Voici des extraits de l'opuscule « From Debt to Prosperity » (Du régime de dettes à la prospérité), écrit par J.-Crate Larkin de Buffalo, aux Etats-Unis, qui explique les propositions du Crédit Social, ou Démocratie Économique. C'est ce livre qui changea le cours de la vie de Louis Even et en fit un ardent propagandiste du Crédit Social en 1934. (La version française a d'ailleurs été traduite par Louis Even.) On peut trouver l'intégralité de ce livre sur le site internet de Vers Demain.
par J. Crate Larkin
Cet opuscule expose brièvement l'analyse économique et les propositions constructives du Crédit Social. Celles-ci sont principalement l'œuvre du Major C. H. Douglas, un ingénieur écossais de grande expérience pratique en sciences, en affaires et en économique.
Les propositions du Crédit Social sont conçues pour raviver les affaires, préserver la propriété privée et le système de profit, réduire les dettes, diminuer les taxes et procurer la sécurité économique à tout citoyen du Canada.
Le Crédit Social atteindrait ces résultats par l'émission de pouvoir d'achat aux consommateurs, directement, sous forme de crédit. Trois mesures pratiques, bien définies sont nécessaires à cette fin :
1. L'établissement, au Ministère des Finances du Canada, d'un compte de Crédit National dans lequel la production de richesse réelle de la nation figure au crédit et la consommation au débit.
2. La vente de tous les biens de consommation au « juste prix », au moyen d'un escompte au détail déterminé par le coût réel de production.
3. L'émission du dividende mensuel à tout citoyen canadien.
Le Crédit Social aborde et étudie les problèmes actuels du point de vue pratique d'une civilisation enrichie de toutes les devises modernes de la science pour satisfaire les besoins et les désirs de ses membres. En réponse aux problèmes de la pauvreté et de la dépression, le Crédit Social propose une solution bien définie, la voie la plus raisonnable et la moins difficile pour sortir de la confusion financière qui humilie notre vingtième siècle. Le Crédit Social montre le moyen de remplacer les dépressions périodiques par la sécurité économique permanente, basée sur une véritable évaluation financière de la richesse réelle du Canada et l'octroi d'un pouvoir d'achat adéquat aux citoyens de ce pays.
Le Crédit Social est fondé sur deux propositions :
Premièrement : La monnaie doit fidèlement refléter l'état exact de notre RICHESSE RÉELLE.
Deuxièmement : Toute nation civilisée où le système monétaire refléterait les faits et accomplirait son rôle (distribuer les produits et les services) verrait chez elle le règne de la prospérité et de la sécurité économique permanente et la disparition de la pauvreté, des dettes paralysantes et de la dépression industrielle.
Le Crédit Social n'est cependant, remarquons-le bien, ni du socialisme, ni du fascisme, ni du communisme. Il n'entraîne aucune confiscation et ne veut sacrifier, ni la liberté, ni les droits de propriété de personne. Plus que n'importe quelle autre doctrine, il veut l'application du simple bon sens à la monnaie et aux affaires. Le Crédit Social ne touche qu'à la partie monétaire du système économique, parce que c'est la seule qui soit en défaut. Les méthodes de production sont bonnes ; l'initiative privée est excellente ; le mobile profit n'est point à condamner. Pas besoin donc de toucher à ces choses. Les théories socialistes et communistes sont aux antipodes du Crédit Social ; elles veulent embrigader l'homme au service d'un système, tandis que le Crédit Social place un système au service de l'homme.
Il reste vrai qu'en corrigeant la partie monétaire défectueuse du système économique, tout le système s'en ressent, et pour le mieux. C'est la fin de la loi de la jungle, la fin de la philosophie qui enseigne qu'on ne peut réussir qu'en appauvrissant son voisin.
Nous savons que les produits sont transférés du producteur au consommateur au moyen de monnaie. La monnaie est donc le chaînon unissant la production à la consommation. Elle sert de pont entre la demande de produits de la part du consommateur et la satisfaction de cette demande de la part du producteur.
La monnaie est un nombre et non une substance matérielle. La monnaie n'est pas la richesse, mais un symbole de la richesse et un moyen d'en mesurer la valeur. La monnaie nous donne une méthode pour appliquer une valeur numérique aux produits.
