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Hitler n’est pas créditiste

Louis Even le samedi, 15 mars 1941. Dans Autres

Il serait grossier de croire que tout ce qui s'écarte de la finance orthodoxe, des méthodes actuellement reçues chez nous, est du Crédit Social.

Lorsqu'un gouvernement abolit l'argent, enrôle tous les citoyens dans la production et distribue à chacun sa ration, ça peut être du communisme, mais ce n'est pas du Crédit Social. Même si ce gouvernement réussissait de cette manière à garantir le nécessaire, disons le confort et l'aisance, à chaque citoyen, ce ne serait pas du tout du Crédit Social.

Pas plus qu'un cultivateur qui prend bien soin de ses animaux ne peut dire qu'il a des créditistes dans son étable.

Le Crédit Social est bien plus que cela. C'est la liberté et la sécurité économique en même temps.

C'est pourquoi vous ne pouvez trouver de philosophie créditiste dans une dictature.

C'est pourquoi nous refusons absolument d'entendre dire que Hitler ait établi un système monétaire créditiste en Allemagne. C'est faux, archifaux.

Deux articles acceptables

M. Gorham Munson, conducteur du mouvement créditiste aux États-Unis, étudie dans une de ses lettres hebdomadaires — Men First — les caractères de la finance allemande et fait très bien ressortir ce qu'il y a de différent et ce qu'il y a de semblable entre la finance d'Hitler et la finance exécrable qui domine nos vies. Nous voulons faire les lecteurs de Vers Demain profiter de cette étude lumineuse.

Deux points de la doctrine financière d'Hitler méritent d'être soulignés et sont très acceptables aux créditistes.

Premièrement — Hitler a décidé que les obstacles financiers ne doivent pas lui barrer le chemin.

C'est ce que les créditistes expriment en disant que "tout ce qui est physiquement possible doit l'être financièrement".

S'il est possible de produire de la nourriture, disons-nous, il ne faut pas que la finance soit un obstacle à la production ou à la distribution de cette nourriture.

Hitler applique cela non seulement à la nourriture, mais aussi aux canons. Et comme c'est lui qui est le maître, il dicte quelle quantité d'énergies sera appliquée à la production pour les individus, quelle quantité à la production pour l'État, les armements y compris.

En dictant ainsi son choix, il ne fait évidemment pas de Crédit Social. Il place la finance au service de sa volonté, en rapport avec les possibilités de son pays. Il ne place pas la finance au service des citoyens en rapport avec les possibilités de leur pays.

Chez nous, on a bien un premier-ministre fédéral qui assure que la finance ne sera pas un obstacle au plein effort de guerre. Mais ce sont des mots. Des paroles, on en a depuis 1935. N'empêche que les possibilités du pays sont loin d'être toutes utilisées, même en temps de guerre, encore moins en temps de paix.

Deuxièmement, Hitler sait faire une différence fondamentale entre finance publique et finance privée. Les individus, les compagnies conduisent leurs affaires en conformité avec des règlements monétaires établis dans leur pays. Ils doivent s'y soumettre. Ils ne peuvent les modifier pour accommoder leurs intérêts.

L'État, lui, est le législateur. S'il juge qu'un système monétaire nuit à la conduite des affaires de la nation, il a le pouvoir de le changer pour le rendre plus utile.

Hormis ces deux points, qui ont certainement, leur importance et que les créditistes accueilleraient si l'objectif était placé entre les mains des citoyens et non pas accaparé par le dictateur, la finance de Hitler ressemble en tout à celle du système rothschildien.

Deux économies opposées

Nous puisons toujours à l'étude de Munson pour démontrer comment l'économie nazie et l'économie rothschildienne — celle du Canada donc — se ressemblent, et comment celle du Crédit Social leur est diamétralement opposée.

Nous tenons à bien souligner qu'il s'agit uniquement de l'économie financière. Au point de vue politique, il serait absurde de chercher des ressemblances entre la dictature politique allemande et les libertés démocratiques de notre pays.

