C'est dans un véritable fourneau créditiste que les orateurs du Bloc Populaire Canadien durent répandre leur éloquence, à Rouyn, le dimanche 18 avril.
Le régime de l'Union des Électeurs est commencé à Rouyn. Au lieu de politiciens apportant un programme aux électeurs, ce sont des électeurs qui apportent un programme aux candidats. Il en est, parmi ces derniers, qui n'ont pas encore appris à goûter cette manière-là.
Avant que le premier orateur du Bloc ouvre la bouche, à Rouyn, M. Réal Caouette, au nom de l'Union des Électeurs, lisait au microphone la demande des créditistes. Et pour montrer qu'il s'agissait bien là de son programme à elle, toute l'assistance éclatait en applaudissements frénétiques et prolongés.
Le docteur Philippe Hamel a réitéré ses mêmes positions. Elles sont maintenant connues. Ce n'est pas de lui, du moins pas du Dr Hamel actuel, qu'il faut attendre le dividende national.
Philippe Girard se dit créditiste et 100 pour cent pour le dividende national, mais ajoute qu'il ne peut parler au nom de ses chefs, que la plupart des premiers de son groupe n'en sont point encore rendus là.
Le docteur Rioux, qui, l'automne dernier, accordait pour six mois de vie au mouvement créditiste, et qui a bien voulu depuis étendre le terme à deux années, récite une sorte d'acte de contrition. Il se dit même créditiste 98 à 99 pour cent. Tout excepté le dividende ! Compte-t-il le dividende pour 1 ou 2 pour cent seulement du Crédit Social ?
À peine l'assemblée est-elle déclarée close que toute l'assistance chante en chœur :
Halte-là ! halte-là ! halte-là !
Les créditistes sont là.
Puis successivement :
Halte-là ! halte-là ! halte-là !
Monsieur Even est là.
Mademoiselle Côté est là. Monsieur Grégoire est là. L'Union des Électeurs est là.
L'assemblée du Bloc Populaire à Rouyn avait tout l'air d'une assemblée de créditistes, et c'est le programme créditiste qui eut les honneurs de la soirée.
Nous apprenons que quelques grands humiliés de Rouyn exhalent leur bile dans leurs bureaux en grommelant : Maudits créditistes !
Qu'ils gardent ce verset ou en choisissent un autre, il leur faudra bien tenir compte de l'Union des Électeurs. Les créditistes ne sont pas des électeurs quelconques : ils savent ce qu'ils veulent, et ils le veulent d'une volonté inflexible.
Notre dernier numéro publiait la protestation signée par les employés de l'égout collecteur de Québec contre la réduction de leur semaine de gagne-pain.
Les journaliers employés sur ces chantiers municipaux sont payés 45 sous de l'heure. Avec la diminution du nombre d'heures, diminution effectuée en raison inverse du nombre de dépendants, voici la paie hebdomadaire de ces hommes :
Célibataires |
$9.00 |
Deux à faire vivre |
$12.60 |
Trois | $14.40 |
Quatre | $16.30 |
Cinq | $18.00 |
Six | $19.80 |
En face de ce tableau, on comprendra la démarche des employés, surtout si l'on se rappelle qu'il s'agit de pauvres, qui ne possèdent rien et doivent tout payer, loyer y compris.
Le cas fut étudié par le comité administratif de la ville de Québec le 14 avril. Il y avait déjà deux semaines que les hommes devaient vivre sur un budget diminué. C'est l'échevin Philémon Garneau qui parla au nom des ouvriers.
Tout le monde fut d'accord pour admettre que la situation faite aux journaliers est pénible. Mais, dit le maire Borne, l'argent fait défaut. Il ne reste plus un sou des contributions du provincial et du fédéral. Des démarches ont,été faites et se continuent. Les ouvriers se consoleront sans doute de leurs privations en apprenant que "l'Honorable St-Laurent a écrit des lettres qui démontrent qu'il est des mieux disposés et qu'il prend les intérêts de sa ville" !
Si ces gestes peuvent remplacer un revenu, nos politiciens sont la plus précieuse ressource du pays.
Malheureusement, ni les lettres de l'Honorable St-Laurent, ni les paroles de commisération du maire et des échevins n'ont apporté un sou de plus dans les familles qui se plaignent. Et on leur fait dire qu'il faudra continuer sur leur rationnement pendant plusieurs semaines encore.
Le brave père de famille qui a six bouches à nourrir n'a pas la permission de travailler huit heures de plus et de faire $3.60 de plus dans sa semaine, parce qu'il manque une inscription de chiffres dans les livres de la ville pour le payer.
Des démarches sont faites pour avoir des chiffres, et en attendant, pénitence.
Puis personne n'est responsable, ni le maire, ni les échevins, ni les gouvernements. Le doigt de Dieu ! Il y a bien le doigt du banquier, mais défense d'en parler !
Lorsque la guerre a éclaté, le gouvernement nous a-t-il priés de rester les bras croisés, d'attendre pendant plusieurs semaines le résultat de démarches, de nous contenter de bonnes dispositions des ministres pendant ce temps-là ? A-t-il refusé des soldats parce qu'il n'y avait pas d'argent pour les payer ? A-t-il fermé des usines de munitions deux ou trois jours par semaine de crainte d'être sans le sou à l'automne ?
Pendant que le spectre de la privation est l'hôte quotidien de familles de Québec, parce qu'il n'y a plus un sou des gouvernements dans les coffres de la ville, le gouvernement fédéral en est à son deuxième milliard gratis à l'Angleterre et autres nations étrangères. Les démarches ne sont pas si longues pour des cadeaux de cette ampleur !
