Voici des extraits d’un discours de Louis Even donné au Congrès de Vers Demain de septembre 1965 :
Ceux qui lisent Vers Demain savent que le Crédit Social, ou démocratie économique, n'est pas une simple réforme financière, si importante soit-elle. Il va bien au-delà. La réforme financière qu'il propose aurait pour effet de casser le monopole de l'argent et du crédit, de libérer les peuples de la servitude de l'argent-dette. Mais il y a d'autres monopoles, d'autres asservissements, comme le monopole de l'État, l'État totalitaire, la dictature de l'État sur les personnes, que le Crédit Social repousse avec la même véhémence que la dictature financière.
En fait, l'objectif essentiel du Crédit Social, c'est le libre épanouissement de la personne. C'est l'enrichissement de la personne par l'association, contrairement à la domination trop courante de l'association sur la personne. Quelle que soit l'association, petite, moyenne ou grosse, locale, provinciale ou fédérale, groupement libre d'individus, ou association inévitable de citoyens en une nation, l'association doit avantager tous ses membres, toutes les personnes qui la composent.
Cela s'applique dans le domaine économique à la répartition des richesses offertes par l'économie nationale : chaque personne, chaque individu dans la société, doit en obtenir une part correspondant à l'enrichissement apporté par la vie en société.
Sans la vie en société, si chacun devait vivre isolément à produire les biens réclamés par ses besoins, la production totale serait très petite, comparée à ce qu'elle est grâce à la vie en société. Sans la vie en société, en effet, sans un ordre social établi ; sans les biens d'ordre public, il n'y aurait ni écoles, ni universités, ni laboratoires de recherches ; les inventions isolées ne seraient ni répandues ni transmises d'une génération à l'autre ; la science appliquée serait inexistante ; le progrès matériel serait nul ou à peu près ; les grandes richesses resteraient aussi inexploitées que dans les économies primitives.
C'est dire que de beaucoup la plus grande partie de la production moderne est due à la vie en sociétés ordonnées : c'est un enrichissement dû à l'association, dont tous les membres de l'association, donc tous et chacun des citoyens, doivent obtenir une part.
Voilà ce qu'enseigne le Crédit Social en matière économique. D'où sa technique du dividende à tous et du prix ajusté, pour assurer à tous et à chacun une part de cet enrichissement provenant de l'association.
Cela ne va en rien contre la propriété personnelle des moyens de production ; en rien contre l'entreprise privée, qui est, croyons-nous — et l'expérience le confirme — le meilleur moyen de réussir une production abondante. Mais justement la propriété privée, l'entreprise privée, n'a pas pour unique but d'enrichir l'entrepreneur. Elle a aussi une fonction sociale, qui doit satisfaire le principe de la destination commune des biens terrestres.
Il y a aussi d'autres biens que les biens purement matériels. Entre autres, le grand bien de la liberté. Un bien dû à chaque personne. Un bien qu'aucune association, aucun syndicat, aucun gouvernement local, provincial ou national n'a le droit de fouler aux pieds. Ces empiétements sur la liberté et la dignité de la personne ne doivent pas être le prix de la sécurité économique. La sécurité économique sans la liberté serait un régime d'écurie, celui des animaux domestiques, bien traités par leur maître mais entièrement soumis aux décisions du maître.
La dénonciation des empiètements sur la liberté de la personne humaine fait partie du programme de notre mouvement. Mais cela ne suffit pas. Il faut former des citoyens, des patriotes, des hommes et des femmes inflexibles, que ni argent, ni honneurs ne feront taire ni céder. Et c'est à cela que s'applique l'école de Vers Demain.
Devant l'immense tâche à accomplir, nous reconnaissons évidemment notre faiblesse. Aussi nous tournons-nous vers le Ciel pour féconder nos efforts. Nous avons consacré notre Institut à Marie, à son Cœur douloureux et immaculé comme elle l'a demandé à Fatima. Nous avons mis notre centre social et toutes nos activités sous le patronage de saint Michel Archange. La récitation quotidienne du chapelet, ou même du Rosaire, et le port de la médaille miraculeuse sont à l'honneur chez les Pèlerins de saint Michel. Nos grands donnés (nos Plein-temps) vont à la messe tous les jours.
Nous avons l'avantage, la grande grâce d'être des catholiques. Nous croyons combattre efficacement le matérialisme croissant et le communisme menaçant, en leur opposant sur le terrain spirituel, une vie catholique intense, et, sur le terrain politique, économique et social, la philosophie et les propositions concrètes du Crédit Social.