Le plan de causerie publie dans le numéro du 1er février a été apprécié des élèves.
C'était un fil général de discours. Il n'est pas du tout nécessaire pour un conférencier de développer tous les points donnés dans ce plan. Mais il en est sur lesquels il faut insister.
En abordant un auditoire, il est nécessaire, tout de suite, de le convaincre de l'importance du sujet et de l'utilité de s'en occuper.
Nécessaire aussi d'expliquer clairement ce que nous appelons "l'argent de chiffre." Autrement, les auditeurs ne comprennent pas grand'chose à tout ce qu'on dit de cette espèce d'argent.
Impossible de passer sous silence la manière dont se fait l'argent de chiffres aujourd'hui, dans la banque. Pour deux raisons : pour démontrer le vice du système actuel dans la main-mise de particuliers sur le système d'argent ; puis pour montrer combien il est facile, moyennant autorisation, de faire de l'argent qui peut écouler n'importe quelle production utile.
Le droit au dividende, la distribution de l'argent neuf à tous les citoyens, demande une bonne démonstration, parce que c'est absolument nouveau pour le monde, et parce que c'est contraire à l'idée traditionnelle qu'on n'a pas droit à l'argent sans l'avoir gagné.
Il est bon de diriger l'attention sur quelques-uns des avantages qui résulteraient du Crédit Social. Sans trop s'étendre, cependant. Choisir les exemples qui touchent de plus près les gens à qui on en parle.
Nous avons déjà dit que la conclusion : les moyens à prendre pour former une opinion publique qui réclamera le Crédit Social, a une importance capitale. C'est, en effet, par la collaboration déclanchée qu'on évalue le résultat de la causerie.
Nous n'encourageons pas les conférenciers à apprendre un texte par cœur et à le débiter comme une leçon. Cependant, à titre d'exemple, pour inspirer ceux qui sont à sec pour savoir par quelle phrase commencer, nous publions ici, aujourd'hui, une entrée en matière. Il y a mille manières d'aborder son sujet. Celle-ci ne lie donc personne.
Dans le prochain numéro, nous développerons un second point de la causerie, et ainsi de suite, présentant, en six parties consécutives, le texte complet d'un discours d'environ quarante minutes.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Nous sommes tous des catholiques. Nous sommes tous allés à la messe aujourd'hui. Lorsque le prêtre a chanté le Pater, nous l'avons accompagné tout bas.
En récitant le Pater, nous disons à notre Père des cieux : "Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien".
Nous demandons à Dieu de nous donner notre pain quotidien. Qu'est-ce que c'est que cela, notre pain quotidien ? Est-ce rien que le pain ? Puisque c'est la seule chose que le Notre-Père demande pour la vie de notre corps, ça veut dire : Tout ce qu'il nous faut pour la vie temporelle.
Notre pain quotidien, c'est la nourriture de chaque jour ; ce sont les vêtements, les chaussures, une maison, du bois ou du charbon pour se chauffer, des lits pour se coucher, des remèdes pour se soigner, ce qu'il faut pour s'instruire, etc. C'est tout cela, le pain quotidien. C'est aussi ce qu'il vous faut, cultivateurs, pour entretenir votre ferme, parce que si votre ferme ne rend pas, vous manquez de tout.
Le bon Dieu exauce-t-il notre prière ? Certainement, puisque nous prions avec l'Église et que nous demandons ce que Notre-Seigneur lui-même nous a dit de demander.
Donc, le bon Dieu nous donne notre pain quotidien.
Nous apporte-t-il notre pain, les vêtements, les chaussures, sur un plateau qu'il place entre nos mains ?
Non. Ce n'est pas la manière depuis que l'homme est sorti du Paradis terrestre. Mais le bon Dieu nous fournit quand même notre pain en nous donnant les moyens de l'obtenir.
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Les moyens. Qu'est-ce que c'est que cela, les moyens ? Quels sont les moyens que le bon Dieu nous donne pour avoir notre pain quotidien ?
Les moyens ? Ce sont nos bras, nos cerveaux, la terre, le soleil, la pluie, les connaissances pour élever des animaux.
