explique un peu comment les révolutions ont toujours trouvé la finance voulue ; comment aussi, à l'origine de toutes les révolutions, on trouve du mécontentement dû à une finance d'oppression.
Il explique encore comment des fortunes colossales ont été édifiées en l'espace d'une carrière, par des gens comme Graustein, Holt, Gordon, qui n'ont certainement pas fourni plus de sueurs que le cultivateur ordinaire de Kamouraska ou du Lac St-Jean, ni plus d'efforts que le chercheur de nos laboratoires ou le technicien de nos usines.
"QUÉBEC"