Et aux pères et aux mères des familles qui vivotent sur des revenus de famine, on demandera d'élever des enfants pour aller défendre un régime aussi généreux.
Un milliard par année à des étrangers — amis, si l'on veut, mais étrangers tout de même. Et à nos nationaux, combien ?
Un milliard du Canada, cela représente onze millions et demi des 140,000 habitants de la ville de Québec.
Si l'on peut sortir de la ville de Québec onze millions et demi pour contribuer au cadeau du milliard, ne pourrait-on réserver la trentième partie de cette somme pour assurer un revenu régulier aux 806 travailleurs de ses chantiers municipaux ?
Si l'Honorable St-Laurent et les autres "bien disposés" d'Ottawa sont capables de faire pomper un milliard du Canada, onze millions et demi de la ville de Québec, chaque année, pour l'Angleterre et les Nations-Unies, ne seraient-ils pas bien inspirés de reverser au moins un tiers de million aux coffres de la ville de Québec pour des familles, qui après tout, ne sont pas tout à fait en dehors des nations-unies ?
Cette manie de serrer des étrangers sur son cœur pendant qu'on botte des Canadiens aux égouts !
Le système est bon, répéteront encore des hommes qui n'ont jamais perdu un repas, c'est le cœur de l'homme qui est mauvais. Avouons qu'il y a tout dans le système pour endurcir le cœur et exaspérer l'esprit de l'homme.
À tous les accusateurs des pauvres et défenseurs du système, politiciens ou autres, nous conseillons d'essayer pendant quelques semaines le budget imposé à leurs frères employés sur les chantiers municipaux de Québec. Peut-être, après cela, modifieront-ils leur manière de prêcher.
Le diable se fait moine, dit-on. Il se fait moine, pour mieux tenter les moines. Son air de moine lui donne une porte d'entrée, et c'est bien plus facile d'opérer, une fois dans la place.
Mais voici que le diable se fait aussi créditiste. Sans doute pour se donner une porte d'entrée dans les groupes créditistes et les saboter plus effectivement qu'il ne le pourrait faire d'en dehors.
Le diable se fait créditiste ? Mais oui, et il emprunte les termes des créditistes, il se signe même créditiste. Il ne donne pas son nom propre, Satan — ou Judas — ou un nom devenu synonyme de Judas. Oh ! mais non, il signe dévotement : "Un vrai créditiste". Un vrai, s'il vous plaît, et "qui veut le vrai Crédit Social".
Ceux qui n'ont pas reçu la circulaire "Pour une Nouvelle-France plus prospère" ne savent pas ce que veut dire tout ceci : c'est bon, qu'ils tournent simplement la page. Mais ceux qui ont reçu la circulaire ont sans doute eu de l'auteur la même impression que nous : celle d'un diable se faisant moine.
"Entre créditistes... dans le creux de l'oreille", dit la circulaire. Elle ajoute "Honni soit qui mal y pense". Puis : "Nous sommes de fervents créditistes". Qui, nous ? Pas de signature, sauf toujours "Un vrai créditiste".
Après toutes ces précautions, le reptile juge qu'il peut essayer de mordre.
Et quel est l'objet de la circulaire ? Discréditer les directeurs du mouvement créditiste dans la province de Québec ; les faire passer pour des voleurs. Qu'on se hâte de leur demander compte de leur administration. Où va l'argent ? Les directeurs, sans doute, ne s'en servent pas pour financer le mouvement, mais se préparent à fuir, avec tout le magot, vers des rivages enchantés !...
C'est tout à fait d'accord avec le point de vue du Notaire Jobidon et avec la décision prise par lui, de concert avec le petit groupe de la "Ligue", il y a déjà quelques semaines : Dissocier du mouvement M. Even et Mlle Côté — et avec eux faire tomber Vers Demain — pour mieux avancer la cause du Crédit Social. Voilà, certes, un "vrai créditiste" !
La circulaire sans signature, qui veut dénigrer la direction, parle pourtant le style de ceux qui suivent la direction : "Nos commissaires, nos voltigeurs, nos veillées créditistes." Comme le diable qui cite les saintes Écritures.
Et le serpent dépense des timbres pour envoyer sa circulaire partout dans les centres créditistes de la Province. Il a eu soin de fouiller Vers Demain pour avoir des noms et des adresses. Plus d'un voudrait lui relancer son venin à la face ; mais'l'hypocrite a été trop lâche pour donner son propre nom et sa propre adresse.
Le premier caractère d'un vrai créditiste, c'est de porter le front haut et de marcher en pleine lumière. Et une "Nouvelle-France plus prospère" ne sera jamais bâtie par des sournois ou des traîtres qui se glissent sous l'anonymat pour profaner des foyers créditistes et offrir leur baiser de Judas.
Aveugle et pauvre et âgé de 72 ans, M. Albini Genest, de Thetford, s'intéresse de toute son âme au Crédit Social. Il apprécie beaucoup le journal Vers Demain qu'il se fait lire chaque fois qu'il le reçoit chez son neveu. L'âge n'a ni obscurci son esprit ni refroidi son cœur, et il désire avec ardeur une Nouvelle-France libérée par le Crédit Social, des familles ensoleillées par le dividende à tous, du bébé au vieillard. Et nous lui souhaitons d'assister à cette réalisation.
La demande de graines de semence des colons d'Abitibi, faite par l'Union des Électeurs dé 40 paroisses, et signée de 2,585 requérants, sera présentée au premier-ministre aussitôt après ses vacances de Pâques. Le député d'Abitibi, Félix Allard, en a un double. M. Réal Caouette, de Rouyn, viendra pousser cete affaire à Québec, au nom de l'Union des Électeurs de l'Abitibi et du nord du Témiscamingue.