Après avoir établi, par des arguments dont pas un seul ne fut jamais réfuté, que le Crédit Social se situe aux antipodes même du socialisme, le R. P. Lévesque donne entre autres conclusions celle-ci :
"Si vous trouvez que ce système est bon du point de vue économique, ne craignez pas de soutenir le mouvement qui le prêche. Votre foi ne vous le défend pas. Elle vous serait même reconnaissante de travailler à le christianiser aussi parfaitement que possible".
Et comment travailler à le christianiser sinon en apportant à l'étude et à la propagande du Crédit Social les lumières, la philosophie que nous avons puisées aux sources de la religion chrétienne ?
Qui peut mieux que les catholiques travailler à christianiser le Crédit Social ?
Le Crédit Social veut placer l'homme au-dessus de l'argent, l'argent au service de l'homme. Quel catholique ne comprend que c'est justement conforme aux simples enseignements de son catéchisme ?
Le monde chrétien — pas le christianisme — le monde chrétien, se déchristianisant d'autant, a laissé les structures sociales, le corps politique, échapper à l'influence vivifiante du Christ et les a abandonnés à l'influence de l'argent. Qui, sinon les catholiques, est à même de faire le redressement complet ?
En libérant l'homme des bornes posées par les puissances d'argent, en rendant financièrement possible tout ce qui l'est physiquement, le Crédit Social introduit l'homme dans une ère d'abondance, de liberté et de loisirs. Qui, mieux que les catholiques, fera le point dans cette nouvelle voie, pour que l'homme évite l'écueil du matérialisme, pour qu'il apprenne que, de plus en plus dégagé des asservissements de la production matérielle, il doit mener une véritable vie d'homme, une vie de l'esprit, une vie de l'âme ?
Le Crédit Social refuse aux banquiers, à des particuliers, le droit d'imposer des privations au monde. Le renoncement aux biens de la terre doit être un renoncement libre, et leur usage même accompagné du détachement intérieur. Qui peut mieux faire valoir ce point de vue que des catholiques, de vrais catholiques ?
Allons-nous laisser aux protestants ou à des sans-religion, la direction de l'économie nouvelle dans laquelle le monde devra nécessairement entrer pour éviter l'effondrement complet ? Serons-nous toujours les pusillanimes, les derniers venus, les remorqués ?
Les syndicats catholiques sont nés bien après l'union internationale -pourquoi ? Les journaux catholiques ont attendu, pour paraître, que les journaux mercantiles et les journaux de partis eussent envahi les foyers - pourquoi ? On a abandonné l'établissement du cinéma aux profiteurs et aux Juifs. On comprend maintenant que ce serait un instrument utile entre les mains des catholiques : à la onzième heure ! On continue de s'amuser avec l'alternance des vieux partis politiques, on traite de radicaux, pour le moins, les créditistes qui veulent un changement. Lorsque les C.C.F. ou d'autres éléments de même inspiration se seront fortifiés sur les ruines de partis justement discrédités, alors seulement songera-t-on qu'il serait opportun de mettre au monde un mouvement de réforme de droite !
Ce n'est pas en restant dans les nuages, en regardant dédaigneusement ceux qui cherchent des améliorations au régime social temporel qu'on christianisera les améliorations. Celles-ci se feront, mais sous la direction des hommes qui tiendront le gouvernail. Ceux qui se campent dans leur tour d'ivoire aujourd'hui peuvent préparer leurs jérémiades pour demain.
LOUIS EVEN