Nous relevions récemment, dans Le Devoir, cette phrase, citée de mémoire paraît-il, d'un digne prélat — sauf erreur, le cardinal Hayes :
"Notre société à l'envers... devrait faire cette chose très simple et aussi nécessaire que juste : Assurer aux gens qui sont encore respectueux de la loi morale et de la loi naturelle, et qui sont les véritables soutiens de la nation, un revenu, un climat social qui leur permettent de vivre d'une vie normale, et les mettre en mesure de procurer la même chose à leurs enfants. C'est une société qui démissionne, qui proclame elle-même sa faillite, que celle qui encourage le birth-control. (contrôle des naissances)"
Vers le même temps, parvenaient à notre connaissance les étonnantes activités philanthropiques de Mlle Gisèle Shaw au Brésil. Catholique d'origine franco-irlandaise, écrivain, conférencière, linguistique, sociologue distinguée, qui s'intéresse spécialement à la réforme des prisons, à la protection des femmes et des filles-mères, surtout à leur sortie de la maison de détention. Son premier soin est de les aider matériellement de son salaire d'écrivain. Elle tient compte du corps et de l'âme tout à la fois. "Une âme saine dans un corps sain", pense-t-elle, à la suite de saint Thomas d'Aquin, au lieu de se contenter des seules et flasques exhortations à la patience.
Or, Mlle Gisèle Shaw remarque que le plus grand nombre des délinquantes font de la prison parce qu'elles furent privées de foyer normal, et parce que, dans maints cas, l'école n'a pas rempli son rôle, au point de vue physique comme moral.
Elle réclame pour les jeunes des loisirs organisés, avec des divertissements honnêtes mais amusants, avec aussi un peu d'idéalisme. De quoi faire sécher de dépit les pharisiens de notre époque, les confirmés en grâce, qui se réservent tous les luxes, y compris celui de déposséder les autres, de déformer les enseignements chrétiens, de fausser les jugements et les consciences.
Une doctrine se juge à son mérite. Ceux qui prêchent le Crédit Social sont tout de même heureux de constater que des voix autorisées abondent dans leur sens. La sociologue et le prélat cités ne proclament-ils pas implicitement l'excellence de la doctrine créditiste, la très pressante nécessité d'un crédit individuel, l'établissement d'un dividende national, de cette forme d'allocations familiales qui, en outre d'aider les familles au prorata de leurs membres, a l'avantage d'augmenter le pouvoir global d'achat au niveau de l'abondante production moderne et de libérer le pays de sa dette publique.
Mais il y a des adversaires, et le frontispice du présent numéro de VERS DEMAIN en illustre quelques types.
Hostiles au Crédit Social sont, en plus des puissances d'argent, les huppés en selle à divers degrés, esclaves volontaires qui, pour trente deniers, acceptent pour eux et leurs frères les chaînes forgées par les manitous de la finance.
Inconvertissables, ceux-là. Et les apôtres du Crédit Social ont appris à ne pas s'en occuper, pour ne pas perdre un temps précieux. Leur règne de malfaisance tire à sa fin. Ne resteront bientôt plus à leur suite que les subconscients, les anormaux, et ceux que l'orgueil, l'égoïsme ou l'esprit de parti ont irrémédiablement aveuglés.
Les créditistes ont d'ailleurs, devant eux, les immenses réserves saines des masses ouvrières et agricoles et des classes moyennes, sur lesquelles ils peuvent compter. Mais pas de bois mort dans le camp créditiste. Pas d'égoïsmes astucieusement cultivés. Pureté d'objectif et pureté des moyens y sont à l'honneur ; purification des instruments aussi. La moralité est indispensable à une rénovation politico-économique et sociale. "La révolution sociale sera morale, ou elle ne sera pas," écrit Charles Péguy. C'est à retenir.
Mais on dira qu'il peut y avoir d'autres méthodes, d'autres techniques que celles proposées par le Crédit Social.
Fort bien. Que si quelqu'un dispose de moyens plus effectifs, de réalisation pratique immédiate, à lui de les faire connaître d'urgence. Retarder serait pour lui un crime. La société, la morale, la religion même ont besoin de lui. Qu'il se hâte.
Nul n'a le droit, aux heures les plus périlleuses de l'histoire, de cacher sous le boisseau la lumière d'où peut jaillir le salut. Pas plus qu'il n'a le droit de continuer à cajoler les puissances d'argent, au mépris presque toujours de la justice, au grand scandale souvent des honnêtes gens. Nous ne reconnaissons à personne, non plus, le droit de combattre (pas même par la conspiration du silence) la seule arme de défense qui nous reste — le Crédit Social, héroïquement engagé dans une lutte à mort et seul capable de juguler les puissances d'argent.
Si la question économique se règle sans l'appui des forces saines, elle ne peut malheureusement se régler que sur leur dos, que contre elles ; et ce sera la ruine définitive, l'effondrement de l'apport de toutes les énergies et de tous les sacrifices de nombreuses générations, le glas enfin de toutes les espérances et de tous les espoirs dans lesquels un peuple puise sa vitalité.
À vous de choisir.
E.-P. A.