Dans un monde égoïste, "dur, implacable et cruel," comme celui que nous a organisé la dictature économique et que Pie XI a dénoncé, je me sens incliné à beaucoup d'admiration et même de complaisance envers ceux qui se portent généreusement au secours de la misère populaire et veulent rendre au peuple le bien-être que les abus du capitalisme lui ont volé.
Chrétiens, nous n'avons pas le droit de rester insensibles en face de la grande indigence de notre peuple, ni de nous détourner d'aider si peu que cela soit à la solution des graves problèmes qui nous angoissent et engagent non seulement l'avenir temporel, — mais ce qui est plus grave — l'avenir surnaturel de toute une génération. Car, selon la parole même du vicaire de Jésus-Christ, c'est sur le terrain économique que se joue le salut des âmes.
Aujourd'hui, la misère de notre peuple est partout affichée : sur les visages de nos enfants, dans les regards farouches de nos ouvriers, au fond des yeux éplorés de nos mères, sur le front sans éclat de notre jeunesse : misère déprimante, exaspérante, mortelle qui inonde nos villes et nos campagnes. Notre participation à la grande tuerie universelle n'est pas un remède, mais un sursis. L'argent qui circule présentement n'est pas une prospérité, un signe de santé économique. C'est une hémorragie, symptôme de mort.
Une immense multitude de prolétaires mal payés et pressurés et un petit nombre de riches pourvus d'énormes ressources, atteste à l'évidence, dit Pie XI, que les "richesses créées en si grande abondance à notre époque d'industrialisme sont mal réparties et ne sont pas appliquées comme il conviendrait au besoin des différentes classes". Les contrats de guerre sont loin de remédier au mal.
Or, depuis que Pie XI a écrit son encyclique sur la restauration sociale — depuis 1931, quels efforts a-t-on tentés pour remédier sérieusement à des états de choses qui exaspèrent les masses et préparent la voie au bouleversement et à la ruine de la société ?
M. King reproche aux Canadiens de ne pas prendre la guerre au sérieux. A-t-il lui-même, et son gouvernement, donné l'exemple en prenant au sérieux une crise de misère qui étreint le peuple depuis dix ans ?
Des voix éloquentes et autorisées ont loué la sagesse des encycliques sociales de nos Souverains Pontifes. Dans nos chaires chrétiennes, dans quelques revues et journaux, on n'a pas manqué d'enseigner que la restauration et l'achèvement de l'ordre social ne s'obtiendraient jamais sans une réforme des mœurs. C'est toujours du petit peuple qu'on l'attend, cette réforme ; à lui seul qu'on la prêche. On lui demande de vivre plus simplement, d'épargner, de se priver. Mais ont-ils pensé à réformer leurs mœurs, les autres, "ces hommes qui, tout en se disant catholiques, se souviennent à peine de cette sublime loi de justice et de charité en vertu de laquelle il ne nous est pas seulement enjoint de rendre à chacun ce qui lui revient, mais encore de prêter secours à nos frères indigents comme au Christ lui-même ; qui, chose plus grave encore, ne craignent pas d'opprimer les travailleurs par esprit de lucre ?"
Le scandale des 90 pour cent des manufacturiers de chaussures qui ont volé $12,000 au bas mot sur les salaires de leurs ouvriers dans la seule ville de Québec ne laisse voir ni justice ni charité.
Des voix fâchées ont dénoncé avec raison les horreurs du bolchévisme et les gouvernements de criminels qu'il a organisés partout où il a pu devenir le maître. Mais qui donc — le Pape et quelques prélats exceptés — qui donc a dénoncé les abus du capitalisme ? Qui donc a flagellé, comme le Pape, ces hommes qui "abusent de la religion elle-même, cherchant à couvrir de son nom leurs injustes exactions, pour écarter les réclamations pleinement justifiées contre leurs auteurs ?" Ces hommes ne sont-ils pas cause que l'Église, sans l'avoir en rien mérité, a pu avoir l'air et s'est vu accusée de prendre le parti des riches et de n'avoir aucun sentiment de pitié pour les besoins et les peines de ceux qui se trouvent déshérités de leur part de bien-être en cette vie ?
Hélas ! si nous avons eu de belles et éloquentes dénonciations du communisme, nous n'en avons pas eu contre les abus du capitalisme — du moins si peu qu'elles se sont perdues dans le bruit des premières.
Seul, le Crédit Social a trouvé des apôtres qui ont eu le courage de faire écho à la voix du souverain Pontife et, sans haine, avec le plus grand esprit de charité, ont prêché tout un ensemble de doctrines et de procédés dont l'application judicieuse, prudente, peut donner au peuple le moyen, non pas de vivre sans travailler comme disent certaines gens mal inspirés — mais de compléter le salaire que leur travail leur aura permis de gagner.
D'accord avec le Souverain Pontife, le Crédit Social veut "attribuer à chacun ce qui lui revient, et ramener aux exigences du bien commun ou aux normes de la justice sociale la distribution des ressources de ce monde, dont le flagrant contraste entre une poignée de riches et une multitude d'indigents atteste de nos jours, aux yeux de l'homme de cœur, les graves dérèglements." (Pie XI).
