Une dépêche de presse, datée du 23 avril dernier, et provenant de Lake-Success, où siègent les Nations-unies:
«recommande que tous les pays se préparent à prendre des mesures efficaces pour affronter une crise mondiale.»
Tous les pays... Crise mondiale... Avouons que ce n’est pas gai à envisager. Mais crise de quoi?
Qu’est-ce donc qui va mettre tous les pays du monde en crise? Tous, face à la misère? Tous en même temps? Et cela, en pleine paix? Une crise, quand au lieu de bombarder des villes, on les reconstruit? Une crise, quand au lieu de raser les industries, on les relève? Une crise, de la misère dans les foyers de tous les pays, alors que les millions de bras vides, longtemps occupés seulement à tuer et à détruire, sont revenus dans leurs pays respectifs, pour aider à produire? Une crise, des privations dans les familles, alors que les hommes et les machines, longtemps absorbés à fabriquer des canons, des obus, des chars d’assaut, sont devenus disponibles pour produire de la nourriture, des habits, des meubles, des maisons?
Est-ce que les hauts conseillers des Nations-unies ont eu une révélation du Ciel? Ont-ils appris que tous les pays vont bientôt être la proie d’une sécheresse universelle? Ou d’un déluge universel? Ou d’une épidémie universelle qui couchera dans leurs lits ou dans leurs cercueils les travailleurs de tous les pays, en même temps?
Une sécheresse universelle, un déluge universel, une épidémie universelle, ce seraient des causes naturelles de crise. Et si telles sont les prévisions, la dépêche de Lake-Success devrait demander à tous les pays de se mettre en prière et de fuir le péché, pour fléchir la colère de Dieu.
Mais ce n’est point du tout cela qu’on conseille aux pays, à tous les pays du monde. On leur demande de se préparer tous à faire face à une crise mondiale, parce qu’elle doit venir; c’est écrit sur le mur de l’observatoire de Lake-Success.
L’avertissement est donné par la sous-commission des Nations-unies sur l’Embauchage et la stabilité économique. Embauchage... stabilité économique... C’est donc une crise de chômage, une crise d’instabilité économique, une crise de culbute de prix, une crise de ventres creux en face de greniers pleins, qu’annonce l’Observatoire économique des Nations-unies.
Ce n’est point une crise naturelle, mais une crise artificielle. Pas une crise de manque de produits, mais une crise de manque d’argent pour acheter les produits. La crise est prévue parce qu’elle est voulue. Ou bien, parce que l’abondance, à mesure qu’on répare les ruines de guerre, est incompatible avec le régime financier imposé à tout l’univers.
Crise artificielle. Pas une crise de température. Pas une crise de bras. Pas une crise de machines. Rien de tout cela; mais une crise d’argent. Une rareté d’argent, rareté que les maîtres de l’argent vont infliger à tous les pays du monde en même temps.
Ces financiers-là n’ont pas besoin de convoquer les délégués de 50 nations à San Francisco ou ailleurs, pour établir un organisme international, c’est fait depuis longtemps.
On n’en est pas à leur premier coup de fouet. Ils n’ont pas besoin de siéger des mois et des mois, à écouter des discours, à prendre des votes, à s’immobiliser devant des veto, à monter des pactes de l’Atlantique ou du Pacifique.
Les rouages de leur mécanisme tournent imperturbablement quel que soit le nombre d’humains qui devront passer dans le malaxeur. La petite consolation pour cette crise-ci, c’est qu’on daigne nous avertir d’avance tandis qu’on nous prit au dépourvu en 1929:
«Que tous les pays se préparent à prendre des mesures efficaces pour affronter une crise mondiale.»
L’ouragan s’en vient, préparez-vous à l’affronter. Comme si la crise était aussi inévitable que les ouragans, les orages, les averses ou les sécheresses. A-t-on jamais vu une crise d’argent arrêter la production en temps de guerre ? On a vu des pays capituler, faute d’hommes ou de matériel, mais pas faute d’argent.
Lorsque le président Roosevelt lança son pays dans la deuxième guerre mondiale, il déclara solennellement que devait cesser le «non-sens financier», et que toutes les forces productives de la nation seraient mises en activité.
Le non-sens financier du temps de paix
Le «non-sens financier» visé par le président, c’était l’arrêt de la production et de la distribution, faute d’argent; c’était le chômage en face de besoins; le président mettait ce non-sens à la porte pour la guerre. Pourquoi lui rouvre-t-on la porte quand la guerre est finie?
C’était bien la peine d’établir un organisme économique des Nations-unies, pour dire à tous les pays de se préparer à recevoir les coups du non-sens financier, au lieu de demander à tous les pays de mettre fin, une fois pour toutes, à ce non-sens financier.
Aucun des partis qui aspirent à gouverner le Canada ne mettra dans son programme le remplacement du non-sens financier par la logique financière. Seul le Mouvement créditiste dénonce le non-sens financier, seul, il propose l’établissement d’un régime sain, où l’abondance sera une bénédiction au lieu d’être un problème.
Qu’est-ce qu’on fait des personnes qui ont perdu la raison ? On les enferme dans les hôpitaux d’aliénés. Mais quand il s’agit de finance, c’est le non-sens qui tient les rênes.