Un acheteur qui ne paie pas...... on cesse de lui vendre. Oui, si c'est vous ou moi.
Mais il existe un personnage qui achète sans payer le vendeur. Non seulement il ne paie pas le vendeur, mais il est récompensé par le vendeur pour avoir bien voulu acheter la marchandise sans la payer.
Puis, cela fait, on proclame solennellement ce tour de force renversant. Le vendeur, qui n'est pas payé, qui paie même l'acheteur, se vante dans tous les journaux du pays qu'il a réussi à trouver rapidement preneur pour toute sa marchandise. Il déclare avec fierté que toute sa marchandise a été achetée en quelques jours — par des gens qui ne le paient pas, qui se font même payer par lui. Et ce vendeur-là pense qu'il a fait un bon coup ! Plus il réussit à écouler de cette marchandise qu'on ne lui paie pas, plus il exalte sa compétence devant ses voisins.
Qui donc est ce vendeur imbécile, et qui est l'acheteur privilégié ?
L'acheteur privilégié, c'est le banquier. Le vendeur (imbécile, avons-nous dit), c'est le gouvernement. La marchandise, ce sont les obligations du pays.
Traduisons simplement ce qu'en dit M. Charles G. Binderup, membre du Congrès des États-Unis. Comme notre système d'argent est de la même nature que le système américain, ce que l'auteur dit des débentures américaines s'applique aux débentures canadiennes.
"Oui, dans la grande presse et sur le parquet du Congrès, vous lisez et entendez dire que l'Oncle Sam a vendu ses obligations.
"Or c'est complètement faux. L'Oncle Sam ne vend pas ses obligations, il les donne ; il en fait présent au système bancaire. En plus du cadeau, tous les six mois, l'Oncle Sam paie au système bancaire un intérêt qui s'ajoute à la donation et qui s'élève à environ deux milliards et demi de dollars par année.
"Vous entendez beaucoup parler du bon accueil fait aux obligations du gouvernement, de la part des grandes banques qui sur-souscrivent les émissions jusqu'à dix fois. Je crois bien qu'elles le font. Et ainsi feriez-vous, n'est-ce pas, si, comme elles, vous pouviez obtenir les obligations pour rien. L'Oncle Sam vous paierait deux milliards et demi d'intérêt sur ce cadeau par-dessus le marché, (à supposer que vous fussiez le système bancaire).
"Considérons l'émission actuelle de 45 milliards de dollars pour aider l'Angleterre. Avant le vote de chaque émission d'obligations par le Congrès, la donation au système bancaire est déjà découpée et répartie par M. Morgenthau (le secrétaire du Trésor). Il sait d'avance exactement où chaque obligation ira.
"Mais nous, le peuple qui vend l'obligation, nous n'obtenons pas de l'acheteur un seul sou de cuivre pour ces 45 milliards. Tout ce que nous faisons, c'est d'envoyer les obligations aux grosses banques ; en retour, elles nous envoient un livre de chèques et ça paie la facture.
"Exemple :
"Si, comme d'habitude, il y a besoin d'argent dans la banque de la Chambre des Députés, Morgenthau tire un chèque sur les financiers internationaux de New-York, Kuhn-Lœb et compagnie, ou sur quelque autre grosse banque à laquelle les obligations ont été données. Disons que le chèque est au montant de $500,000 et qu'il est présenté à Kuhn-Lœb et compagnie. Lorsque le chèque est présenté, la compagnie Kuhn-Lœb prend simplement sa plume, débite l'Oncle Sam et crédite son compte d'obligations pour $500,000.
"Morgenthau dépose le chèque à la banque de la Chambre des Députés. Cette banque prend sa plume, crédite Morgenthau (le gouvernement) et débite le compte de Caisse, bien qu'il n'entre pas un sou, pas une pièce de monnaie dans la transaction : le chèque est supposé être enregistré comme argent au compte de caisse.
"Lorsque, à titre de député, j'ai droit à mon salaire le premier jour du mois, le sergent-d'armes tire un chèque en ma faveur sur la banque de la Chambre des Députés, et cette banque prend simplement sa plume, débite le compte du gouvernement et crédite le compte de caisse.
"J'enverrai mon chèque à la banque de ma ville, la First National Bank de Minden, Nébraska ; cette banque prendra sa plume, créditera mon compte et débitera son compte de caisse.
"C'est ainsi qu'est créé, par traits de plume, de l'argent de chiffres, basé sur de simples débits et crédits dans les grands-livres des banquiers.
"Mais les banquiers disent que cet argent est basé sur l'or. Oui, un tiers de un pour cent d'or en arrière, pas beaucoup plus que vous en pourriez mettre dans votre œil sans que ça vous fasse mal.
"Un jour, après une de mes radiodiffusions sur le système d'argent, dans laquelle j'avais exposé le cadeau de nos obligations aux gros banquiers internationaux, je fus appelé par un groupe d'hommes d'affaires qui nièrent mes allégations.
"Parmi eux, un banquier, très excité. Il aurait pourtant dû savoir. Il semble étrange que ces choses soient des nouvelles pour les banquiers.