D'accord avec le Souverain Pontife, le Crédit Social affirme qu'il y a "violation de l'ordre, parce que présentement le capital n'engage les ouvriers ou la classe des prolétaires qu'en vue d'exploiter à son gré et à son profit personnel l'industrie ou le régime économique tout entier, sans tenir compte ni de la dignité humaine des ouvriers, ni du caractère social de la vie économique, ni même de la justice sociale et du bien commun."
D'accord avec la doctrine de l'Église catholique, le Crédit Social dénonce "une situation économique qui donne la totalité des produits et des bénéfices au capital, laissant à la classe des travailleurs à peine de quoi refaire ses forces et se perpétuer, les condamnant à traîner la plus précaire des existences dans un dénuement perpétuel."
Enfin, toujours d'accord avec la doctrine de l'Église catholique, le Crédit Social professe, enseigne que "l'organisme économique et social sera sainement constitué et atteindra sa fin, alors seulement qu'il procurera à tous et à chacun de ses membres tous les biens que les ressources de la nature et de l'industrie, ainsi que l'organisation sociale de la vie économique, ont le moyen de leur procurer."
Non seulement le Crédit Social enseigne cette doctrine, mais il propose des moyens, des réformes monétaires qui permettront de la mettre en pratique. Ses chefs savent bien que le Crédit Social ne donnera pas le ciel sur terre ; ils n'ont pas besoin que des voix savantes le leur disent ; mais ils prétendent aider chacun à gagner le ciel en procurant à chacun non la richesse, mais ce "degré d'aisance et de culture qui, pourvu qu'on en use sagement, ne met pas d'obstacles à la vertu, mais en facilite au contraire singulièrement la pratique" (Pie XI).
Qui donc après cela osera prétendre que c'est du socialisme ou du communisme que de travailler dans l'ordre pour la transformation de la société et de ses organismes vers l'atteinte d'un tel but ?
Comme le disait si bien un jour M. Charles Gauthier dans "Le Droit" : "Les réformes sociales, la naissance d'un nouveau monde économique, une meilleure répartition des biens terrestres, ce ne sont pas les communistes, les socialistes, les créditistes qui les ont demandées les premiers. Ce sont l'Église et les Souverains Pontifes."
Ce qui caractérise le Crédit Social et l'oppose radicalement au communisme, c'est qu'il veut passer de la théorie à l'action, non par la violence, par la lutte implacable des classes et la disparition complète de la propriété privée, comme le communisme l'a sauvagement organisé là où il a pris le pouvoir. Loin de là !
Ce que veut le Crédit Social c'est le respect de la personne humaine. Loin de tout vouloir socialiser, il laisse aux individus la tâche d'organiser et d'administrer les entreprises. Toute militarisation de la crise économique comme en Russie lui répugne. Il abandonne donc à chacun le soin de choisir et de suivre sa vocation économique selon ses aptitudes et ses goûts. Après avoir mis ainsi la production et la distribution sous l'influence de l'initiative privée, il fera de même pour la consommation. En conséquence, tout son effort tendra à garantir aux consommateurs un bon pouvoir d'achat, le seul moyen efficace pour eux de garder leur liberté.
Pour soutenir que le "Crédit Social" c'est du communisme, il ne reste plus que les capitalistes véreux, égoïstes et aveugles et à leur suite, peut-être à leur solde, des hommes dont la culture économique est superficielle, forcément incomplète, des hommes qui écrivent des livres dans lesquels ce qu'il y a de mieux ce sont les emprunts aux données du Crédit Social — livres faits de plagiats mal cousus, tissus de charabia aux prétentions scientifiques, monceaux d'incohérences surprenantes sous la plume d'hommes qui posent aux savants, à la pondération, à la clairvoyance et s'inscrivent professeurs d'Université.
Peu nous importe de savoir ce que feront aux prochaines élections tels ou tels politiciens. Le Crédit Social n'appartient à aucun parti politique mais il intéresse tout homme de cœur soucieux de voir se dénouer la terrible situation actuelle. À tous ceux qui accusent de communisme les tenants du Crédit Social, nous répondons par la brochure du Rév. Père Lévesque : "CRÉDIT SOCIAL ET CATHOLICISME". Elle reste et restera comme le témoignage sérieux, sincère et désintéressé d'un professeur émérite, chef de l'École des sciences sociales à l'Université Laval de Québec. Nous attendons qu'on la réfute avant de la mettre de côté, ou que l'autorité légitime la condamne : ce qui n'aura pas lieu.
Cette brochure en main, nous regardons avec sérénité les détracteurs du Crédit Social et nous leur disons avec le Père Lévesque : Si vous ne voulez ni du socialisme, ni du communisme, opposez-leur le Crédit Social, il met entre vos mains une arme terrible contre ces ennemis.
Si vous n'avez pas lu sa brochure, lisez-la. Si vous l'avez lue et ne l'avez pas comprise, demandez qu'on vous l'explique. Alors si vous êtes sincères, vous reviserez vos conclusions.
Le CRÉDIT SOCIAL est le système de l'après-guerre qui arrachera les populations aux affres de la faim et aux horreurs de la révolution.
Prions DIEU que ses ennemis, le dictateur économique et tous ses aveugles partisans succombent dans cette lutte. Il faut au peuple non pas de l'or mais du pain, des vêtements, des logis.
Louis LAFOND