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Montant du dividende

Louis Even le lundi, 01 février 1937. Dans Février

Il arrive souvent qu'on nous demande : Mais quel serait le montant du dividende ? À cela, nous répondons immanquablement : Le montant du dividende national ne peut être arbitrairement déterminé d'avance, pas plus que le pourcentage de l'escompte compensé. L'un et l'autre dépendront exclusivement des faits de la production. Le dividende comme l'escompte représentent une monnaie nouvelle, dont la création est liée à l'augmentation de la production. L'adoption d'un programme complet de crédit social, brisant les entraves au développement, assurera d'ailleurs la marche progressive de la production. Le dividende devra combler ce qui manque aux salaires pour permettre l'écoulement de cette production.

Nous ne pouvons pas préciser davantage. Nous mettons en garde contre ceux qui, pour capter la faveur populaire ou pour jeter du discrédit sur le Crédit Social en le défigurant, s'imagineraient de fixer un chiffre de dividende mensuel, trimestriel ou annuel. Quiconque comprend ce qu'est le dividende national préconisé par le Crédit Social saisit la justesse de ces remarques.

Si l'on vous dit qu'il est toujours possible d'assurer un chiffre constant en alimentant le dividende par des taxes sur les riches, ce n'est plus du Crédit Social. Non pas que nous soyons opposés à une meilleure répartition de la richesse ; mais le dividende ne consiste pas à prendre l'argent du rentier de Westmount pour donner au petit salarié ou au chômeur de St-Henri. Le dividende ne veut appauvrir personne, mais enrichir tout le monde en distribuant la production qui autrement reste inerte. Le montant du dividende ne peut donc dépendre que du surplus de production potentielle disponible par rapport au pouvoir d'achat déjà existant.

Un dividende financé par des taxes n'est pas du Crédit Social et ne mérite pas le nom de dividende. De même, un dividende qui serait financé par la dépréciation de la valeur de la monnaie n'est pas du Crédit Social. Il nuirait à tous sans profiter à personne. Ce serait le cas si l'on émettait un dividende sans production pour en répondre : plus de monnaie que la production n'en peut servir signifierait inflation, augmentation des prix, diminution de la valeur de l'argent, débauche du système monétaire.

Quand l'industrie se mécanise rapidement et que le progrès déplace plus d'ouvriers, il est évident que la production augmentant et le nombre de salariés diminuant, les dividendes doivent augmenter. En aucun temps, le pouvoir d'achat total ne doit demeurer insuffisant pour acheter la production totale, lorsque cette production répond aux besoins et aux divisirs des consommateurs. Ce qui manque en salaires est distribué en dividendes, non pas au détriment des salaires, mais au bénéfice des salariés comme des non salariés.

Le dividende suffira-t-il pour assurer le nécessaire à l'individu ? C'est à désirer et c'est possible, croyons-nous, avec la capacité de production actuelle. J'ai dit : C'est à désirer-au risque de m'attirer bien des critiques. Chacun ayant d'abord le nécessaire assuré, la sécurité économique, il serait plus libre de donner son plein épanouissement, pour le plus grand bien de la société, en s'orientant vers les occupations ou la carrière qui répond le mieux à ses aptitudes et à ses attraits. Le nécessaire pour vivre par le dividende : la société d'aujourd'hui, s'il s'y trouve tant soit peu d'esprit de coopération et moyennant un système qui assure l'écoulement des produits, peut au moins assurer cela. Les salaires, les honoraires et les revenus des placements viennent ensuite ajouter l'utile, le confort, l'agréable, à ceux qui contribuent directement à l'industrie et au bien-être de leurs concitoyens.

Si l'on ne peut dire d'avance quel sera, à telle ou telle époque, le chiffre du dividende, on peut tout de même, en considérant le développement actuel de notre agriculture, de notre industrie et de nos moyens de transport, se faire une idée de ce que devrait être le revenu moyen — salaire plus dividende — d'une famille dans la classe même la moins fortunée. Un économiste éminent du Département de l'Agriculture des Etats-Unis estime que, si la production de l'Amérique du Nord opérait à sa pleine capacité ACTUELLE, le revenu annuel de la classe la moins fortunée serait de $2500 par famille.

Si la production opérait à sa pleine capacité actuelle... c'est justement ce que veut garantir le Crédit Social en assurant un pouvoir d'achat total capable de passer cette production totale au consommateur. Et il n'y a rien qui doive étonner dans la déclaration de l'économiste cité. La famille d'un journalier avec une demi-douzaine d'enfants devrait certainement pouvoir jouir du niveau de vie auquel lui donnerait accès un revenu de $50 par semaine, aux prix actuels des marchandises, parce que les moyens de production actuels le permettent.

Ce chiffre de $2500 par an n'est pas donné comme une moyenne pour toutes les familles du pays, qu'on le remarque bien, mais pour les familles de la classe la moins fortunée. La moyenne générale serait plus élevée. Il n'est nullement question d'établir un niveau unique. Il y aura toujours des moins riches et des plus riches. Mais la vie dans les taudis, l'insuffisance de nourriture saine et variée, de vêtements chauds et convenables, l'impossibilité de se soigner en maladie, l'interdiction d'un certain degré d'aisance, la lutte continuelle avec la misère, les soucis perpétuels constituent un état de chose injustifié aujourd'hui et une condamnation irréfutable du système qui permet tant de pauvreté en face de tant de biens non distribués.

Louis Even

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