1. L'économie nazie — comme la nôtre — est basée sur le complexe rareté, sur la psychologie de l'absence de biens. Hitler allègue le manque d'espace vital, comme nous alléguons le manque de marchés.

Le Crédit Social, lui, proclame que nous sommes dans un âge d'abondance pour tous, de production motorisée plus que suffisante pour combler tous les besoins honnêtes des hommes.

2. L'économie nazie — comme la nôtre — prêche la privation : produire, mais consommer le moins possible. Plus de 50 pour cent du revenu national allemand, en 1939, était ré-investi dans des biens de capital, surtout des armes, donc pas employé à l'achat de choses pour l'usage.

Le Crédit Social, lui, réclame un pouvoir d'achat pour la consommation au niveau de la production. Au lieu de prêcher l'abstinence, il demande le libre accès à l'abondance.

3. L'économie nazie —comme la nôtre — fait un fétiche de l'emploi. Elle prend le travail pour une fin.

Le Crédit Social dissocie le revenu de l'emploi ; il associe le revenu avec la production, non pas avec le moyen de production ; il salue l'avènement des loisirs, de l'activité libre, comme résultat du progrès dans la production.

4. L'économie nazie — comme la nôtre pense en termes de production.

Le Crédit Social pense en termes de consommation.

5. L'économie nazie — comme la nôtre — est cœrcitive. Se soumettre ou subir l'intervention policière en Allemagne, la prison, le camp de concentration. Se soumettre ou se nourrir d'air au Canada.

Le Crédit Social préconise une économie de liberté. Le minimum vital à tous ; un niveau de vie plus élevé pour récompenser la contribution directe à la production.

6. L'économie nazie —comme la nôtre — recourt à de lourdes taxes pour diminuer le pouvoir d'achat des individus.

Le Crédit Social supprime tout le fardeau des taxes, puisqu'il place d'abord l'argent dans le public au niveau de tout ce qui est possible, tant public que privé.

7. Le mot d'ordre du commerce nazi — comme du commerce canadien — avant la guerre : Exportez ; exportez beaucoup et importez peu.

Le Crédit Social enlève la pression financière vers l'exportation ; il finance le marché domestique et fait du commerce international un échange naturel des surplus répondant aux facilités particulières de production des divers pays.

8. L'économie nazie — comme la nôtre — tient l'individu dans le souci continuel du lendemain. Aussi l'État est-il obligé d'intervenir en Allemagne pour empêcher des particuliers de thésauriser.

Le Crédit Social imprime un tel sens de sécurité économique qu'il enlève tout mobile de thésaurisation. Les véritables surplus de pouvoir d'achat, une fois les besoins normaux satisfaits, deviennent la saine épargne, le placement dans une augmentation de production en faveur de la communauté, en autant que la communauté a encore des besoins à satisfaire.

9. L'économie nazie — comme la nôtre — fonctionne par l'endettement du gouvernement, les intérêts pesant en taxes sur les individus.

Le Crédit Social liquiderait graduellement la dette publique par des émissions de crédit libre de dette à mesure du développement de la capacité de production.

Conclusion

Notre but dans cet article n'est pas d'expliquer ou de justifier le Crédit Social. Aussi procédons-nous par simples assertions.

Nous voulons plutôt prémunir des créditistes contre l'idée que le chef de l'Allemagne possède une tête de créditiste. Adolf Hitler n'a certainement pas cette qualité-là. Nous reconnaissons qu'il a porté un gros coup à des idées superstitieuses qui prévalent encore chez nous — celle surtout de croire qu'il faille se figer et se soumettre lorsque l'argent n'est pas là. Mais ça prendra une autre philosophie que celle d'un totalitaire pour comprendre le Crédit Social, l'argent au service de la personne humaine, de chaque personne humaine.

Concluons aussi que la propagande allemande est mal fondée, qu'elle ment, lorsqu'elle affirme que le nazisme a affranchi les individus de la dictature de l'argent. Il serait plus juste de dire qu'en Allemagne, le dictateur emploie la force militaire pour imposer une philosophie identique à la philosophie des puissances d'argent.

Louis Even

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