Le Crédit Social envisage les réalités. Il refuse de se laisser hypnotiser par le halo dont on a entouré la finance.
Les réalités économiques, c'est, d'une part, la production; non seulement la production faite, mais la production immédiatement possible, la capacité de production; et ce sont, d'autre part, les besoins humains.
Le Crédit Social donne aux réalités la primauté sur les signes financiers qui ne sont pas des réalités, qui doivent simplement représenter, et représenter fidèlement, les réalités.
C'est pourquoi le Crédit Social fait une distinction entre crédit réel (une réalité) et crédit financier (une représentation).
Le mot «crédit» vient du mot latin credere et comporte l'idée de confiance. Même dans le langage courant, faire crédit à quelqu'un, est-ce que ce n'est pas indiquer qu'on a confiance en lui?
Le Crédit Social appelle crédit réel d'un pays ce qui donne réellement confiance dans ce pays, confiance qu'on peut y vivre sans trop de difficulté. Le crédit réel d'un pays, c'est sa capacité de production. C'est son degré de possibilité à produire et livrer les biens aux besoins.
Et le Crédit Social soutient que le crédit financier doit être la représentation exacte du crédit réel.
C'est donc la capacité de production qui doit déterminer le comportement de la finance. Ce n'est nullement la finance qui doive commander, paralyser ou borner la capacité de production.
C'est pour cela que le Crédit Social demande d'établir un organisme de crédit, qui tiendrait un compte de crédit national (ou provincial). Toute production, biens de consommation ou biens de capital, y serait inscrite comme un enrichissement. Et toute consommation (ou destruction, ou dépréciation) y serait inscrite comme diminution de richesse. L'enrichissement net serait la production moins la consommation.
Sauf quelques exceptions passagères où un pays vivrait aux crochets d'un autre, la production d'un pays dépasse sa consommation. Le pays s'enrichit. Il est donc absurde de dire qu'il s'endette. La dette publique est un contre-sens.
Et quand un pays s'enrichit, ses citoyens doivent bien en tirer avantage. C'est ce que reconnaît le Crédit Social, en parlant de dividendes à tous, au lieu de dettes et de taxes sur tous.
Le système actuel est sujet à l'inflation. L'inflation, cela veut dire des prix qui montent.
Quand l'argent ne peut commencer sans créer une dette, comme aujourd'hui, il faut bien chercher à tirer du public plus d'argent qu'il a été mis en circulation, afin de rembourser la dette plus l'intérêt de la dette. De là des taxes, qui s'ajoutent aux prix ou qui diminuent le pouvoir d'achat en face des prix. De là aussi les hausses de prix par les industriels, qui doivent tirer du public de quoi payer non seulement les produits, mais aussi les charges financières, les intérêts sur les emprunts industriels.
Le Crédit Social supprimerait ce cancer, cette tumeur sur les prix, puisque la production serait un enrichissement, et non un endettement.
Puis, le Crédit Social abaisserait les prix à payer par les acheteurs, puisqu'il ne ferait payer à la communauté que ce qu'elle consomme, et non pas tout ce qu'elle produit.
Si, par exemple, dans l'ensemble du pays, la consommation était seulement égale aux trois quarts de la production, les acheteurs ne paieraient, sur tout article acheté par eux, que les trois quarts du prix comptable. L'organisme de crédit verrait à compenser le producteur, pour qu'il récupère tout son prix comptable.
Cela veut dire que les argents inclus dans les prix, mais non rendus entre les mains du public, ou détournés vers l'épargne ou les placements, et non affectés à l'achat de la production, seraient remplacés par l'organisme de crédit, au bénéfice de ceux qui ont besoin des produits. Cela empêcherait l'accumulation de produits en face de besoins. Et le mécanisme pour le faire aurait l'avantage d'opérer moyennant diminution du prix, donc en éliminant toute inflation possible.
Le dividende périodique à tous, préconisé par le Crédit Social, est encore en conformité avec les réalités économiques.
La production moderne, en effet, est de plus en plus le résultat de la science appliquée, d'inventions, de perfectionnements de techniques de production, et de toutes ces choses qui constituent un bien communautaire, un héritage transmis et augmenté d'une génération à l'autre. Elle est de moins en moins le résultat du labeur individuel.
Vouloir distribuer la production rien que par la récompense au labeur humain, c'est donc contraire aux faits. C'est en même temps impossible, car jamais l'argent distribué comme récompense au travail ne peut acheter la production qui comprend d'autres éléments dans ses prix.
Chercher des hausses de salaires avec des diminutions de labeur humain, c'est aussi ôter le sens du mot salaire. Ce n'est plus une récompense au travail; c'est l'incorporation dans le salaire aux embauchés de ce qui devrait être un dividende à tous, puisque c'est le fruit du progrès et non du labeur. Cette déviation nuit au but cherché, puisqu'en devenant salaire au lieu de rester dividende, ces montants additionnels entrent dans les prix.
Le Crédit Social distribuerait le dividende à tout le monde, directement, sans le charger à l'industrie. Ce serait hausser véritablement le pouvoir d'achat de tous. Tout en étant la reconnaissance d'un capital communautaire très productif, ce dividende social serait en même temps une excellente manière de satisfaire à la destination primitive des biens terrestres. "La terre et ses richesses ont été créées pour tous les hommes". Ce que le présent régime économique ignore dans sa technique financière de distribution.
Le Crédit Social établirait ainsi directement une répartition adéquate des biens de la nature et de l'industrie, au lieu d'en remettre la tâche aux opérations chirurgicales de la fiscalité, qui amputent et greffent continuellement, sans jamais guérir le mal.
Une part à tous et à chacun, garantie par le dividende à tous et à chacun, de la naissance à la mort; et cette part devrait être suffisante au moins pour assurer le nécessaire à la vie.