Sans dettes, sans intérêts, sans taxes
pour les développements publics
Sans intérêts pour les entreprises privées
Pourquoi les municipalités recourent-elles à des emprunts quand elles veulent construire un aqueduc, un système d'égouts, un poste de police, etc. ? Les commissions scolaires, pour bâtir des écoles nouvelles ? Les entreprises, pour construire ou agrandir leurs établissements ? Etc.
— Parce que tout cela est de la richesse nouvelle. L'argent déjà entre les mains du public y a été mis à l'occasion d'une production déjà faite qui a inscrit cet argent dans ses prix. L'argent ainsi distribué, si on l'affecte à payer la production d'une richesse nouvelle, ne pourra pas acheter la production déjà finie et offerte. Ne constate-t-on pas aujourd'hui l'insuffisance d'argent entre les mains des consommateurs pour se procurer des produits étalés devant eux et dont ils ont besoin ?
Il faut donc logiquement un nouveau flot d'argent pour mobiliser le travail et les matériaux nécessaires à la production d'une richesse nouvelle.
Où aller pour ce nouveau flot d'argent (ou de crédit financier qui fait fonction d'argent) ? Place normale : à la source de tout argent nouveau, au système bancaire.
On trouve encore des gens qui ignorent que l'argent prend sa source dans le système bancaire. Ils croient que les banques ne prêtent et ne font commerce que d'argent déjà en circulation. Ils ne s'arrêtent même pas à la pensée que l'argent doit bien commencer quelque part. Des producteurs de blé, de pommes de terre, de vêtements, de meubles fort bien, ils comprennent ça. Mais des producteurs d'argent, ça leur sonne nouveau.
Pourtant, l'argent ne naît certainement pas tout seul. Il ne pousse pas non plus dans les sillons du cultivateur, ni sous le rabot du menuisier. Pas même sous le pouce du gouvernement, qui est le premier à en chercher soit dans nos poches par les taxes, soit, lui aussi, par des emprunts.
Le fait est que tout argent sort en premier lieu du système bancaire — banque centrale (Banque du Canada) ou banques à charte.
L'argent se présente sous forme de disques sur lesquels sont frappées certaines figures et, ce qui compte surtout, des chiffres indiquant la valeur de ce qu'on pourra se procurer avec ces pièces de métal. Ou bien, ce sont des rectangles de papier, portant, eux aussi, outre une phrase dénuée de sens et un portrait de reine ou autre, des chiffres indiquant leur valeur d'achat. Ou bien encore, ce sont des comptes créditeurs dans un livre de banque, de simples chiffres (argent scriptural), dont on se sert en signant des chèques.
Monnaie de métal, monnaie de papier, monnaie scripturale — cela ne fait aucune différence : l'une se transforme en l'autre à demande, comme ça se fait mille fois par jour aux guichets des banques ; l'une s'ajoute à l'autre et elles sont acceptées l'une comme l'autre, comme on le constate au comptoir du marchand. Ce n'est pas la matière dont l'argent est fait qui importe, mais ce qu'il peut payer, sa valeur d'achat.
— L'argent n'est-il pas basé sur l'or ?
— C'est là un vieux mythe, pour faire croire que l'argent échappe au contrôle des hommes, et pour faire accepter avec résignation toutes les privations imposées par une rareté d'argent, même devant des magasins pleins.
— Sur quoi est donc basé l'argent ?
— L'argent est basé sur ce qui fait sa valeur.
— Et qu'est-ce qui fait la valeur de l'argent ?
—C'est la possibilité de trouver des produits ou des services pour y répondre ; et aussi la confiance que la population accorde à ces "chiffres légalisés", les acceptant sans aucune hésitation en échange de produits ou de services.
— Et d'où vient la possibilité de fournir des produits et des services pour répondre à la demande exprimée par l'argent ?
— Cette possibilité, la capacité de production du pays, provient de l'existence de ressources naturelles, d'une population compétente et laborieuse, des machines, de la science appliquée, des progrès réalisés dans les moyens et techniques de production et dans l'usage de force motrice non musculaire, du fait d'une société organisée qui préserve et transmet les perfectionnements acquis, qui permet la division du travail et l'enrichissement collectif par les autres avantages de la vie en association.
— Ce n'est donc pas le banquier qui donne de la valeur à cet argent qui commence dans le système bancaire ?
— Pas du tout. C'est la société elle-même par sa production de toutes sortes, et cet argent nouveau appartient de droit à la société. Le banquier ne fait que fonction de comptable, de chiffreur d'un droit sur la capacité productive du pays. L'argent nouveau, c'est le crédit réel de la société (un crédit social), exprimé en crédit chiffré par le banquier, en vertu d'un charte reçue du gouvernement mandataire de la société. Mais le banquier n'est pas plus propriétaire de cet argent scriptural, que l'imprimeur exécutant une commande de papier-monnaie n'est propriétaire des billets qui sortent de ses presses.
