Une carte représente un pays, mais ne le représente que sous des aspects limités, et très faiblement. Certaines cartes font voir les fleuves ; d'autres s'appliquent à montrer le relief des montagnes ; d'autres, les divisions électorales ; d'autres, les routes, les chemins de fer, etc.
Ce que vous ne voyez pas sur la carte, ce sont les hommes, les femmes et les enfants qui peuplent le pays, les idées qui s'affrontent, les trames des trustards, les veuleries des politiciens, les achats de conscience, ou les nobles rebondissements d'âmes outrées au spectacle de tant de malpropretés.
La carte publiée ci-dessous est sobre de détails géographiques : juste assez pour faire reconnaître la province de Québec. Mais on y signale d'une manière spéciale les localités — petites ou grosses — d'où rayonne activement le mouvement créditiste dans la province.
C'est notre carte de guerre. Elle indique les arsenaux du Crédit Social. Le Crédit Social ne conquiert pas la province à coups de canons, ni avec des bombes, pas même avec les gaz empoisonnés de la politique de parti. Le Crédit Social s'étend par la lumière qu'il fait dans les esprits, par la flamme qu'il allume dans les cœurs. Et c'est pourquoi notre carte désigne par un flambeau chaque centre d'où partent les missionnaires du Crédit Social, tout comme certaines cartes désignent par des ancres les ports maritimes, par des avions les aéroports, par des canons les forteresses, ou, dans un autre ordre de choses, par des croix les villes épiscopales.
À nous donc le flambeau. Le flambeau, lumière ; le flambeau, chaleur ; le flambeau, liberté.
Si les politiciens traditionnels veulent aussi publier leur carte de guerre, il leur reste, bien à eux, les emblèmes de leur vénérable arsenal : le trente-deniers et le flacon de whisky.
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Au 1er juillet, 26 flambeaux sur notre carte de guerre. Cela veut dire 26 centres d'apostolat ; vingt-six foyers d'où des conférenciers partent déjà, ou sont à la veille de partir, chaque dimanche, pour porter le message créditiste aux paroisses de leurs régions respectives.
Ce n'est pas une carte définitive. Il n'y a rien de final dans un mouvement bien en vie. Au printemps prochain, les centres de conférenciers seront au moins cinq fois plus nombreux. C'est que l'exemple entraîne. Déjà, si la carte était à reprendre, l'auteur devrait ajouter des flambeaux dans le comté de Kamouraska.
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Elle est petite, notre carte. Mais elle représente une belle et grande province. Si grande, qu'il a fallu présenter à part, et sur une échelle réduite, la côte de Gaspésie, le royaume du Saguenay, le nord colon et minier.
Si les cartes ont l'avantage de donner rapidement une vue d'ensemble d'une vaste région, elles ont l'inconvénient de rapetisser les réalités pour les yeux peu habitués à l'interprétation des échelles.
Prenez une carte du Canada, pliez-la en accordéon et placez-la dans la poche de votre pardessus. Vous portez l'image du Canada dans votre poche, tout comme le financier en tient la propriété dans son portefeuille. Mais cela ne veut pas dire que le Canada soit un petit pays.
Cherchez Montréal sur notre carte de guerre. Puis, Sherbrooke, environ trois pouces à l'est de Montréal. C'est bien proche ? Oui... 103 milles seulement ! Chaque pouce sur cette carte représente donc plus de trente milles de distance. Sur les rectangles du bas St-Laurent et de l'Abitibi, il faut voir encore plus de milles au pouce. Rien que d'Amos à La Sarre, où brillent deux flambeaux abitibiens, comptez 60 milles.
Tout le monde sait qu'il y a 180 milles de Montréal à Québec. Avec les routes branchées sur la route nationale, les chemins croisant les routes secondaires ; avec les maisons qui se pressent dans les villes et les villages, et celles qui s'échelonnent dans les rangs doubles ou simples, avec les nids humains qui devancent les chemins dans la colonisation, cela fait bien des familles auxquelles le journal VERS DEMAIN doit porter la doctrine du Crédit Social, l'espoir d'aujourd'hui, la réalité de demain.
Le directeur de VERS DEMAIN a visité l'Abitibi en juin. Il lui a fallu faire 415 milles en auto rien que pour se rendre de Montréal à Amos.
Si vous quittez La Reine (Abitibi) pour Gaspé, vous entreprenez une course de 1,045 milles, sans sortir de la province de Québec.
Elle est donc immense, la province de Québec.
Immense. Mais belle aussi. Belle, et confiée à une population descendante et héritière de héros et de saints.
Pourquoi a-t-on laissé les trustards souiller un si beau et si grand pays ?
Mais la multiplication des flambeaux créditistes sur la carte signifie que les Canadiens vont reprendre possession de leur Canada. Ils vont le reprendre et ils le garderont.
On regrettera la pénurie de flambeaux sur la rive nord du fleuve, entre Hull et Trois-Rivières. Ils sont complètement absents aussi du triangle formé par le Richelieu, le St-Laurent et la frontière des États-Unis. Disons — c'est pourtant un secret — qu'on projette une invasion-éclair de ce triangle pour quelque beau dimanche de l'été.
Conservez cette carte 1941. Vous lui comparerez la carte 1942 et vous constaterez que la délivrance approche. Mais vous portez âme trop noble pour rester simple spectateur. S'il fait bon lire les récits de beaux gestes, il est infiniment préférable de les vivre. Ce que comprennent fort bien ceux qui concourent à multiplier et entretenir les flambeaux créditistes dans la province de Québec.