C'est tout cela, et d'autres choses comme cela, qui doivent nous servir à obtenir notre pain, à obtenir tout ce qu'il nous faut pour vivre honnêtement sur la terre.
Les avons-nous, les moyens ? Avons-nous des bras ? Avons-nous la capacité de travailler ? Avons-nous un sol où les choses peuvent pousser ?
Vous le savez, vous autres, qu'on a tout cela. On en a de reste. Combien d'hommes, de jeunes gens, dans les villes, dans les villages, ont des bras pour travailler, et on leur dit : Pas de travail pour vous.
Pas de travail pour des gens qui veulent travailler ? Pourquoi ?
Vous, de la campagne, vous avez des garçons qui viennent de finir à l'école du rang, qui voudraient faire un cours : cours d'agronomie, cours technique, cours normal, cours classique. Vous êtes bien consentants qu'ils fassent un cours, parce que vous n'avez pas besoin d'eux tout de suite pour faire votre terre. Les collèges sont là, avec des professeurs, qui ne demandent pas mieux que de recevoir vos grands garçons. Et pourtant ils ne vont pas faire leur cours. Pourquoi ?
Votre grange, votre maison a besoin de peinture. Vous voudriez bien repeinturer. Le marchand ne demande pas mieux que de vous passer de la peinture. Si vous manquez de temps, il y a bien des hommes qui sont prêts à s'engager pour peindre vos bâtiments. Pourtant vous ne peinturez pas, vous ne faites pas peinturer. La peinture reste dans le magasin. Ceux qui font de la peinture chôment, et vos bâtiments souffrent du manque de peinture. Pourquoi ?
Vous aimeriez bien avoir des machines aratoires pour votre ferme. Les vôtres sont vieilles, hors d'usage. Il y en a de bonnes aujourd'hui. Vous savez où elles sont. Elles sont là pour vous. On vous presse de les commander. Et, pourtant, les machines faites pour vous restent dans les magasins, vous continuez à travailler dur, sans machines ou avec de vieilles machines, pendant que ceux qui fabriquent des machines chôment parce que vous vous en privez ; et parce qu'ils chôment, vous ne pouvez leur vendre vos produits. Pourquoi ?
Vos enfants, vos femmes peuvent être malades. Il leur faudrait un médecin, des remèdes. Vous savez où est le médecin, où sont les remèdes. Le médecin reste sans appel, les remèdes restent dans la pharmacie et vos femmes et vos enfants continuent de souffrir. Pourquoi ?
On a tout ce qu'il faut autour de nous, devant nous, et on le laisse là, et on se prive. Pourquoi ?
Qu'est-ce qui barre ainsi notre pain quotidien ? Qu'est-ce qui s'est placé entre le bon Dieu qui donne et l'homme qui ne peut prendre ?
Vous le savez tous ! C'est l'argent qui manque.
Le bon Dieu, en mettant l'homme sur la terre, a mis sur la terre tout ce qu'il faut pour l'homme. Les hommes ont fait des règlements. Un de ces règlements, c'est qu'il faut de l'argent pour obtenir les choses que d'autres font et qu'ils désirent nous vendre.
Le règlement est bon, à la condition qu'il y ait assez d'argent pour que ça marche.
Mais que voit-on aujourd'hui ? Les hommes attendent les choses, les choses attendent les hommes — parce qu'il n'y a pas d'argent.
Les gens des villes n'achètent pas la production de la campagne, les gens de la campagne n'achètent pas la production des villes, parce ou'il n'y a pas d'argent.
Des jeunes ne peuvent ni se placer ni se marier, parce qu'il n'y a pas d'argent.
Les familles se disloquent, les jeunes se dispersent prématurément : pas d'argent !
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Et pourquoi n'y a-t-il pas d'argent ?
L'argent — la permission de prendre des choses. Quand les choses sont là, en grande abondance, pourquoi les permissions sont-elles rares ? Quand les choses sont faciles à faire, pourquoi la permission de les avoir est-elle si dure à obtenir ?
L'argent manque. C'est vrai. Rien ne manque à part de ça. Qu'est-ce qui manque dans notre pays, à part de l'argent ?
