Par H.-GEORGES GRENIER
Le mois dernier, j'expliquais qu'une des grandes causes du malaise économique actuel réside dans le manque du pouvoir d'achat des individus. Le salaire gagné par l'ouvrier ne peut pas suffire, et ne pourra jamais suffire à acheter tous les produits de son travail.
Cette production, en définitive, n'est pas faite pour l'entrepôt, ni les tablettes du marchand, mais pour l'utilisation par le consommateur.
Il n'est pas logique que, dans un pays comme le nôtre, l'ouvrier manque du nécessaire, et nous sommes pourtant en face de cette triste situation depuis longtemps ; nous cherchons la cause de ce malaise national ; plusieurs ont pensé qu'il suffirait d'élever le salaire de l'individu, d'autres qu'il faudrait étatiser l'électricité, d'autres qu'il faudrait mâter les trusts, d'autres qu'il faudrait réglementer l'administration des grosses compagnies, d'autres ont pensé de faire des munitions de guerre à gros millions pour donner plus de travail aux manufactures. Recourez à ces palliatifs, à ces remèdes, un à un ou tous ensemble, le peuple se ressentira d'une certaine amélioration momentanée, mais retombera dans un même marasme, conséquence inévitable de notre système financier dans son ensemble, lequel repose sur l'abandon du crédit social entre les mains de quelques particuliers, qui peuvent avec cette seule baguette magique déterminer la pluie ou le beau temps économiques de la nation.
Voilà pourquoi nous affirmons qu'il ne suffit plus de faire quelques corrections ici et là dans l'administration de notre peuple, mais bien plutôt changer la base même de notre système financier.
Le système actuel est tellement défraîchi, désuet, usé, rendu au bout, qu'il devient à peu près inutile de lui poser des pièces locales, d'y faire des corrections momentanées. Ce qu'il faut, c'est un changement, remplacer le vieux vêtement par un habit tout neuf.
Depuis une quarantaine d'années, n'avons-nous pas vu de nombreuses améliorations, inventions, progrès dans la science et l'industrie ? Le machinisme est venu augmenter nos capacités de production presque à l'infini, la comptabilité s'est perfectionnée avec la même rapidité, les moyens de transport se sont tenus eux aussi au diapason des progrès récents. Seul le moyen d'échange, au milieu de ces immenses améliorations et de ces incalculables possibilités de bien-être, seul le moyen d'échange est demeuré en arrière ; il n'a pas évolué, il est le même qui existait il y a cinquante ans, tandis que depuis cinquante ans tout a changé, tout a progressé, tout s'est amélioré excepté cette pauvre monnaie, cette pauvre piastre et ce pauvre étalon-or qui achève de se dessécher, écrasé qu'il est par une avalanche de débentures dettes, d'hypothèques dettes, d'actions dettes, de billets de banque dettes, d'obligations dettes, et aujourd'hui de mobilier dette, de moulins à laver dettes, de balayeuses électriques dettes, d'automobiles dettes, de travaux publics dettes. Toute nouvelle amélioration aujourd'hui, toute nouvelle production aujourd'hui, tout nouveau progrès réalisé aujourd'hui, est représenté par une dette, soit au gouvernement fédéral, soit au gouvernement provincial, soit dans notre municipalité, dans nos corporations religieuses, dans le budget familial, etc.
Le peuple canadien aujourd'hui est immensément plus riche en biens réels qu'il ne l'était il y a quarante ans, il est aussi dans la même proportion immensément plus endetté.
De ces quelques considérations, nous déduisons qu'il est oiseux de vouloir améliorer un point, un autre, ou un autre encore de notre système administratif sans changer les bases financières du système économique. Le rouage de contrôle de ce crédit du peuple, fruit du travail du peuple, devenu le jouet d'un petit groupe de privilégiés qui l'exploitent à profit, doit d'abord être remis en fonctionnement sain, au bénéfice de tous les individus d'un même pays.
Le régime actuel donne une complète emprise aux grandes passions de l'individualisme à outrance et du libéralisme économique qui ont formé définitivement ce que l'on est convenu d'appeler la dictature économique. Impossible donc, à quiconque n'est pas parent, ami ou allié de quelques-uns de ces dictateurs économiques, de songer à changer ou améliorer sa situation sociale, sans faire des courbettes et sacrifier des principes à quelques-uns de ces gros messieurs.
