Qu'appelle-t-on pouvoir d'achat ?
Le pouvoir d'achat est la capacité pour le consommateur de se procurer les produits de l'agriculture et de l'industrie.
On achète les produits avec de la monnaie ?
Oui, à moins qu'on se contente de l'échange direct de produit contre produit, ce qui serait du simple troc, beaucoup moins souple, surtout dans le commerce de détail.
Peut-on dire alors que le pouvoir d'achat dépend de la quantité de monnaie entre les mains de l'acheteur ?
Ajoutez : et de la valeur de cette monnaie par rapport aux produits.
La monnaie n'a-t-elle pas toujours la même valeur ?
Non, surtout quand le montant total de monnaie varie sans concordance avec la somme totale des produits.
Mais si la monnaie est basée sur l'or, elle a une valeur fixe ?
Par rapport aux produits, non. Que notre monnaie soit d'or, de papier, de caoutchouc, de cuir ou de simples chiffres dans des livres, si la quantité totale de monnaie est supérieure à la somme totale de produits, les prix vont monter. Si, au contraire, il y a abondance de biens et rareté d'argent, les prix vont baisser.
Mais l'or ne change pas de valeur !
Oui, par rapport aux produits. Quand bien même une once d'or représenterait toujours $35, avec ces $35 ou avec cette once d'or vous n'achetez pas toujours la même quantité de blé, de vin, de vêtements.
La monnaie basée sur l'or n'est donc pas stable ?
La stabilisation de la valeur de la monnaie ne dépend pas de sa nature, mais de sa quantité par rapport aux produits qui la sollicitent.
Figurez-vous que la monnaie totale soit représentée par 1000 onces d'or et la production totale par 35,000 boisseaux de blé. Chaque once d'or pourra acheter 35 boisseaux de blé. Mais si, la monnaie totale étant toujours représentée par 1000 onces d'or, la production l'est par 70,000 boisseaux de blé, chaque once d'or pourra acheter 70 boisseaux de blé, deux fois plus que dans le premier cas. On dira toujours que l'once d'or vaut $35 ; mais, dans le premier cas, elle vaut 35 boisseaux de blé et, dans la second cas, 70 boisseaux. Autrement dit, le boisseau a coûté $1.00 dans le premier cas et $2.00 dans le second. Autrement dit, encore, le pouvoir d'achat du dollar a été un boisseau de blé dans le premier cas et deux boisseaux dans le second.
Si la monnaie reconnue était d'argent, de plomb, d'ivoire, de papier estampé, on aurait exactement le même résultat, la même variation de prix, de pouvoir d'achat, lorsqu'il y aurait variation de quantité de produits par rapport à la quantité de monnaie.
Une inondation de monnaie sans augmentation parallèle de produits serait donc un mal ?
Oui ; on appelle cela de l'inflation. Les produits atteignent des prix astronomiques en terme de monnaie, parce que la monnaie perd sa valeur.
D'autre part, la rareté de la monnaie par rapport aux produits fait baisser les prix ?
Oui, et les producteurs doivent souvent sacrifier leurs biens au-dessous du prix coûtant, car les prix de la matière première, de la machinerie, du terrain, les charges fixes sont à des niveaux qui furent souvent déterminés quand il y avait plus de monnaie.
Serait-ce la raison pour laquelle on réclame partout une baisse du taux d'intérêt sur des obligations, débentures et hypothèques anciennes ?
Justement.
Mais comment peut-on alors respecter les contrats ?
Le respect des contrats et le respect d'un système de pillage par la petite horde à laquelle on a abandonné le contrôle de la monnaie ne peuvent aller ensemble.
Voulez-vous dire que la rareté de la monnaie profite à quelques-uns ?
Oui, à ceux qui ont la monnaie, parce qu'avec la même somme ils acquièrent beaucoup plus de biens. Une époque de rareté de monnaie est une époque de confiscation de propriétés et de ruine des concurrents par les grosses industries que soutiennent les contrôleurs de la monnaie.
Les contrôleurs de la source de la monnaie ont donc intérêt à la rendre rare par alternances pour s'emparer des richesses produites pendant les périodes de développement ?
