À cause de l’urgence du sujet, je dois interrompre la série commencée, pour parler immédiatement de l’effet de l’alcool sur les vitamines. Les prétendus bienfaits de l’alcool sous toutes ses formes sont tellement vantés à la radio et dans les journaux, qu’il convient de réclamer au nom de la vérité.
Plusieurs médecins autorisés ont déjà classé l’alcool parmi les poisons, et les restrictions imposées pour le commerce de ce poison devraient être plus sévères et surtout être appliquées sérieusement. Quelques-uns pourraient peut-être protester contre le mot poison, mais je puis leur répondre que le bon pain même peut être un poison, si l’on en mange trop à la fois. Demandez à un ivrogne de manger 30 à 40 livres de pain en un seul repas, il vous répondra qu’il se rendrait malade avant d’absorber cette quantité. C’est pourtant la proportion qu’il pratique pour l’alcool et la bière.
Vu que les vitamines sont connues depuis peu de temps, il n’a rien été publié encore que je sache au sujet de l’influence de l’alcool sur les réserves d’un organisme normal. Je ne crois pas non plus qu’il ait été fait des analyses biologiques spéciales à ce sujet, mais la clinique peut nous renseigner clairement. J’ai moi-même rencontré plusieurs cas d’avitaminose causés par l’usage de l’alcool, entre autres un cas typique d’angine de poitrine, mais je préfère donner une documentation incontestable.
Voici quelques citations prises dans l’analyse, faite par le Dr Roma Amyot, d’une communication présentée par Maurice Villaret, L. Justin Besançon et H. Pierre Klotz. (Bull. Mem. Soc. Méd. Hôpitaux de Paris, 3 janvier 1940).
“Les auteurs rappellent la conception étiologique qu’ils avaient émise il y a quelques années: la polynévrite alcoolique ne résulte pas de l’imprégnation directe des nerfs par l’alcool, mais d’un déséquilibre vitaminique.
“Cette carence vitaminique est conditionnée par trois causes:
Insuffisance d’apport en vitamine B1;
Insuffisance d’absorption des vitamines ingérées par gastrite atrophique et hépatite graisseuse;
Insuffisance d’utilisation par atteinte des glandes endocrines.
“Les auteurs rapportent une observation qui illustre d’une façon irrévocable le rôle de l’avitaminose B1 dans certains syndrômes neurologiques qui se développent chez les alcooliques et l’influence parfois merveilleuse de la vitaminothérapie énergique et tenace sur ces phénomènes pathologiques.
“Il s’agit d’une femme de 38 ans, alcoolique, à gros foie et à régime alimentaire insuffisant. Elle présentait, à son arrivée à l’hôpital, une paraplégie flasque à laquelle s’ajoutait une paralysie du membre supérieur droit et une paralysie de la main gauche. Les signes neurologiques aux membres supérieurs étaient apparus quelque temps après l’installation de la paraplégie. Les sensibilités objectives étaient fortement altérées et la malade était confuse. En somme, marche envahissante, ascendante, de la paralysie et atteinte mentale: syndromes de Landry et Korsakoff d’étiologie éthylique. Cette malade fut traitée par des injections intraveineuses (30-25 milligrammes) quotidiennes et intrarachidiennes (30-25), puis plus tard par des injections sous-cutanées de la même substance.
“Résultat merveilleux... enfin elle sortait de l’hôpital guérie, un mois et quelques jours plus tard, ayant reçu 120 milligrammes d’aneurine (vitamine B1) par voie intraveineuse et 760 par voie sous-cutanée.”
Cette longue citation prouve clairement que l’alcool ruine la provision de vitamines de ceux qui en font usage. Pour réparer les lésions causées par l’alcool dans le cas décrit ci-haut, il a fallu donner au-delà de 600,000 unités internationales de vitamine B1, soit 150,000 fois la dose physiologique de chaque jour. L’alcool avait donc détruit l’équivalent d’une dose quotidienne pour 150,000 jours, ou plus de dix fois l’âge de la patiente. C’est au moins un vieillissement prématuré !
Les autres vitamines sont aussi détruites plus ou moins complètement, comme semblent l’indiquer les citations suivantes prises dans la suite de la même analyse:
“En plus, les auteurs conseillent d’agir sur les fonctions hépatiques et endocriniennes par l’emploi d’extraits hépatiques et pluriglandulaires.”...
“Les échecs seront dus à l’âge avancé de l’affection, aux lésions hépatiques, gastriques, endocriniennes, à des avitaminoses associées, enfin parfois à de la bacillose.”
La carence en vitamine B1 produit des névrites diverses, tandis que la carence des autres vitamines affecte plutôt les diverses glandes de l’organisme. L’alcool aurait aussi une action néfaste sur nos réserves d’autres vitamines.
Dans la prochaine chronique, je continuerai ce sujet avec mention spéciale de la bière.
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