Nous avons aujourd'hui deux sortes principales de monnaie en usage. La première est le numéraire ou monnaie tangible, comprenant les pièces de métal frappées par le gouvernement, les anciens billets du Dominion et les billets de banque de différentes dénominations. La seconde est la monnaie de crédit, ou les dépôts bancaires circulant sous forme de chèques.
Le numéraire est seulement la monnaie de poche du commerce. La monnaie de crédit (note de Vers Demain : chèques à l'époque où fut écrit ce livre, mais aujourd'hui monnaie électronique stockée sur les cartes bancaires, ou plus récemment, sur les applications de téléphones portables) est utilisée dans presque toutes les grandes transactions, où les pièces de monnaie et les billets ne sont pas pratiques, et dans une foule de transactions plus modestes où ce genre de paiements accommode mieux celui qui s'en sert. Plus de 90% de nos affaires se font par monnaie de crédit (chèques ou paiement électronique par cartes bancaires).
Nul n'ignore que le numéraire est émis par le gouvernement sous forme de pièces métalliques ou par les banques sous forme de billets imprimés ; mais combien peu savent au juste d'où vient la monnaie de crédit, comment elle naît et comment elle meurt. On se sert de chèques (et plutôt de cartes bancaires maintenant) à cause de leur sécurité et de leur commodité. On inscrit sur le chèque le montant exact devant être payé à une certaine personne, et du moment que le chèque est acceptable et accepté, on n'y pense plus.
Le système de chèque est, à bien des points de vue, une grande amélioration sur le système de la monnaie tangible. Mais son invention a eu pour résultat de faire des banques des manufactures de monnaie, non par la frappe de la monnaie, devenue tout à fait inutile, mais par la création de simple monnaie scripturale (ou digitale, pour ce qui est de la monnaie électronique), dispensant même de billets imprimés.
Ingénieuse, la méthode par laquelle le banquier fabrique ainsi la monnaie. Simple procédé de comptabilité ! Cette sorte de monnaie naît et meurt dans la banque, et la banque est responsable, et de sa naissance et de sa mort. Le banquier crée de rien les moyens de payer.
Les banques créent et détruisent la monnaie par un simple procédé de comptabilité, par émission et annulation de crédits, comme le démontre bien le prêt bancaire ordinaire. Allez-vous à la banque pour emprunter 1000 $, le banquier s'informe de la valeur de votre crédit financier ; s'il le juge bon, il accepte votre billet et vous accorde l'emprunt sollicité, en créditant votre compte de 1000 $, exactement comme si vous aviez déposé cette somme en monnaie. Vous voilà maintenant « en dette » avec votre ami le banquier. Vous lui devez le 1000 $ que vous avez emprunté, plus l'intérêt qu'il charge pour l'usage de ce 1000 $ fabriqué par lui, sur la base de votre richesse gagée. Vous pouvez maintenant tirer des chèques sur votre nouveau compte, ces chèques sont acceptables comme monnaie. Il y a dans le pays 1000 $ de plus qu'auparavant.
Mais quand arrive le temps de rembourser cette somme, vous retirez de la circulation le montant de 1000 $ plus l'intérêt et vous le remettez au banquier. Le compte du prêt est balancé, 1000 $ ont cessé de vivre. Et c'est promptement et fidèlement que vous devez rembourser le banquier, sous peine de perdre les garanties déposées chez lui comme collatérales.
En d'autres termes, chaque prêt bancaire crée un dépôt et le remboursement d'un prêt bancaire détruit un dépôt. Qu'en a-t-il coûté à la banque pour cette création de $1000, suivie de sa destruction ? Rien à part le coût de la comptabilité.
Les banques octroient du « crédit » à l'emprunteur. Mais ce « crédit » de la banque devient la « dette » de l'emprunteur. La dette ne peut jamais s'éteindre sous un tel système, parce que tout argent mis en circulation l'est par des prêts bancaires et que l'emprunteur doit rembourser plus que le montant reçu. Il doit rembourser le principal, créé par le banquier, plus l'intérêt créé par personne ! Le procédé est cumulatif — la dette grossit toujours, parce que, pour payer l'intérêt, il faut nécessairement quelque part une nouvelle alimentation de monnaie, et cette nouvelle émission est elle-même porteuse d'intérêt. Comment la dette serait-elle remboursable ?
