Il n'y a pas de problème de finance de guerre au Canada, et cela grâce "à l'adresse, l'organisation et l'exactitude apportées par les banques à charte à financer le vaste programme de la production de guerre."
C'est ce que déclarait M. H. T. Jaffray, président de l'Association des Banquiers Canadiens, à l'occasion de la 50ième assemblée annuelle de cette association.
M. Jaffray ne nous dit pas d'où a surgi l'argent pour financer cette vaste expansion, alors qu'on n'en trouvait pas pour sortir le pays du chômage avant la destruction en gros par la guerre.
M. Jaffray, en bon banquier de la haute, trouve étrange l'agitation menée pour des réformes monétaires. "Pourquoi, demande-t-il, chercher à remplacer, par des temps pareils, un système qui travaille si bien et doucement ?"
M. Jaffray en conclut que les agitateurs ne demandent des réformes que pour éviter une partie des taxes et des sacrifices que la guerre nous impose. Pourquoi donc faisaient-ils la même demande avant la guerre ?
Il insinue aussi que les réformateurs ont peut-être en vue un profit personnel dans leurs prédications. Il ne voit pas d'autres raisons possibles. Un banquier peut-il concevoir d'autres mobiles que l'égoïsme ou le profit ?
M. Jaffray étale avec complaisance le développement de l'activité industrielle et commerciale au Canada depuis le commencement de la guerre : "Le commerce de l'importation et de l'exportation a passé de $1,576,000,000 à $2,869,000,000, du 30 septembre 1939 au 30 septembre 1941. L'embauchage a mis au travail 888,000 nouveaux employés. Comme les forces armées du Canada ont pris 338,000 hommes, il se trouve que 1,226,000 hommes ont trouvé un emploi qui n'existait pas il y a deux ans. La production industrielle a augmenté de 56 pour cent, en comparaison de la moyenne entre 1935 et 1939 ; le pouvoir d'achat des fermiers a monté de 15 pour cent."
Et le président des Banquiers Canadiens ajoute :
"Ce tableau est de nature à réjouir tous les Canadiens."
Je crois bien. Et à les réjouir tellement qu'ils vont prier pour que la guerre dure toujours ! Autrement, il faudra revenir au régime de paix, au régime de 1935 à 1939, avec 1,226,000 emplois de moins, avec une baisse de 56 pour cent dans la production industrielle, avec une diminution de 15 pour cent dans le pouvoir d'achat des fermiers !
À moins qu'on ait une monnaie un peu plus scientifique, pour financer la production de biens utiles, non pas seulement la production d'engins de guerre. Ce à quoi tendent les agitateurs incompris ou trop bien compris de M. Jaffray.