Pourtant, le banquier a tout l'air de se consigner comme le propriétaire de cet argent nouveau. Non pas qu'il s'en serve lui-même pour des achats de produits ou de services ; mais il le prête à ses conditions, tirant pour lui-même de l'intérêt sur une chose qui appartient à la société.
Si l'emprunteur doit payer de l'intérêt pour l'usage d'une chose qui appartient à la société, c'est à la société, et non pas au banquier, que cet intérêt devrait aller. Mais l'emprunt étant fait pour créer une richesse nouvelle, pourquoi la société punirait-elle par une charge d'intérêt celui ou ceux qui enrichissent ainsi le pays ?
Cette punition, ce tribut, cet intérêt, le banquier, lui, l'exige sur un bien qui ne lui appartient pas.
Sans doute, le banquier est en droit de faire payer son service de comptabilité, mais pas par cette méthode de pourcentage du montant manipulé. La comptabilité d'un prêt de $100,000 ne peut pas comporter mille fois plus de frais que la comptabilité d'un prêt de $100.
Et ne voit-on pas aussi ce qu'il y a d'oppresseur dans un système où la seule source des émissions de crédit exige que, après usage, les rentrées de ce crédit soient plus grosses que les émissions ? Par exemple : que $100,000 libérés imposent une rentrée de $150,000 ou $200,000, alors que la source qui émet les $100,000 a le monopole des émissions.
Pour cinq minutes, supposez que vous-même, monsieur Untel, ayez le monopole de toute émission d'argent nouveau dans le pays, faisant ces émissions sous forme de prêts à des corps publics ou à des industries. Vous voilà à l'œuvre. Vous prêtez $100,000 à la municipalité A, sous condition pour elle de vous rembourser ce prêt, avec des intérêts à 6 pour cent par an, sur un certain nombre d'années, formant en tout un remboursement de $175,000 (75,000 de plus que le crédit libéré). Vous prêtez ensuite à la Commission scolaire B une somme d'argent nouveau de $200,000, à des termes semblables, qui l'obligera à rembourser en tout un montant de $350,000. Puis au contracteur C une somme de $80,000, avec obligation de rembourser, capital et intérêts, $100,000.
Total de vos émissions : $380,000. Total des remboursements exigés : $625,000. Et n'oubliez pas que vous avez le monopole : personne d'autre ne fait un sou de nouvel argent. Que pensez-vous de cet arrangement ? Que pensez-vous de l'obligation de rentrer 625,000 quand il n'est sorti que 380,000 ? Qu'en penseront vos trois emprunteurs ?
On répondra que d'autres emprunteurs viennent par derrière les premiers ; que les premiers, par leurs taxes s'ils sont des corps publics, ou par leurs prix s'ils sont des entrepreneurs privés, vont se démener pour extraire de l'argent mis en circulation par les nouveaux emprunts. Que les suivants essaieront la même chose, à même le flot continu de prêts mettant un flot continu d'argent en circulation. Évidemment, certains pourront réussir, ce qui ne fera que créer plus de difficulté pour les autres. Mais collectivement, la somme des dettes ne pourra que progresser.
Et si, dans votre sagesse, vous décidez qu'une restriction de crédit devient recommandable, vous ralentirez le flot des prêts sortants, tout en exigeant le rythme convenu dans la rentrée des remboursements !
Votre monopole vous donne, à vous, une grande puissance ; mais il ne peut engendrer qu'endettements, concurrence violente entre les usagers de votre argent, faillites chez plusieurs, instabilité, chômage, pouvoir d'achat déficitaire, et tout le reste.
Le système d'argent actuel est justement cela. Et ce sont justement là ses effets : dettes perpétuelles, ruines pour plusieurs, chômage, bris de foyers, privations devant l'abondance.
Le peuple élit son gouvernement, mais son gouvernement a les mains liées par les contrôleurs de l'argent et du crédit. On se pique de démocratie, mais on vit sous un régime de bancocratie.
Pourtant, les Canadiens ont une banque à eux, la Banque du Canada. Son capital-action a été payé par les taxes des Canadiens. Son gouverneur, nommé par le gouvernement du Canada, est l'employé des Canadiens, payé lui aussi par eux. Cette banque, la nôtre, doit nous servir au lieu de nous laisser ainsi exploiter.
C'est pourquoi nous demandons que la Banque du Canada, directement ou par l'intermédiaire des banques à charte
1. finance toute production nouvelle légitime, publique ou privée
2. par des émissions nouvelles d'argent
3. sans dettes, sans intérêts et sans taxes pour les développements publics reconnus légitimes et entrepris par les gouvernements provinciaux, les municipalités et les commissions scolaires
4. sans intérêts pour les entreprises privées qui répondent aux demandes des consommateurs.
Louis EVEN