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Faiseurs de promesses

Louis Even le samedi, 01 août 1942. Dans L'argent

Faiseurs de promesses ? Il s'agit naturellement de gens qui font des promesses et ne les tiennent pas.

Qui sont-ils ?

Il y a toujours bien l'ivrogne. Ne dit-on pas : Promesse d'ivrogne ! Un ivrogne qui promet peut être sincère, mais il est plus fragile que sa bou­teille. Un ivrogne ne tient jamais ses promesses, car le jour où il commence à les tenir, il cesse d'être un ivrogne.

Mais chez nous, on a laissé l'expression "Pro­messe d'ivrogne", pour dire : "Promesse de poli­ticien".

C'est qu'en effet, le politicien ne tient pas plus ses promesses que l'ivrogne. Et le politicien n'a même pas le mérite de la sincérité au moment où il fait sa promesse.

L'ivrogne ne trompe personne ; mais le politi­cien trompe l'électeur. L'ivrogne sait rarement ce qu'il fait ; le politicien sait parfaitement quel jeu il joue. Le premier tient de la brute, le second tient du serpent.

Mais il est un autre personnage encore qui fait des promesses et ne les accomplit jamais. C'est le banquier.

Le banquier qui met un compte au monde pro­met de livrer des piastres sur demande en échan­ge des chèques tirés sur ce compte. Allez au comp­toir du banquier avec le chèque et demandez-lui des piastres : que vous passe-t-il ?

Regardez ce qu'il vous passe. Lisez ce qui est écrit sur les morceaux de papier qu'il vous passe : La Banque promet de payer au porteur un dollar (ou deux dollars, ou cinq dollars, etc.)

C'est donc une nouvelle forme de promesse que passe le banquier. La Banque promet de payer. Quand paiera-t-elle ?

Elle promet de payer au porteur. Vous êtes le porteur, retournez à la banque et demandez-lui de tenir sa promesse. Que va-t-elle vous passer ? Mais avec la promesse de payer reçue de la banque, vous pouvez aller trouver un agriculteur et obtenir de lui du beurre, des œufs, de la vian­de. Ah ! c'est l'agriculteur qui paie au porteur à la place de la banque ? Oui, et l'agriculteur reçoit en échange la promesse du banquier.

La promesse du banquier passe de main en main, dans le sens inverse des choses. Mais le ban­quier, lui, que fait-il là-dedans ? Il tire l'intérêt sur la circulation de ses promesses.

Promesse d'ivrogne, promesse de politicien, promesse de banquier.

L'ivrogne promet parce qu'il a honte ; il brise sa promesse, parce qu'il est faible.

Le politicien promet, parce qu'il veut une posi­tion honorable et payante ; il brise sa promesse parce qu'il n'a jamais eu l'intention de la tenir, et il sait fort bien qu'il lui est impossible de tenir les promesses qu'il fait dans le régime dont il profite.

Le banquier promet et fait les autres payer ses promesses. C'est celui des trois qui fait le moins de tapage avec ses promesses, mais c'est celui des trois qui exploite le mieux le mécanisme des pro­messes.

Si l'ivrogne tient de la brute et le politicien du serpent, le banquier, lui, tient plutôt du diable. Tout le monde rit des promesses de l'ivrogne. Quelques individus prennent encore au sérieux les promesses du politicien.

Mais l'humanité hypnotisée se met en quatre pour avoir les promesses du banquier.

Tout de même, c'est un fameux joueur, ce Ban­co-là !

Louis Even

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