Pour terminer la pathogénie du cancer, faisons quelques réflexions sur ce que le Dr Pascault, de Cannes, dit de l'alimentation moderne. La citation donnée dans la dernière chronique a une portée pratique, non seulement au sujet du cancer, mais aussi pour la défense de notre organisme et pour son entretien normal.
Dans cette citation, le premier aliment incriminé est le pain blanc, qu'il appelle avec raison : pain mort. Comment se fait-il qu'un aliment si populaire, si essentiel même à l'entretien de la vie humaine ait été ainsi modifié jusqu'à devenir nocif ? C'est que l'industrie moderne, au lieu de chercher avant tout le service et le bien-être du consommateur, tend exclusivement à faire des profits.
La farine vivante et naturelle, telle qu'elle devrait être livrée aux boulangers, telle que nos ancêtres l'employaient pour le bon pain de ménage, ne peut se conserver longtemps sans chauffer, à moins de précautions spéciales. Tandis que la farine blutée à moins de 70%, débarrassée de tous ses éléments vivants, rendue tellement inerte que les microbes ni les ferments ne peuvent y vivre, peut se conserver indéfiniment, s'entasser dans les entrepôts et rapporter des profits plus élevés. Aussi, pour boulanger cette farine, faut-il lui adjoindre divers ingrédients ; puis pour activer la production du pain, on se sert bien souvent de levures chimiques, au lieu du levain naturel riche en vitamines. Sans doute, nos boulangers nous offrent diverses variétés de pains, mais tous les pains hors série se vendent plus cher, et nous sommes bien souvent forcés de prendre les pains ordinaires fabriqués à la machine par l'industrie.
À ce sujet, voici un calcul intéressant que je trouve dans le rapport de la "Réunion scientifique du Bureau médical de l'Hôpital Notre-Dame," de Montréal, séance du 18 janvier 1940 :
"Dr H. GÉLINAS. — L'avitaminose B1 est peut-être plus fréquente qu'on ne le croit. Un auteur a constaté que l'alimentation moderne a une tendance à diminuer la vitamine B1. Autrefois on employait le pain complet ; or le pain complet contient une unité internationale (U. I.) et demie par gramme. La dose quotidienne de pain ingérée étant d'environ 200 à 250 grammes par jour, on absorbait 300 à 350 U. I. Le pain ordinaire actuel contient dix fois moins de vitamines B1. On en absorbe donc seulement 25 à 30 U. I. Or le minimum requis par jour est de 400 U. I. On devrait viser à un taux de 500 à 700 U. I."
Cette citation ne parle que de la vitamine B1, mais cette vitamine est l'une des plus importantes pour nous préserver du cancer, comme nous le verrons plus tard.
On peut faire le même calcul pour la vitamine E, appelée vitamine de fécondité, qui est aussi très importante contre le cancer. Le pain blanc n'en contient pas ou très, très peu, puisque les germes de blé sont éliminés par le blutage. Il faut une once de blé pour extraire une goutte d'huile de germes de blé (contenant environ 40 unités Pocini-Linn par gramme). Le pain complet contient toutes les vitamines E provenant du germe, puisque les vitamines E résistent parfaitement à la température de cuisson du pain. Seule l'oxydation provenant du vieillissement de la farine diminue ou fait disparaître les vitamines E.
Je termine cette chronique en vous racontant une petite histoire vraie.
Au cours d'une randonnée en auto dans le bas du fleuve, nous arrêtions, le 16 juin dernier, voir un cousin, excellent cultivateur du bas de Québec. Le soir, au souper, tous proclamaient hautement la qualité exceptionnelle et la saveur exquise du pain de ménage. Mon cousin se contentait de rire, mais avec un air tellement narquois que je lui demandai la cause de sa gaieté. Il répondit : "Ne faites pas trop d'éloges à propos du pain, car si vous saviez l'histoire de ce pain-là, vous changeriez peut-être d'avis." — "Impossible", répondîmes-nous en chœur. "Mais racontez-nous cette histoire". — "Voici : depuis deux ans, nous n'avons pas réussi pour notre blé, parce qu'il a mal mûri, et notre farine ne lève pas. Nous sommes obligés d'acheter de la farine forte pour faire un mélange. Or le printemps dernier, voulant acheter du gru blanc pour mes porcs, le commerçant me conseilla d'essayer de la farine de blé se vendant à peu près le même prix. Je suivis son conseil ; mais en examinant la farine reçue, je crus à une erreur, et je me dis : "C'est péché de donner de la si belle farine à des porcs." Je pris le sac ouvert et le portai à la ménagère en disant : 'Essaie cette farine-là pour faire du pain.' À notre très grande surprise, nous avons à peu près manqué la première cuite, parce que la farine était trop bonne et que la pâte levait beaucoup trop. Nous avons ajouté de notre farine pour un quart, et c'est le pain que vous trouvez si bon. Il est fait de trois quarts de farine à porcs et un quart de farine de mauvais blé".
Puis il continua : "Je ne puis comprendre comment il peut y avoir sur le marché une farine aussi bonne pour le prix de la farine à porcs." Je lui expliquai alors que cette farine provenait vraisemblablement du blé Garnet. Ce blé est excellent, mais donne une farine bise ou plus brune. Les meuniers ne peuvent mélanger ce blé avec les autres blés plus blancs, parce qu'il prend beaucoup plus de temps à absorber le taux d'humidité nécessaire à la mouture moderne. Il est encore très dur quand les autres sont prêts. Le son de ce blé est très lié à l'amande et est aussi plus friable, de sorte que les meuniers ne peuvent en extraire une farine blanche. Or, ce blé est très riche en gluten, jusqu'à 25 % ; il est protein bound, comme disent les Anglais, ou gonflé de gluten ou protéine. Pour boulanger la farine de ce blé, il faut la réduire, y ajouter de la farine faible, comme vous avez fait. Vous pouvez aussi la réduire avec du son ou du gru, si vous n'avez pas de farine faible, et vous aurez alors un excellent pain vivant et substantiel.
Conclusion pratique, pour toutes les familles qui boulangent leur pain : Achetez de la farine de blé Garnet, et ajoutez 10 à 15% de son pour voir un pain riche en vitamines, et payer moins cher.
(Reproduction interdite).
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P. S. — M. Robert Boothby, secrétaire parlementaire du ministère de l'Alimentation, vient d'annoncer à la Chambre des Communes d'Angleterre "qu'un grand pas a été fait par ce pays dans le domaine de l'alimentation." Après plus de quatre années de recherches scientifiques, l'industrie meunière a réussi à produire un pain nouveau contenant la quantité nécessaire de vitamines B1. Cette vitamine est essentielle à l'entretien de la santé surtout en ces temps d'efforts physiques et de tension mentale. On prétend que ce pain aura toutes les qualités du pain blanc, même goût et même apparence que le pain actuel, et qu'il contiendra en plus le montant nécessaire de vitamine B1. "Au point de vue de la nutritions" dit M. Boothby, "c'est un perfectionnement remarquable qui attirera l'attention du monde entier".