Impossible non plus aux patrons de bonne volonté de régler leur production de manière à payer des salaires suffisants à leurs employés, car ils doivent toujours compter avec la concurrence des mêmes dictateurs économiques pour qui esprit social, amour du peuple, philanthropie humanitaire restent des sentiments ignorés.
Impossible non plus, à l'ouvrier de talent, de bénéficier de son perfectionnement, de son étude personnelle, de son esprit d'initiative, toujours devancé qu'il est dans les positions plus rémunératrices, non pas par de réelles valeurs, des talents vraiment supérieurs, mais par des amis, des fils à papa, des neveux de mon oncle ou en encore des époux d'une telle.
Impossible donc au travailleur de toucher un salaire qu'il sait mériter en justice ; impossible pour lui de jouir des améliorations modernes, des bienfaits que devrait procurer à tous les individus l'avantage de vivre dans un siècle de progrès.
C'est l'asservissement économique du peuple, le règne de la dictature économique dans tous les domaines.
Le Crédit Social, par la perfection de son système économique établi sur une base financière nouvelle, apporte au peuple, aux individus, aux patrons, aux financiers, aux directeurs d'entreprises, aux médecins et à toute classe de la société, le remède que tous attendent depuis longtemps.
Ce système ne peut être ici exposé dans son entier, mais chacun de vous peut en prendre connaissance, l'étudier personnellement, en percevoir toute la logique pour ensuite en réclamer l'application efficace dans le plus court délai possible ; si le remède est là, que nous l'entrevoyons, qu'il est à notre portée, pourquoi refuser de le saisir ?
Serait-ce qu'on craint l'effort intellectuel suffisant pour étudier le problème social et sa réforme ?
Serait-ce qu'on doute d'être assez fort pour renverser cette dictature économique ? Ou bien serait-ce la peur de se trouver soudainement les bénéficiaires d'un régime économique qui pourrait donner à tous et chacun tant de confort, de bien-être et de liberté ? Je vous le demande !
Je vous dirai tout de même, pour répondre à la question, que la dictature économique tira sa force non pas tant de la possession de ces immenses compagnies qui contrôlent toutes les productions que de la force des lois qui les protègent. Il est donc possible de vaincre cette dictature économique. Qu'on remplace les lois qui protègent le libéralisme économique au profit de quelques particuliers, par des lois qui protégeront le système économique du Crédit Social à l'avantage du peuple.
Après avoir pensé individu, nous en sommes venus à penser groupe. Élargissons encore nos horizons et pensons Société.
Il y a l'individu, il y a le groupe professionnel, il y a la société toute entière ; l'individu est lié à lui-même par ses intérêts personnels ; les membres du groupe sont liés entre eux par les intérêts des membres du même groupe, mais les membres de toute une société sont liés entre eux aussi par des intérêts universels. Le lien tangible qui existe entre tous les individus d'une même nation, est le dollar, la monnaie, le moyen d'échange et, donc, le système économique. Les intérêts matériels des individus peuvent fort bien différer entre eux ; ceux des divers groupes professionnels peuvent aussi être très différents ; mais tous les individus d'une même nation sont liés ensemble dans leur rapport journalier par le système économique, le moyen d'échange des valeurs, les piastres, la monnaie.
Faisons donc un pas de plus, et après avoir formé diverses sociétés pour protéger les intérêts d'un groupe particulier, organisons la grande société qui protégera l'intérêt de toute la nation et qui verra à améliorer la situation économique de notre pays, de façon à ce que les intérêts de tous soient protégés au détriment de personne, et que les ambitions des individus ne lèsent pas les droits de la société.
La Ligue du Crédit Social de la Province de Québec a commencé ce travail, elle le continuera, et elle continuera jusqu'au bout.
Les diverses autres provinces ont aussi commencé leur travail en ce sens ; de sorte que dans tout le Canada s'élabore un grand plan d'ensemble, en vue de faire connaître le système monétaire actuel qui a toujours été tenu très secret et le système du Crédit Social qui le remplacera efficacement.
Commentaires (1)
Elisabeth Lavier
Mais que dois je lire pour comprendre le crédit social
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