53. Que ferait le Dividende Social pour la société?
C'est toute la vie économique et tout le mode de vivre qui en sortiraient épanouis.
Le flot des campagnes vers les villes avec leurs maisons sardinières et leur atmosphère polluée cesserait rapidement.
Les casernes industrielles, où des milliers de personnes doivent laisser leur personnalité à la porte, se videraient aussi rapidement.
Les agglomérations de compétents, soumis à des incompétents qui ne les dominent que par leurs comptes en banques, sortiraient de ces chaînes de la vache sacrée.
Chacun deviendrait son propre entrepreneur, ou s’associerait selon les compétences, pour des entreprises procurant un certain profit, oui, mais surtout la joie et la fierté de fournir de bons produits à la communauté.
Ce sens de l'entreprise personnelle, de la responsabilité et de l'aristocratie du service fait terriblement défaut dans notre monde actuel, où les esprits comme les compétences sont muselés par la domination de l'argent. 1a
54. Que ferait le Dividende Social pour les gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté?
S'il y a dans nos pays de grande production des gens qui n'ont rien, c'est parce que le mode de distribution les traite comme des déshérités, comme n'ayant aucun droit acquis à la richesse de leur pays.
Réserver les droits à la production seulement à ceux qui y contribuent, cela équivaut à faire les salaires et les profits absorber le Dividende Social des héritiers.
Le fait d'en reprendre une partie par les impôts pour verser en allocations aux déshérités ne rétablit pas ceux-ci dans leurs droits: ils restent des déshérités.
Déshérités secourus, oui; mais ce secours n’a pas le caractère de dignité du Dividende Social.
55. Que ferait le Dividende Social pour vous?
Si vous receviez un chèque avec ce libellé: «La nation, enrichie par son industrie, par ses travailleurs et ses machines, est heureuse de vous présenter ce Dividende Social qu'elle adresse également à chacun des citoyens du pays. Ce Dividende Social va permettre d'écouler l'abondante production et éviter la paralysie de l'industrie, le chômage et la misère».
Allez-vous empocher l’argent et délaisser votre travail pendant un mois?
Ou allez-vous vous morfondre de jalousie ou de dépit à la pensée que chacun de vos voisins en reçoit lui aussi?
Ou allez-vous traiter l'administration du pays d'immorale parce qu'elle distribue l’abondance au lieu de laisser gaspiller les produits?
N'allez-vous pas plutôt bénir Dieu de vous avoir placé dans un pays riche de ressources naturelles, bien organisé et bien administré?
N'allez-vous pas vous attacher davantage à votre pays et vous efforcer de contribuer à sa prospérité sachant que la possibilité d'un dividende est conditionnée par un développement de la production?
Les bons effets que le Dividende Social produirait sur vous, il les produirait sur les autres.Trop de ceux qui trouvent néfaste l'idée d'un dividende sont des hypocrites ou des orgueilleux qui pensent que, pour eux, ce serait bon, mais que les autres, nés et élevés dans le péché, sont trop vicieux pour l’utiliser sagement. 2
56. Que ferait le Dividende Social pour la famille?
Est-ce que le fait de donner un Dividende Social à chacun des membres de votre famille y apporterait la consternation, la discorde? N’allez-vous pas, au contraire, considérer ensemble l’idée d’y améliorer les conditions de vie?
Vous allez pouvoir songer à donner une meilleure éducation à vos enfants, à développer leurs talents. Vous pourrez grossir votre offrande pour les œuvres, car un peu plus d’aisance à la maison ne vous a pas rendu moins généreux. Vous allez pouvoir abonner votre famille à des revues propres à instruire, au lieu d’être borné, par un budget insuffisant, à de la vulgaire presse et aux magazines bon marché.
On a beaucoup parlé du salaire familial. Une famille a certainement besoin d’un plus gros revenu qu’une personne vivant seule. Mais à valeur productrice égale, l’une et l’autre ne peuvent exiger des salaires différents de leur employeur, ou celui-ci embauchera de préférence les personnes vivant seules.
Le Dividende Social règle le problème, puisque chaque individu y participe également.
Qu’une personne soit seule ou qu’elle ait la charge d’une famille, le salaire pourra être le même.
Mais la personne seule ne touchera qu’un seul dividende; tandis que dans la famille, il entrera autant de dividendes qu’il y a de membres.
57. Que ferait le Dividende Social pour les agriculteurs?
Le Dividende Social, distribué à tous, permettrait l’écoulement des produits de la ferme. Les agriculteurs en retireraient un profit suffisant pour les payer de leurs labeurs. Et ils pourraient enfin songer à se procurer des machines agricoles qui leur manquent, de nouvelles têtes de bétail, etc.
