Marcel est sous les soins d'un médecin. Le médecin découvre que le système de la circulation du sang est défectueux.
Si le médecin juge que Marcel a trop de sang, il pratique une saignée. Juge-t-il que Marcel manque de sang, il recourt à une transfusion pour lui en injecter. Juge-t-il que le sang s'accumule dans un endroit et fait défaut dans un autre, il recourt aux moyens appropriés pour en normaliser le cours.
En tout ceci, le médecin n'est pas une minute le propriétaire du sang de Marcel. Marcel reste le propriétaire de son sang. Mais le médecin en contrôle le volume et en oriente la circulation.
C'est dans ce sens qu'on parle du contrôle de l'argent et du crédit par quelques individus, aux dépens du corps de la société.
Ce sens du mot contrôle est d'origine anglaise. Il dépasse le sens ordinaire, de simple vérification, de simple surveillance, attaché au mot contrôle dans les dictionnaires français.
On conçoit que, sans être propriétaire du sang de Marcel, le médecin exerce sur son patient une action souveraine. S'il était mal intentionné, il ne tarderait pas à conduire Marcel à la langueur ou à la mort. Tout dépend de son objectif.
Il en est de même des contrôleurs du crédit, du crédit qui est l'argent des affaires modernes.
S'il n'y avait dans l'histoire contemporaine qu'un exemple isolé des désastres d'un excès ou d'un défaut de crédit, on pourrait ne s'en prendre qu'à une erreur, une distraction, tout au plus à une incompétence regrettable de la part de ceux qui augmentent, diminuent et conditionnent le crédit financier. Mais lorsqu'on assiste à la succession d'inflations et de déflation, de "booms" et de crises, et qu'on voit les contrôleurs sortir plus forts de chaque opération, il faut bien conclure à une conduite voulue, à des actes prémédités, à un objectif permanent.
Les déclarations du plus remarquable, peut-être, des banquiers modernes, Montagu Norman, confessent cette poursuite d'une centralisation financière universelle, d'une hégémonie bancaire à laquelle serait soumise l'industrie et, en général, l'économie de tous les pays.
La poursuite de cet objectif, sans souci des innombrables victimes qui en ont payé et en paient encore la rançon, constitue, au point de vue social, un acte hautement criminel, immensément plus criminel que toutes les pirateries et tous les brigandages qui ont ravagé les mers et les continents.
Comme la puissance financière mondiale travaille sans affiche de programme, sans démonstrations, presque sans discours, il est toujours difficile de lier des noms et des actes précis à des résultats qui accusent pourtant l'intervention d'une intelligence disposant de formidables moyens.
Tout de même, la discrétion habituelle des grands médecins financiers de l'humanité n'a pu empêcher leur acte du 20 mai 1920 d'être consigné comme exemple dans l'histoire américaine et mondiale.
Ce 20 mai 1920, les directeurs de la Federal Reserve Board des États-Unis (lire: le conseil suprême des banquiers américains) décrétait la restriction immédiate du crédit dans toute la grande république. Résultat: au bout de quelques mois, six millions de chômeurs dans un pays qui bourdonnait d'activité et de développement avant cette date fatidique. Résultat aussi: effets semblables, par répercussion, au Canada et dans combien d'autres pays.
Ce fut la dépression de 1920-22, suivie d'une inflation de quelques années pour alimenter surtout un immense mouillage de valeurs boursières, et d'une nouvelle crise de déflation catastrophique pour rafler les épargnes et les propriétés.
En tout ceci, la haute banque ne s'inquiète pas tant que cela de posséder l'argent des autres. Je reste propriétaire des quelques dollars que je puis gagner; vous, des vôtres. Mais on sent, sans trop le comprendre souvent, que ces dollars entre nos mains subissent une force centrifuge beaucoup plus impétueuse que la force centripète qui nous a coûté tant d'efforts.
La cause? Le contrôle. L'agent? Le médecin qui avait gonflé jusqu'à l'apoplexie certains vaisseaux sanguins du corps économique, et qui, sous prétexte d'assainir le système, pompe maintenant le corps entier jusqu'à l'anémie.
Le contrôle. On vous laisse propriétaire. On ne vous vole rien, mais vous ne pouvez rien garder. Vous voulez vous révolter. Votre saigneur d'hier vous redonne un soupçon de forces par une infusion calculée: vous l'acclamez bienfaiteur; il a soin de vous le faire dire de toutes les manières, des plus captieuses aux plus tonitruantes. Les victimes honorent leur bourreau: c'est leur médecin !
Ce médecin diabolique peut donner des illusions de santé, puis terrasser, réduire à l'impuissance, même coucher dans la tombe qui il veut, quand il veut, sans fracas comme sans décor. Pourvu qu'il fasse croire à son malade qu'il lui est indispensable; pourvu que tous les signes de vie soient attribués au médecin et tous les signes de faiblesse et de dépérissement placés sur le dos du malade lui-même, tout va bien: le jeu continue, les humains continuent de danser ou de râler, de courir aux jeux olympiques ou de se ruer les uns sur les autres, d'acclamer les pionniers du progrès ou de se servir des plus puissantes machines pour s'entretuer.
Un ingénieur, qui est en même temps un économiste et un philosophe, mais qui n'a point les honneurs de l'École Économique de Londres, met à jour le jeu des contrôleurs du crédit et expose au monde le moyen technique de voir lui-même à la circulation saine et scientifique de son sang économique. On tait jusqu'au nom de Douglas, et le médecin-bourreau poursuit son contrôle, plus mortel que jamais, pendant un quart de siècle fécond en ruines de toutes sortes.
Un Pape écrit, au cours d'une encyclique immortelle: "Ceux qui contrôlent l'argent et le crédit sont devenus les maîtres de nos vies". C'est une parole de Pape, c'est pour les bibliothèques : lisez, admirez, mais surtout oubliez et ne faites rien.
Des créditistes s'acharnent à faire la lumière, s'organisent pour imposer un changement. Ce sont des fanatiques! Si le médecin-bourreau pouvait les faire engloutir vivants par ses valets, ses organes de presse et d'autres ne manqueraient pas de crier que le monde est délivré d'une vermine dangereuse. Mais il arrive que ni le bourreau ni ses valets ne savent par quel bout prendre les créditistes: les ignore-t-on, ils se multiplient sans faire de tapage; les attaque-t-on, il font surgir toute une armée. Veut-on éblouir le monde par des formules de chartes ou de plans présentés comme des arcs-en-ciel à la fin d'un orage : les créditistes sont aux aguets, arrachent le manteau et exposent le squelette.
C'est que les créditistes ont, non seulement mis de côté tout respect pour le criminel qui joue avec la vie des hommes, mais ils lui ont déclaré une guerre à mort. Ils veulent la liberté, et ils sont prêts à se sacrifier pour elle; pour elle, ils porteront de rudes coups, même s'ils doivent en recevoir de la part des tyrans ou des contre-maîtres d'esclaves.
"Ceux qui contrôlent le crédit sont devenus les maîtres de nos vies." Où la liberté quand d'autres sont les maîtres de nos vies? Nous voulons la liberté. Le contrôle de nos propres vies entre nos propres mains. Donc le contrôle du crédit rendu à la société d'où il émane. Et la société, c'est TOUS et CHACUN.
À tous et chacun le moyen de mener au moins une honnête subsistance.. C'est encore de la même encyclique du même grand pape. Nous, créditistes, avons juré que cela ne restera pas lettre morte.
Nous savons où est le mal. Nous savons ce qu'il faut faire. Et nous savons que ça ne se fera pas tout seul. D'où notre action déterminée.