Il est futile d'attendre des maîtres du système qu'ils le corrigent eux-mêmes ; ils devraient pour cela abdiquer le contrôle qu'ils ont usurpé, car jamais une monnaie saine ne peut sortir d'un monopole privé qui ne cherche que les profits. Faut-il attendre passivement que les gouvernements opèrent le changement ? Ils sont aujourd'hui soumis aux maîtres de la finance, à la porte desquels ils vont servilement demander la permission de se servir du crédit réel de la nation, endettant la nation entière pour obtenir cette permission. S'ils manifestent le désir de rectifier la situation, la force organisée des puissances d'argent se dresse devant eux. Que peuvent-ils, à moins d'avoir pour eux cette autre force toute-puissante, une opinion publique éclairée ?
C'est dire que le changement ne peut venir que du peuple lui-même, évidemment par voie légale, par l'entremise de ses représentants, lorsqu'il saura réclamer et exiger ses droits, le droit de vivre autrement qu'en paria dans son propre domaine, quand ce domaine déborde de richesse bien à lui.
Le Crédit Social répond à cet appel. La solution proposée par Douglas au plus grand problème de notre époque est un système monétaire scientifique basant le volume du crédit directement sur le volume des produits. Douglas a défini le Crédit Social comme « un système capable de monétiser la richesse réelle existante au profit de la société ». Le Crédit Social fournit un plan pratique bien défini pour le fonctionnement d'un système monétaire conçu spécialement pour équilibrer le pouvoir d'achat avec la production.
Voici les propres paroles du Major Douglas : « La fonction d'un système financier efficace et moderne est d'émettre du crédit au consommateur, jusqu'à concurrence de la capacité de production du producteur, tant que le consommateur n'est pas rassasié, ou la capacité de production épuisée. »
Il faut avoir suffisamment de monnaie disponible pour exprimer exactement la demande de produits. La monnaie, faisant office de pont entre les désirs et les produits, doit reposer sur le crédit réel, c'est-à-dire sur le degré d'aptitude de la nation à livrer aux consommateurs les biens dont ils ont besoin.
Deux mesures sont nécessaires pour établir un système monétaire qui reflète véritablement notre crédit réel. Toutes deux ressortent du gouvernement fédéral agissant comme représentant du peuple. Toutes deux sont d'exécution facile, en se servant d'agences déjà existantes au service du gouvernement.
La première nécessité, c'est de restituer à la nation ses droits constitutionnels en matière de monnaie. Le contrôle du volume de monnaie de la nation est une prérogative souveraine que seul doit exercer le gouvernement souverain. Ce contrôle inclut le crédit aussi bien que le numéraire. Ce sera le premier pas vers une véritable reprise économique d'un caractère permanent.
En second lieu, la nation doit recueillir les faits et chiffres établissant notre capacité de production et de livraison des produits à la consommation. C'est sur cette fondation solide que repose notre crédit réel.
À cette fin, dès que la nation aura repris le contrôle constitutionnel de son propre système monétaire, l'action pratique et immédiate proposée par le Crédit Social sera la nomination d'une commission de Crédit National, complètement en dehors de la politique. Le premier devoir de cette commission serait de dresser un inventaire national de la capacité productive actuelle du pays en tant qu'il s'agit de produits désirés par les consommateurs. Un compte de Crédit National serait ouvert, basé sur cette capacité de production. Le compte de Crédit National est simplement un bilan représentant les faits connus de la capacité de production comparés avec la consommation ; on peut considérer cette dernière comme exprimant le pouvoir d'achat.
Un exemple sommaire et quelques chiffres illustreront d'une façon générale comment le Compte de Crédit National produit les faits nécessaires à la monétisation de la richesse réelle. Supposons que le tableau ci-dessous représente un compte trimestriel du Crédit National.
D'après les chiffres de cet exemple, le Trésor pourrait émettre deux milliards et demi de dollars, en monnaie de crédit, transformant ainsi le crédit réel en crédit financier placé à la portée des consommateurs pour leur permettre d'acheter les fruits de la production.