Rien, absolument rien que l'argent. Mais, vous allez dire, à quoi bon dire ça ? On n'est pas capable d'empêcher ça. Quand il y a de l'argent, on peut en avoir. Quand il n'y en a pas, on ne peut pas en avoir.
Oui, mais pourquoi n'y en a-t-il pas ? Est-ce que l'argent, c'est comme le soleil, comme la pluie ? Est-ce que ça dépend du bon Dieu, des anges ? Est-ce le bon Dieu qui fait l'argent ?
L'argent est fait par des hommes, tout comme des pommes de terre sont cultivées par des hommes.
S'il y a de l'argent, c'est parce que des hommes en ont fait. S'il y en a beaucoup, c'est parce qu'ils en ont fait beaucoup. Si on en manque, c'est parce que les hommes qui fabriquent l'argent n'en font pas assez, ou bien parce qu'ils le détruisent, parce qu'ils le font disparaître.
Des hommes font l'argent, et jamais le bon Dieu n'a défendu d'en faire plus, ni commandé d'en faire moins. Il laisse cela à la volonté des hommes.
Mais ! qui sont ces hommes qui font l'argent ?
Les cultivateurs font des produits agricoles. Les ouvriers font des produits manufacturés. On a beaucoup de produits agricoles et manufacturés, parce que les travailleurs ne se font pas prier pour travailler quand ils peuvent vendre leur production.
Mais ceux qui font l'argent manquent complètement leur affaire. S'ils font bien l'affaire pour leur goût, ils ne la font certainement pas bien pour les besoins du public.
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Qui est-ce qui fait l'argent ? Vous êtes-vous jamais demandé ça ? Qui est-ce qui fait cette chose-là dont tout le monde a besoin tous les jours ?
Ça commence bien quelque part, l'argent. L'argent ne vient pas au monde tout seul. Où commence-t-il ? Comment vient-il au monde ? Qui est-ce qui le prend à son arrivée au monde ?
C'est bien aussi important de savoir ça que de savoir où commencent les autres choses. Et puisque ça ne va pas bien dans l'argent, ça vaut la peine de regarder qu'est-ce qui ne va pas bien, pour changer ou faire changer ce qui est défectueux.
Si nous ne voyons pas à cela, qui est-ce qui va y voir pour nous ?
Bien du monde pense que c'est le gouvernement qui fait l'argent. Si c'était le gouvernement, il serait bien coupable de ne pas en faire davantage. Il serait bien bête aussi, puisqu'il en manque toujours.
Avez-vous vu un gouvernement faire de l'argent ? Non. Vous avez vu des gouvernements vous taxer pour avoir de l'argent. Emprunter aussi pour avoir de l'argent. Après ça, croiser les bras en disant qu'ils manquaient d'argent et qu'ils ne pouvaient rien faire pour les Canadiens qui crèvent de faim devant des montagnes de blé, qui grelottent devant des forêts débordantes de bois et des mines de charbon inépuisables.
Le gouvernement ne fait pas d'argent. Vous n'en faites pas. Je n'en fais pas. Et pourtant, quelqu'un fait l'argent, puisqu'il y en a au moins un peu. Et celui qui en fait pourrait bien en faire plus, puisque ça ne prend que du papier pour faire de l'argent.
Eh bien, c'est de cela qu'on va parler. On va d'abord voir au juste qu'est-ce que c'est qui sert d'argent aujourd'hui. Puis où commence cet argent ? De quelle manière ?
On va voir ce qu'il y a de mauvais dans la naissance de l'argent. Puis ce qu'il faut faire pour mettre ça correct.
Comme vous savez tous le français et que vous avez tous du jugement, vous allez comprendre cela clair comme jour.
(À suivre)
Il nous a été pénible d'apprendre le décès de deux bons créditistes :
M. Patrick Enright, de Québec, était connu à la fois comme ardent patriote et ardent créditiste — deux caractères qui s'allient très bien.
M. Crégheur, marchand, de Plaisance (Cté de Papineau), s'attacha au Crédit Social dès la première fois que la doctrine fut portée dans sa paroisse par M. Armand Turpin, de Hull.
Nous prions les familles de ces deux amis d'agréer nos plus sincères condoléances.