"Un marchand, dans le groupe, s'exprima ainsi : "J'écoute vos causeries chaque dimanche matin. Si vos affirmations n'étaient si étranges, j'y serais très intéressé. Mais vous dites des choses ! Par exemple, ce matin, vous affirmiez que nous ne recevons pas un sou brun en paiement des obligations que les États-Unis donnent aux banques. C'est absolument incroyable. C'est trop fort, trop insensé pour être vrai, et je refuse d'y croire. S'il en était ainsi, ne pensez-vous pas que le Congrès y verrait immédiatement ? Vous ne me direz pas que le Congrès est tellement dépourvu d'esprit ou d'intérêt, qu'il permette la continuation d'un tel crime contre le peuple ? Ou que le Congrès est ignorant et qu'il ne veut pas se donner la peine de faire enquête ? M. Binderup, laissez-moi vous dire une chose : si je croyais que vous avez dit la vérité à la radio, si j'étais persuadé que l'injustice dénoncée par vous a continué pendant des années et que le Congrès, soit par ignorance, soit par corruption, soit par mépris des intérêts du peuple, ne l'a pas arrêtée — alors je me ferais Rouge, radical, je hisserais le drapeau rouge et je renoncerais à ma citoyenneté dans un pays dont le gouvernement tolérerait pareil crime contre son peuple."
"Quelle déclaration ! Quelle marque d'ignorance des faits ! Et il y en a des millions qui sont dans le cas de ce marchand.
"Mais il n'est pas un esprit au monde qui, après avoir étudié ou examiné tant soit peu la question, n'admette la véracité des assertions que je répète. C'est peut-être la raison pour laquelle Henry Ford disait : "Si le public américain connaissait la corruption de notre système monétaire, il y aurait une révolution demain matin."
"C'est l'évidence même. Et c'est pourquoi des millions hissent le drapeau rouge aujourd'hui. C'est pour cela qu'il y a un Hitler en Allemagne ; pour cela que cet Hitler fut accueilli par les millions qu'on appelle maintenant la cinquième-colonne, au Danemark, en Norvège, en Pologne, en Tchécoslovaquie et ailleurs. C'est pour cela que la France se tourne aujourd'hui contre l'Angleterre, son ancienne alliée. C'est pour cela qu'on a des révolutions, des guerres, et que nos jeunes ont dû mourir dans des tranchées ensanglantées. C'est cela qui a fait des millions de veuves et d'orphelins ; c'est la source de larmes, de chagrins, de souffrances. Tout cela, parce que le Congrès et les Parlements ont refusé de s'occuper d'une injustice aussi flagrante contre la masse du peuple. Ils ont peur de lutter contre le gouvernement invisible.
"Oui. Et c'est pour cela que cette nation a besoin d'un nouveau groupe politique composé de patriotes, qui sachent voir à travers les brumes et les nuages de la fausse propagande politique, dont la vision ne soit pas détournée par les phares éblouissants des grosses contributions électorales souscrites par Wall Street, dont les oreilles soient ouvertes aux appels d'une humanité souffrante et inaccessibles au cliquetis de l'or tombant dans les coffres-forts politiques.
"On a beaucoup parlé un jour, au Congrès, de la situation étrange de 1933, alors que le Président Roosevelt ferma toutes les banques du pays à la suite de la faillite de 16,000 d'entre elles en quelques jours.
"Le Congrès décida alors de vendre trois milliards d'obligations du gouvernement pour financer les banques. Et à qui le gouvernement vendit-il ces obligations ? Mais, aux banques qui étaient à la veille de fermer leurs guichets à leur tour, parce qu'elles ne possédaient pas un seul dollar et se seraient entièrement effondrées si nous n'avions pas volé à leur secours.
"Mais comment donc les banques ont-elles pu acheter trois milliards d'obligations de l'Oncle Sam pour se financer elles-mêmes, si elles ne possédaient pas un sou ?
Je sais que vous hésiterez encore à me croire lorsque je dis que nous donnons littéralement les obligations du gouvernement au système bancaire de notre pays, sans rien recevoir en retour qu'un livre de blancs de chèques ; que nous ne sommes jamais payés en argent ; qu'il serait impossible pour les banques de nous payer en argent, puisque l'argent correspondant n'a été ni frappé ni imprimé, et qu'il n'existe simplement pas.
C est pourquoi, pour appuyer mon assertion, que les banques privées, lorsqu'elles étendent leur propre crédit et créent ainsi des dépôts, sont virtuellement des hôtels-des-monnaies privés, émettant de l'argent en contravention avec la Constitution du pays, je vais citer le témoignage du gouverneur Eccles, de la Federal Reserve Board, devant le Comité des Banques et du Numéraire de la Chambre en 1935 :
Gouverneur Eccles :... 'En achetant les offres d'obligations du gouvernement, le système bancaire dans son ensemble crée de l'argent nouveau, ou des dépôts bancaires. Lorsque les banques achètent pour un milliard d'obligations du gouvernement — et vous devez considérer le système bancaire comme un tout, comme une unité — les banques créditent d'un milliard le compte de dépôts du Trésor. Elles débitent d'un milliard leur compte d'obligations du gouvernement, ou créent littéralement, par une entrée comptable, un milliard de dollars dont elles se servent pour acheter les obligations.'"
C. G. BINDERUP
(Reproduit dans Today and Tomorrow du 28 août)
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Si les obligations du gouvernement transcrites dans les livres du banquier deviennent de l'argent, elles pourraient aussi bien devenir de l'argent dans les livres du gouvernement lui-même.
Puis si le gouvernement fait cadeau du crédit national aux banquiers, il pourrait aussi bien en faire cadeau aux citoyens du pays. Ce ne seraient plus les banquiers qui mèneraient le pays, mais la société elle-même. Ce serait la démocratie, non plus la bancocratie. Le pays existerait pour tous ceux qui l'habitent, non plus seulement pour les banquiers et ceux qui leur sont agréables.