58. Que ferait-il pour les ouvriers?
Il sauvegarderait la dignité des ouvriers. Ceux-ci pourraient discuter d’égal à égal avec leur patron, n’ayant plus à craindre d’être acculés à la famine. La sécurité contre le besoin absolu, apportée par le Dividende Social, permet à chacun de s’orienter vers les occupations qui lui conviennent le mieux; tout l’organisme social y gagnerait.
59. Que ferait le Dividende Social pour les producteurs?
Le Dividende Social passerait ses commandes à la capacité de production. Celle-ci est immense, et le devient toujours davantage, quand on n’y met pas d’obstacle artificiel.
Il est absurde et barbare de refuser la satisfaction du nécessaire à chaque être humain devant l’immense capacité de production moderne.
Barbare, parce que c’est nier pratiquement le droit à la vie, théoriquement reconnu par tous.
Absurde, parce que le potentiel de production est là. Il n’a besoin que de deux choses: suffisamment de finance dans les rouages du système producteur pour le lubrifier, suffisamment de pouvoir d’achat chez les consommateurs pour exprimer effectivement leurs besoins. Le Crédit Social pourvoit les deux. 3a
60. Mais dans les pays industrialisés, le Dividende Social n’inciterait-il pas à la surproduction?
Non! Le Dividende Social mettrait fin aux activités économiques qui ne sont qu’occupations parasitaires au service d’un gaspillage effarant.
On apprendrait à chercher autre chose que des affaires qui paient. On serait moins absorbé par le souci du pain matériel; on pourrait orienter sa vie vers d’autres fonctions humaines.
Et moyennant une éducation dans ce sens, on pourrait passer d’une civilisation de travail inutile et de gaspillage, à une civilisation de culture, d’art. Et, disons-le, à une civilisation de spiritualité et d’ascension de l’âme. Un philosophe contemporain chrétien a même dit: à une civilisation de contemplation. Du moins tout cela serait possible pour ceux qui le veulent, quand ils ne seraient plus enchaînés par la nécessité d’un embauchage rémunéré.
Douglas a lui-même fait une réflexion dans ce sens: «Ce que nous cherchons, ce sont de simples modifications, surtout d’ordre financier, qui nous permettraient d’entrer dans une nouvelle civilisation, où la fonction économique fera place à l’exercice d’autres fonctions humaines plus nobles, une civilisation de possibilités dont nul ne peut dire ce que des citoyens libérés en feront.» 1b
61. Et si ce système de Dividende Social entraîne les productions de luxe, de superflu?
Le Crédit Social maintient que la production doit être ordonnée à la satisfaction des besoins; et par ordre d’importance, les besoins essentiels obtenant la priorité dans le programme de production.
Si chacun produisait pour lui-même, nul autre que lui ne serait à blâmer s’il se refusait l’essentiel en s’accordant du luxe. Mais la production moderne n’étant point individuelle, c’est par le pouvoir d’achat que le consommateur peut dicter à la production son programme.
Le consommateur exprime ses commandes en achetant le produit de son choix et la production alimente le marché en remplaçant les produits qui se vendent.
Si le consommateur manque de pouvoir d’achat, il ne donne pas de commandes à la production ou ne les donne ni à son goût, ni selon ses besoins. S’il n’a même pas de quoi commander le nécessaire quand d’autres ont de quoi commander du superflu, la production fournira pour le superflu et, faute de commandes, les produits pour le nécessaire seront limités.
Avec le Dividende Social, chaque personne aurait au moins un minimum de pouvoir d’achat lui permettant de commander le nécessaire.
Ceux qui seraient munis de plus de pouvoir d’achat pourraient toujours commander plus, mais la production répondrait d’abord au nécessaire. 3b
Une fois le nécessaire procuré à tous, il n’y a pas lieu de s’insurger contre les inégalités sociales. On peut admettre les inégalités entre les niveaux de vie, mais seulement à partir du niveau du nécessaire. 4
62. Le Dividende Social serait donc un bienfait pour toute l’humanité?
Oui, pour tous! Le Dividende Social, c’est l’argent de la liberté, parce qu’il est libéré de tout asservissement.
Le capitaliste qui reçoit un dividende peut être un chercheur, un poète, un musicien: peu importe, son dividende lui vient régulièrement. Ainsi viendrait régulièrement le Dividende Social.
La liberté est un bien. La liberté de choix. La liberté de l’emploi de son temps, du choix de ses occupations. La liberté de pouvoir se livrer à d’autres occupations que la seule fonction économique. 5
1a, 1b). Vers Demain, mars 1971, Société de capitalistes
2). Vers Demain, septembre 1969, Un dividende social
3a, 3b). Vers Demain, 1er février 1953, Le Crédit Social et la production
4). Vers Demain, 15 juillet 1950, La priorité au nécessaire
5). Vers Demain, 15 avril 1964, Dividende, argent de la liberté