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Chariot Boiteux

Louis Even le dimanche, 01 novembre 1936. Dans Cahiers du Crédit Social

Pauvre chariot ! Pauvre bête !

Par H.-GEORGES GRENIER

Méditation devant ce tableau

Regardez bien ce tableau !

N'est-il pas vrai que les produits tirés de la terre par le cultivateur ou façonnés par l'ouvrier n'ont une valeur marchande que s'ils peuvent être achetés par le consommateur ? — Oui !

N'est-il pas vrai que pour acheter les produits, il faut que le consommateur ait de l'argent ? — Oui !

N'est-il pas vrai que, sous notre système actuel, la seule source première du pouvoir d'achat est dans le salaire payé à l'ouvrier ? — Oui !

N'est-il pas vrai que le salaire payé à un ouvrier ne représente qu'une minime partie du produit qu'il a manufacturé ?

N'est-il pas vrai, qu'il n'y a aucune émission de monnaie pour représenter le travail du cultivateur qui se fait payer ses produits par une partie du salaire de l'ouvrier dont le salaire est déjà insuffisant à acheter sa propre production ?

N'est-il pas vrai que la machinerie, l'électricité, les méthodes modernes ont beaucoup augmenté la facilité de production, diminué la main-d’œuvre et donc le salaire, et donc la seule source de pouvoir d'achat ?

N'est-il pas vrai que plus le monde progresse, plus la capacité de production augmente et plus la capacité d'achat diminue ?

Cette abondance de prémisses, de constatations indéniables doit nous conduire à certaines conclusions. Méditons un peu devant le tableau  ce pauvre chariot qui représente si bien notre système financier actuel.

Le char du système économique actuel repose sur deux grandes roues : le pouvoir de production d'un côté, le pouvoir d'achat de l'autre.

Il est évident que, pour marcher droit et plus facilement, les deux roues doivent être d'égales dimensions.

Il est évident que si une roue est plus petite que l'autre, le char tournera continuellement dans le même cercle vicieux, au lieu d'aller droit.

Il est évident que plus on agrandit la grande roue et plus on diminue la petite roue, plus le cercle décrit devient étroit et le char tourne sur lui-même sans avancer jamais.

Et la bête de somme, le pauvre hère obligé de traîner ce chariot à un mille de distance, s'épuisera inutilement quand il aurait pu si facilement tirer ce fardeau avec deux roues d'égales dimensions...

Tout cela est très simple, n'est-ce pas ?

Toutes ces constatations ne découlent-elles pas de la logique la plus naturelle et ne s'appuient-elles pas sur le gros bon sens ?

En voyant forcer, s'échiner la pauvre bête sans ressource, n'êtes-vous pas porté de lui crier :-Arrête un peu, repose-toi, je vais poser une autre grande roue !

Vous remplacez la roue et, tout épuisé qu'il est à ce moment, avec ce correctif si aisément appliqué par quelqu'un qui jouit de l'usage de sa raison, notre pauvre hère reprend courage, recommence à tirer. C'est le même fardeau mais combien plus facile à traîner ! Il sourit d'aise et de contentement et, l'espoir au cœur, marche gaillardement vers le but.

* * *

Cette allégorie, chers amis, votre sourire m'indique bien que vous en comprenez tout le sens, hélas ! tragique.

Avec un pouvoir d'achat très restreint, nous sommes en face de monceaux, de montagnes de production.

Une roue du char est devenue si petite qu'elle n'existe pratiquement plus. Le pauvre hère, qui représente bien le peuple, qui est bien vous et moi, s'efforce toujours de tirer parce qu'il a du courage ; mais ses forces s'épuisent, il maigrit, il a faim, il s'arrête, regarde derrière lui et voit sur le char ses amoncellements de dettes financières, ses taxes, ses intérêts, les surcapitalisations criantes, les profits exorbitants aux mains de quelques accapareurs. Oh ! ce char devient toujours plus pesant, plus lourd, plus écrasant.

Et le peuple étend le regard, cherche du secours, scrute l'horizon. Peine inutile ! Il est seul, abandonné à lui-même, sans défense, désespéré.

On l'a saturé de théories sans espoir : Il faut qu'il en soit ainsi. Il y aura toujours des pauvres... Toujours des alternatives : sept vaches maigres après les grasses... Il y a déjà eu des crises et on en est revenu...

Il a économisé, s'est privé, s'est contenté de moins que le nécessaire ; et malgré tout cela, le pauvre hère voit qu'il n'avance pas d'un pouce, qu'au contraire il s'appauvrit, s'exténue, respire à peine.

Avant de crever tout à fait, il songe à se révolter, à tourner à l’envers : le char et tout son contenu, à briser l'autre roue, celle de la production, à massacrer ce qui existe encore d'un régime de banqueroute, d'exploitation Il sent la révolution gronder dans son cœur ; il médite les pires catastrophes ; il devient forcément méchant, terrible, menaçant.

Pauvre peuple, tu deviens méchant, terrible, menaçant ! As-tu donc oublié Dieu, la Providence qui veille sur toi ? Avant de tout détruire, cherche donc la cause de tes malheurs.

Le remède est entre tes mains. Ton sauveur approche. Vois dans le Crédit Social le bon samaritain qui vient à ton secours. Il vient pour te sauver, te guérir doucement, naturellement, sans secousse, sans révolution destructive, par de simples applications toutes naturelles, pleines de logique et de gros bon sens.

Pendant que le gros financier, sur le char qui bascule, crie de marcher, pendant qu'il suggère comme remède de réduire la production, de la détruire ou d'en augmenter le prix, de diminuer la grande roue, le Crédit Social, lui, plus humain, plus logique, suggère qu'on augmente la petite roue, le pouvoir d'achat. Il est bien plus facile, en effet, plus normal, d'élever la circulation de la monnaie et du crédit au niveau de la production pour que celle-ci soit consommée, au bénéfice et à la satisfaction de chacun, que d'abaisser la production au niveau du pouvoir d'achat actuel, de la quantité monétaire insuffisante, pour que tous se privent, se serrent la ceinture, habitent les taudis et vivent dans la misère.

Il n'y a pas de raison pour que nous vivions dans la misère dans notre Canada. Le Crédit Social augmentera le pouvoir d'achat et assurera à chacun le minimum du nécessaire par la distribution mensuelle à chaque citoyen d'un dividende national variant selon les disponibilités non pas un secours direct, une aumône, prélevée par des taxes sur les revenus des autres citoyens, mais véritable dividende, dû au riche aussi bien qu'aux moins fortunés, parce que tous sont héritiers de la civilisation, de la culture, du progrès qui ont permis une abondance de production.

* * *

J'expliquerai dans un prochain numéro, toute la logique, toute la moralité de ce système et les avantage immédiats et complets qui découleront de l'application pratique du Crédit Social.

Louis Even

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