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En marge d'une perfidie

le mardi, 15 octobre 1940. Dans Autres

Au lendemain de la semaine sociale de Nicolet, lundi, le 23 septembre dernier, sur une longueur de six colonnes en tête de la page 14, L'Événement, de Québec, étalait un gros titre dont il coiffait une déclaration à laquelle il voulait donner une erre d'aller sensationnelle.

C'était ainsi fabriqué : Le cardinal Villeneuve se prononce contre le Crédit Social.

Aux lecteurs pressés ou distraits, qui se contentent des titres, celui-ci prenait figure de mitre cardinalice s'abattant avec violence sur une doctrine incendiaire pour en éteindre jusqu'aux moindres étincelles.

Mais les autres qui ont pris la peine d'y regarder de plus près n'ont pas été lents à constater qu'il n'y avait pas de mître cardinalice, mais tout bonnement un vulgaire capuchon, une sorte de bonnet d'âne que l'Événement avait enlevé à la tête d'un quelconque de ses rédacteurs et qu'il avait essayé d'allonger en mître cardinalice.

Vieux jeu auquel l'Événement s'est déjà livré et qui lui a mérité des coups. Sans le corriger, cependant, car il n'a plus, si jamais il l'a eue, la liberté de mentir ou de dire la vérité.

Il appartient à cette escouade de journaux nombreux et puissants — presque tous y sont liés — que la dictature judéo-maçonnique entretient, nourrit grassement pour la défense "des libertés démocratiques". Elle y loge et garde sous sa main des artistes de la gabegie, des maîtres-chanteurs, des bouffons, des "as" de la mise en scène, des grimeurs experts en maquillage ou de vulgaires pantins. Tous marchent sous ses ordres ; son or leur imposant n'importe quelle besogne, qu'ils accomplissent le plus servilement possible. Aucun ne peut exécuter un mouvement sans que le tintement de ses chaînes sur le pavé annonce la venue d'un esclave.

Leur tâche à tous consiste à démolir sans scrupule, par tous les moyens, ceux qui ne lèchent pas les bottes de cette dictature, dénoncée par Pie XI, et ne baisent pas avec dévotion les traces boueuses mais recouvertes de piastres que laissent ses visites. Et à louer, à exalter les autres, ses bons et dévoués serviteurs, camouflés en amis du peuple qu'ils trahissent. Ceux-ci, fussent-ils des banqueroutiers, de fiers imbéciles, de véreux financiers, on les pousse, on les hisse aux sommets, à la tête des villes ou des gouvernements. Derrière eux, paravents de vanités ou de cupidité, cette dictature néfaste manœuvre et réalise ses projets d'asservissement général.

Un de leurs procédés les plus à la mode de ce temps-ci, c'est de travailler à rejeter sur les épaules des gens d'Église l'odieux de méthodes dont ils gardent tous les profits.

Pharisiens modernes, la poitrine médaillée, la tête coiffée de tricornes plus ou moins authentiques, la parole et le geste adulateurs, ils s'empressent auprès des évêques. L'Évangile raconte qu'une pauvre femme cherchait à toucher le manteau de Jésus dans l'espoir d'être guérie. Eux cherchent à s'emparer du manteau des évêques non pour être guéris de leur cupidité, mais pour en couvrir leurs puantes turpitudes.

Ils ont beau ne pas réussir, ils n'en persévèrent pas moins dans leurs tactiques, comptant sur l'inadvertance. Ils ne savent pas que chaque matin, en purifiant ses doigts à la messe, le prêtre récite cette prière : Ne mêlez pas mon âme à celle des impies et des méchants dont les mains sont criminelles et remplies de présents corrupteurs.

C'est si usé qu'après avoir acquis un peu plus de mépris chez les honnêtes gens, l'Événement devra ramasser son bonnet tombé à terre et s'en "recoiffer" jusqu'à nouvel ordre.

Car, voyons ce qu'a dit l'Éminentissime Cardinal de Québec.

Tout simplement ceci que l'on trouve identique dans L'Action Catholique, de Québec, Le Devoir, de Montréal, Le Droit, d'Ottawa :

"On peut certifier, semble-t-il, que c'est perdre du temps que de s'attarder à certains systèmes comme le "Crédit Social" qui demeure, quels que soient les avantages que l'avenir en pourra tirer, des remèdes douteux ou incomplets.

"Il est clair que des réformes monétaires s'imposent, mais, abstraction faite de son côté électoral et de certaines promesses illusoires, le Crédit Social, dans ses éléments les plus justifiables, ne sera toujours qu'une solution partielle et inefficace aussi longtemps qu'on n'aura pas ré-équilibré le jeu des classes dans l'ordre économique politique."

Reprenons ce texte dont j'ai souligné certains passages.

1 — Le Cardinal, quand il parle de la perte de temps employé au Crédit Social, donne à sa pensée une forme dubitative. Il dit "semble-t-il". Ce qui équivaut à "je puis me tromper".

2 — Il admet que "l'avenir pourra tirer avantage du Crédit Social". C'est aussi le ferme espoir de ses promoteurs : voilà pourquoi ils se dépensent à le propager.

3 — "Des réformes monétaires s'imposent" — Les créditistes ne disent pas autre chose. Mais ils ne se contentent pas de le dire, ils le prouvent et ils proposent un remède.

4 — "Le Crédit Social ne pourra pas tout faire." Ses partisans l'admettent volontiers.

5 — "Il restera un remède partiel et inefficace aussi longtemps qu'on n'aura pas rendu leur équilibre aux classes sociales."

Convaincus de cette nécessité, les partisans du Crédit Social s'y emploient de leur mieux et ils y apportent tout l'effort de leur zèle et de leur bonne volonté.

De cette brève analyse, il résulte que les restrictions mises par le Cardinal à l'expression de sa pensée ne sont que des paroles inspirées par la prudence, comme il convient à un chef spirituel soucieux de ne pas compromettre son prestige ni dans des approbations ni dans des condamnations trop catégoriques surtout quand la doctrine catholique n'est pas en jeu, et qu'il s'agit seulement de systèmes, ou mieux de techniques humaines toujours incertaines et susceptibles d'adaptations.

C'est dans le même esprit qu'il a ajouté :

"On n'aura pas dit le dernier mot pour avoir fondé des caisses populaires, ou des syndicats ouvriers, à moins qu'on ne travaille à relier graduellement tous ces éléments divers dans la formule de l'organisation sociale complète, les corporations, le corporatisme."

Nul n'a conclu de ces paroles que le Cardinal se prononçait contre les caisses populaires ou les syndicats ouvriers. Or le rôle que doivent jouer ces organismes dans l'ordre nouveau, c'est le même qu'ambitionne le "Crédit Social".

Si L'Événement n'avait pas commis la perfidie que nous venons de relever, nous n'aurions eu qu'à offrir nos remerciements au Cardinal pour avoir bien voulu mentionner le Crédit Social dans son allocution, et lui avoir reconnu des "éléments justifiables dont l'avenir pourra tirer profit pour la réforme de notre système monétaire dans la mesure ou l'équilibre social se rétablira."

Une conclusion s'impose. II faut :

1. Se méfier des titres dans les journaux bouffons comme L'Événement.

2. Prendre le temps de lire et de se renseigner aux bonnes sources avant de se prononcer.

Et ainsi l'on évitera beaucoup de confusions, et l'on s'évitera d'être obligé de revenir sur ce que l'on aura répété de bonne foi.

Louis Lafond

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