C'est à dessein que je mets ce dernier titre au pluriel, car on a constaté qu'il y en a au moins trois formes dans l'huile de foie de morue ; l'une de ces trois formes ne peut être décelée par les réactions chimiques qui caractérisent les deux autres. De plus, à part les vitamines A proprement dites, il y a les provitamines A de la classe du carotène, susceptibles de fournir des vitamnes A dans un organisme normal ou en santé.
La vitamine A la mieux connue qu'on a pu isoler est un liquide huileux couleur orange aux températures supérieures à 8° C. En bas de 7.5° C., ce sont des cristaux jaunes en forme d'aiguilles. C'est un dérivé des stérols qui ne serait soluble que dans les huiles et les graisses. On sait que Casimir Funk, médecin polonais, a inventé le mot "vitamine" pour les facteurs vivants des aliments, qui contenaient dans leur formule chimique le groupe azoté appelé aminé. Et il avait aussi inventé le mot "vitastérine" pour d'autres facteurs dérivés des stérines ou stérols, et ne contenant pas d'azote. D'après Funk, les vitamines A devraient donc être des vitastérines. Mais en pratique, le mot vitamine a prévalu et sert à désigner tout le groupe.
Les vitamines A n'étant solubles que dans les graisses et les huiles doivent normalement se trouver dans les composés contenant ces corps gras. C'est pourquoi les plantes dépourvues de gras fournissent, non pas des vitamines A, mais seulement des provitamines. Voici un tableau établi par le Dr Maurice Uzan, maître de Conférences à l'École Pratique des Hautes Études de Paris.
Il a trouvé 100 unités internationales (U.I) de vitamines A dans :
1 gramme de foie de veau ;
4 grammes de jaune d'œuf cru ;
2 à 5 grammes de fromages ;
5 grammes de beurre ;
5 grammes de soja ;
25 grammes de germe de blé ;
66 grammes de maïs jaune ;
44 grammes de lait pur ;
200 grammes de viande de bœuf.
Puis 100 U.I. de provitamines A dans :
0.17 gramme de persil ;
0.20 gramme d'épinards frais ;
2 grammes de laitue verte ;
3 grammes de paprika ;
5 grammes de carottes ;
15 grammes de tomates.
Les vitamines proviennent à peu près exclusivement des plantes, la cellule animale ne pouvant élaborer ces substances. Mais les animaux en santé peuvent transformer les provitamines en vitamines et emmagasiner ces dernières. C'est ce passage par le corps d'un animal que j'ai appelé, il y a quelques années, le cycle biologique. Il n'était pas alors question de compléter la formation des vitamines, mais simplement d'inclure dans les aliments dérivés d'animaux un surplus de vitamines et d'autres éléments. J'avais préconisé l'usage de l'huile de foie de morue, du fer colloïdal, de levures spéciales, etc., dans les rations des animaux de ferme, pour enrichir soit les œufs, soit le lait ou encore la chair des animaux destinés à l'abattage. D'après les récentes constatations sur les vitamines et les provitamines, on voit que le cycle biologique est non seulement utile, mais nécessaire.
Sans doute, pour une ration d'entretien chez un sujet normal, on peut prescrire les provitamines et recommander l'usage des aliments qui en contiennent, comme la laitue, les épinards, les carottes, le persil, le chou cru, les tomates, etc. Mais pour traiter un organisme carencé, ce traitement est à peu près nul, et même dangereux.
On s'expose à provoquer une sorte de jaunisse, qui a été appelée carotinémie. La peau du patient devient jaune à cause de la présence de grains de carotène qui n'a pas été transformé en vitamines. On peut prévenir cela en donnant en même temps une abondance de vitamines C, et ce fait corrobore l'assertion que j'ai déjà faite : il est toujours préférable de donner plusieurs vitamines à la fois. En n'en prescrivant qu'une seule, on s'expose à une carence des autres, ou à n'obtenir que des résultats médiocres.
Il est une autre remarque importante qu'il convient de faire ici. Toutes les variétés de plantes pouvant fournir des vitamines ou des provitamines, ne sont pas également riches, même pour une seule espèce. Il est certain que les plantes de serre sont moins riches que les plantes cultivées en plein air, sous les rayons directs du soleil. On sait que, pour les provitamines A, la chlorophylle des feuilles joue un grand rôle. Le mode de culture, la composition du sol, la présence de certains ferments ou de certaines bactéries, changent non seulement la qualité des produits récoltés, mais aussi leur teneur en vitamines et provitamines.
En reportant ces différences dans l'alimentation des animaux pourvoyeurs de vitamines A, ou dans la ration des animaux destinés à fournir des aliments, on comprend facilement qu'il puisse y avoir une forte marge dans la qualité des produits que nous consommons. Les œufs, le lait, la crème, le beurre, les viandes diverses ne sont pas tous également riches, même en ne tenant pas compte de leur état de conservation ou de fraîcheur. On ne peut donc pas compter obtenir des résultats thérapeutiques rapides et précis avec le seul régime alimentaire. Nous pouvons le plus souvent obtenir une ration d'entretien et maintenir en santé un organisme jeune et encore sain, mais il faut une longue période de repos et de régime spécial pour remplacer des doses thérapeutiques de vitamines préparées. Par exemple, le lait pur provenant de vaches grasses et saines contient les vitamines nécessaires à l'assimilation de cet aliment, mais pas assez pour suffire à la digestion et à l'absorption normales des autres aliments. Plus la proportion de ces derniers est forte, plus il est nécessaire de fournir un complément de vitamines. Il faut donc recourir aux médicaments riches en vitamines pour l'absorption des aliments qui en manquent, et surtout pour stimuler ou relever un organisme fortement carencé.
(À suivre) (Reproduction interdite)