Je vous laisse en juger.
En maintenant la quantité de monnaie constamment proportionnelle à la somme de production de biens, assurerait-on la stabilisation des prix et l'efficacité du pouvoir d'achat ?
Oui, si cette monnaie est du côté acheteur, c'est-à-dire entre les mains du consommateur.
Est-ce possible avec un contrôle privé de l'argent ?
Non, parce que ceux qui contrôlent opèrent à profit. Il faut absolument un contrôle par la société, pour la société.
Il y a pourtant des économistes distingués, qui nous viennent jusque de Paris, et qui condamnent la théorie du pouvoir d'achat !
Oui, mais qui les fait venir ? Qui les remercie ? Et que laissent-ils comme solution à nos problèmes ?
Et vous dites que la monnaie constitue un pouvoir d'achat seulement quand elle est entre les mains du consommateur ?
C'est clair. Quand la monnaie est du côté producteur, elle finance la production. Pour financer la consommation, elle doit être du côté consommateur.
Mais elle passe d'un côté à l'autre ? Oui, elle passe au côté consommateur par les salaires, gages, bonis, dividendes payés en cours de fabrication des produits. Elle repasse au côté producteur lorsque le consommateur achète les produits.
Ce va-et-vient fonctionne-t-il adéquatement ?
Loin de là. La monnaie naît du côté producteur, et le banquier qui préside à sa naissance en exige un tribut. Le producteur paie des prix à ses fournisseurs de matière première, des salaires à sa main-d'œuvre, un profit légitime à lui-même et un tribut au créateur de la monnaie. Tout cela doit entrer dans les prix du produit, mais tout cela ne se trouve pas dans la main du consommateur qui achète le produit.
Il n'y a pas égalité entre le prix de vente du produit et le pouvoir d'achat du consommateur ?
Pas du tout, et c'est pourquoi les produits restent sur les tablettes.
Mais si l'on haussait les salaires ?
Le prix de vente du produit monterait. Je ne condamne pas les hausses de salaire, mais je dis que ce n'est pas le vrai moyen d'établir l'équilibre. Le prix de vente est calculé d'après le prix de revient, auquel s'ajoutent les profits légitimes des manipulateurs du produit. Les salaires font partie du prix de revient ; si vous les augmentez, vous augmentez le prix de revient.
Et si l'on enlevait les profits ?
Les profits constituent le pouvoir d'achat du producteur, du distributeur, du marchand. Les diminuer, c'est diminuer le pouvoir d'achat total des consommateurs, car ces gens-là sont aussi consommateurs.
Mais il y a des profits exorbitants ?
Oui ; on les trouve dans les organismes qui ont monopolisé certaines industries grâce aux contrôleurs du crédit qui contrôlent aussi ces industries. Supprimez la cause, vous supprimerez les effets.
Dans le prix de revient, vous parlez du tribut au créateur privé de la monnaie : est-ce cela que vous voudriez supprimer ?
Pas seulement le tribut, mais le créateur lui-même.
On ne pourra plus avoir de monnaie ?
On en aura plus qu'aujourd'hui. Le créateur privé de la monnaie en est aussi le destructeur. Il crée et détruit continuellement. Il peut pousser la destruction plus vite que la création, ou la création plus vite que la destruction. Il est le véritable maître de l'activité productrice et du pouvoir d'achat. Et pour le récompenser de faire ainsi la pluie et le beau temps, on lui paie un tribut et les sages de la nation nous défendent d'ébranler la confiance que les exploités ont en lui.
Mais s'il disparaît, dites-vous, nous aurons plus de monnaie qu'aujourd'hui ?
Oui, parce que sous un système monétaire Crédit Social, nous tiendrons le niveau du pouvoir d'achat au niveau de la production. Comme la production progresse, le pouvoir d'achat progressera dans la même mesure, ni plus ni moins. Il n'y aura pas de raison de diminuer la monnaie, parce qu'il n'y aura pas de raison de diminuer le niveau de vie. Celui-ci, au contraire, s'élèvera à mesure que montera la capacité de production dans tous les domaines.
Qui créera la monnaie ?
