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Le Crédit Social et le problème ouvrier

le mardi, 01 juin 1937. Dans Mai - Juin

Les grèves qui se multiplient dans tous les pays sont une manifestation du mécontentement de la classe ouvrière. L'ouvrier réclame plus de salaire. Il trouve, avec raison, que son salaire ne suffit pas pour lui procurer un niveau de vie raisonnable. Il en sera toujours ainsi tant que le salaire sera le seul élément du pouvoir d'achat, parce que la somme des salaires distribués n'équivaut pas à la somme des prix des articles offerts au consommateur. Même si vous incluez dans les salaires les dividendes aux placeurs (les salaires aux capital), la disparité persiste. Et si les salaires augmentent, le prix des produits augmente, de sorte que le malaise demeure. Tout récemment encore, le Président Roosevelt constatait que les prix de l'acier, du cuivre et d'autres matériaux étaient majorés même au-delà de ce que justifiait l'augmentation des salaires dans la métallurgie.

Les employés de filatures de coton, mal payés, demandent-ils une augmentation de salaire  ; on leur répond  : Cela va hausser le prix de revient, forcer une augmentation du prix de vente à un niveau où l'on ne pourra plus concurrencer l'industrie étrangère et il faudra fermer nos usines, serez-vous mieux  ?

Les salaires sont un élément du prix de revient  ; si cet élément augmente, le prix de revient augmente nécessairement. Sans doute qu'on peut obtenir une meilleure répartition entre les salaires du capital et les salaires du travail — ce qui se règlera mieux par un régime corporatiste  ; mais alors même, quand capital et travail auront eu leur récompense, mieux proportionnée, il restera encore une immense production non distribuée ou non réalisée car la somme des salaires de l'ouvrier et des dividendes au capitaliste n'égale pas encore la somme des prix. Le premier sacrifié sera toujours l'ouvrier.

Tant que vous n'aurez que le salaire (ouvrier ou patronal) pour constituer le pouvoir d'achat, vous ne pourrez écouler toute la production et le producteur devra chômer totalement ou partiellement.

Quelle aide le Crédit Social apporte-t-il à la solution du problème ouvrier  ?

En ne liant pas le pouvoir d'achat exclusivement au salaire, en complétant celui-ci par un dividende (dividende direct ou escompte compensé) suffisant pour équilibrer le pouvoir d'achat à la production, le Crédit Social assure l'écoulement de celle-ci, supprime le chômage tant qu'il y a des besoins à satisfaire.

Il facilite l'entente entre l'employeur et l'employé ; l'employeur, en effet, n'a plus à craindre l'accumulation de ses produits, puisque le consommateur est financé. La concurrence devient une concurrence de qualité dans laquelle employeur et employés sont également intéressés. L'ouvrier sait aussi qu'en plus de son salaire, il touchera un dividende s'il y a des surplus ; il sera donc moins tenté de paralyser la production par la grève ou la négligence.

La concurrence étrangère nous fera moins mal, puisque la somme des produits offerts à nos consommateurs - quelle soit de fabrication domestique ou de provenance étrangère - sera en tout temps. représentée par une somme correspondante de pouvoir d'achat entre les mains des consommateurs. C'est une tout autre philosophie, où la monnaie n'est plus un instrument de domination, ou une source de conflit, mais un service pour l'écoulement des produits.

Supposons que quelque patron, entiché de la vieille méthode de l'enrichissement de soi par l'apprauvrissement d'autrui, veuille maintenir ses ouvriers sous des salaires de famine. Rien n'empêche ces derniers de lui faire la révérence et se contenter "temporairement" de leur dividende. Ce "temporairement" sera de courte durée, car la production totale ne pouvant reculer devant un public muni de pouvoir d'achat, les concurrents de cet employeur auront vite fait d'embaucher son personnel. et sa clientèle. Le patron d'un autre âge vivra de ses souvenirs.

Un autre point qui se rattache à la question ouvrière est la question du salaire familial. Le dividende, complément du salaire, dividende distribué à tous les citoyens du pays, hommes, femmes et enfants, y pourvoit admirablement. À ce sujet, ceux qui veulent limiter le dividende aux seules personnes majeures, lui enlèvent son plus bel aspect. C'est quand il y a des mineurs, des enfants à la maison, qu'il y a plus besoin de dividendes. Le dividende, d'ailleurs, étant le revenu de l'héritage culturel de la société, ne peut souffrir discrimination dans sa répartition entre les membres de la société.

Une autre remarque en finissant. L'activité économique actuelle se déploie surtout sous la forme de grande industrie, exige des machines perfectionnées, des laboratoires de recherches, de gros capitaux et groupe des hommes par douzaines, par centaines, par milliers même, en dehors de toute considération familiale. C'est une sorte de caserne de travailleurs. Elle ne favorise donc pas la vie de famille, elle tend plutôt à la désorganiser. Le mal serait moindre si, au moins, l'introduction de la machine abrégeait, sans qu'il en souffre, le temps que l'homme doit passer hors de son foyer. Les dividendes du Crédit Social devraient aussi faire disparaître pour maintes jeunes filles et mères de famille la nécessité de travailler dans les usines. Si, avec la science appliquée, les inventions et les procédés perfectionnés d'aujourd'hui, l'industrie ne peut pas opérer sans vider à peu près totalement les foyers de longues heures tous les jours, il faut l'appeler un fiasco monumental. L'ouvrier de l'industrie est devenu simple sujet qu'on achète au meilleur marché possible ; si l'offre dépasse la demande, comme en temps de chômage généralisé, on le paie dérisoirement ; si la demande s'affermit, on lui marchande le plus possible une petite augmentation de rémunération. On en exige un rendement maximum en tout temps. On a passé par-dessus les lois de la nature pour établir le travail de nuit. On foule souvent aux pieds même la loi divine en faisant travailler le dimanche. Est-ce en punition de ces prévarications que l'homme moderne, prodige de production, ne semble pas encore avoir appris l'A.B.C. de la distribution ?

De ces désordres de la grande industrie, ne blâmons ni les ouvriers, ni leurs patrons immédiats : ils sont dans le même bateau. C'est aux potentats financiers qu'il faut s'en prendre, ou plutôt au système pourri dont une aristocratie financière et sans scrupule est la production naturelle.

LOUIS EVEN

Dans un prochain numéro :

Le Crédit Social et l'Agriculture

Le Crédit Social et les services professionnels

Le Crédit Social et le rapatriement de nos émigrés. Le Crédit Social et nos œuvres paroissiales

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