Le créateur de la richesse. J'en expliquerai le mécanisme plus tard. Ce sera l'objet d'une ou plusieurs leçons de ce catéchisme.
Mais cette monnaie passera-t-elle mieux qu'aujourd'hui du côté des consommateurs ?
Oui. C'est là qu'elle ira en naissant. Elle commencera son jeu de va-et-vient du côté du consommateur, et on injectera du côté consommateur toute la monnaie qui manquera, ni plus ni moins, à mesure qu'elle manquera.
Le producteur en souffrira ?
Au contraire. Il sera financé par l'acheteur, et par un acheteur pourvu de monnaie ; au lieu qu'aujourd'hui il est financé par un créateur-prêteur d'argent et que, pour rencontrer ses obligations, il doit tirer du public acheteur plus de monnaie qu'il en a été mis en circulation.
N'y a-t-il pas à craindre que les nouvelles injections d'argent finissent par converger vers les mêmes centres, comme aujourd'hui ?
C'est le contrôle privé du crédit qui permet ces convergences aujourd'hui. C'est la première chose qu'on doit abolir.
Comment le consommateur a-t-il pu tenir jusqu'ici, s'il entre toujours dans les prix des produits des éléments non distribués pendant la fabrication de ces produits ?
Parce qu'il vient aussi du côté consommateur, tantôt plus, tantôt moins, des salaires gagnés à la production de biens qui ne s'achètent pas.
Exemple ?
Ceux qui travaillent à la construction d'un pont n'achètent pas le pont. Leurs salaires viennent augmenter le pouvoir d'achat total du consommateur.
C'est pourquoi les gouvernements recourent aux travaux publics qui, distribuant des salaires sans offrir des produits en vente, rehaussent le pouvoir d'achat et permettent au salarié de se procurer des biens de consommation.
Alors pourquoi ne fait-on pas plus de travaux publics ? : Parce que, sous notre système stupide, le gouvernement ne se reconnaît pas le droit de créer la monnaie nécessaire pour financer ces travaux. Il laisse cette prérogative au créateur privé de la monnaie qui, lui, émet une monnaie temporaire qu'il faudra lui rapporter avec intérêt. Il faudra donc retirer cette monnaie du public. Le gouvernement distribue d'une main un pouvoir d'achat qu'il retire de l'autre. Le soulagement n'est que temporaire comme la monnaie émise.
Il est donc impossible de relever le pouvoir d'achat ?
D'une manière efficace et permanente, c'est impossible sous le système actuel.
Il y a pourtant eu, pendant certaines années, tellement de pouvoir d'achat que les prix montaient ?
Oui, comme pendant la guerre où l'on obtenait des salaires pour la fabrication de munitions qu'on n'achetait pas. Comme aussi vers 1929, où l'on poussait activement la construction, l'agrandissement des usines, etc., toutes choses fournissant des salaires qui n'achetaient pas ce genre de produits, mais s'appliquaient aux biens de consommation.
C'était la prospérité...
Trompeuse. Vient le quart d'heure de Rabelais. Il faut payer au créateur d'argent la note pour la finance de tous ces développements. Le seul moyen pour l'industriel de rencontrer ses obligations est de pousser la production de biens qui se vendent, de biens de consommation. Mais là revient la disparité. Le consommateur, n'ayant plus l'apport extérieur des salaires distribués par la production de biens de production, ne peut acheter des produits qui renferment dans leur prix des éléments non distribués, et la crise commence.
La crise ?
La crise d'insuffisance de pouvoir d'achat, que des myopes ont voulu appeler crise de surproduction et que des presbytes appellent crise de prodigalité — ce qui sert admirablement les bénéficiaires du système. Tant qu'on blâme les autres...
Les crises sont donc inévitables ?
Avec notre système monétaire rothschildien, oui. Cela me fait penser à la métaphore du balancier par laquelle un éminent économiste parisien expliquait la fatalité des crises à son auditoire de Montréal, il y a quelques semaines. Vous n'en pouvez arrêter les oscillations !
Pauvres, mécaniciens, les hommes !
Mais si on remplaçait le balancier par une balance ! Il existe telle chose que l'équilibre.
[À suivre]