Nos lecteurs se rappellent ce que nous écrivions, dans notre numéro du 15 mai, sous le titre Vers un super-état judéo-maçonnique, concernant les activités, grassement financées, du Royal Institute for International Affairs et du P. E. P.
À la faveur de la guerre, comme tous les mouvements de centralisation, celui-là n'a pas manqué de progresser. Même des journalistes français, bien intentionnés, mais peu défiants, accueillaient l'idée. On lui faisait écho jusqu'au Parlement d'Ottawa. Des enthousiastes saluaient déjà un "Canada européen", une union de la France et de l'Angleterre, sous un seul gouvernement, bilingue évidemment, en attendant la fédération européenne multilingue (à moins de faire à une langue les honneurs de l'internationalisme — et pourquoi pas au Yiddish ?)
Après le 13 juin, lorsque s'effondrait l'héroïque résistance française, Londres faisait plus concrètement pression sur Paris pour la fusion des deux pays. Le premier-ministre Reynaud eut la sagesse de refuser, avant de démissionner pour laisser la place à Pétain. Il crut sans doute qu'un testament arraché à un agonisant n'est pas précisément désintéressé de la part de ceux qui font instance.
La judéo-maçonnerie va-t-elle manquer son coup ?
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Et tant qu'à parler d'Anglo-France, nous relevons cette phrase de l'Action Catholique du 19 juin :
"Un député de Londres a repris un passage du discours de Churchill qu'il a commenté sur un ton plutôt hostile à la France."
Est-ce dépit de ne pouvoir prendre la France en tutelle ou en vasselage ? M. Louis-Philippe Roy ajoute :
"Des admirateurs de notre ancienne mère-patrie rétorquent que les Français n'ont pas reçu de leurs alliés tout l'appui qu'ils auraient dû en recevoir."
Qu'en est-il ? L'histoire s'écrit mal pendant la trame des événements. La propagande intéressée déforme, dévalue ou exagère les faits. Par ailleurs, la censure place des bornes à la libre expression de la pensée — d'où des superficiels concluent que tout le monde s'accorde à penser la même chose.
Pourtant, si l'on analyse, d'une part le discours de l'Hon. Churchill, tel que transmis par la B. U. P. de Londres le 18 juin, d'autre part le discours du maréchal Pétain tel que transmis par la B. U. P. de Bordeaux le 20 juin, on ne peut s'empêcher de tirer certaines conclusions.
M. Churchill dit :
"350,000 des 400,000 hommes du corps expéditionnaire envoyé en France ont été ramenés sains et saufs en Angleterre."
Ce qui laisse une perte en hommes de 50,000, morts ou prisonniers, dans la bataille des Flandres. On sait que l'armée belge, de 700,000 hommes, fut à moitié écrasée avant que son roi Léopold capitule. L'armée anglaise, protégée par l'armée belge, n'avait pas dû être beaucoup touchée jusque-là, puisque c'est surtout pendant sa retraite vers Dunkerque que, dégarnie, elle subit le feu de l'ennemi. Ce qui n'a pas empêché, même en Angleterre, des critiques acerbes contre Léopold.
Tant pour les Flandres. Et pour la bataille de France, qui suivit ?
Le maréchal Pétain, passant en revue les causes du désastre français, compare 1940 avec 1918. La France avait au 1er mai dernier 2,780,000 hommes sous les armes, contre 3,200,000 en 1918, soit approximativement les 5/6. Elle était appuyée en juin par 10 divisions anglaises, alors qu'elle en avait eu 85 en 1918.
Ce qui voudrait dire que la contribution française, pour la récente bataille de France, a été, en hommes, les 5/6 de ce qu'elle fut en 1918 ; et que la contribution anglaise, pour la bataille de France, a été moins de 1/8 de ce qu'elle fut en 1918. On admettra qu'il y a base à points d'interrogation, et qu'on peut se trouver blessé de la remarque de Churchill, pendant que les armes tombent des mains des soldats français exténués :
"Si la France continue d'être à nos côtés en cette heure d'épreuve, elle partagera dans les avantages et la liberté que nous assurerons à tous — Tchèques, Polonais, Norvégiens, Danois et Hollandais — qui ont uni leur cause à la nôtre.
"Le gouvernement français va manquer sa chance et va compromettre l'avenir de la France en ne continuant pas la guerre suivant les obligations des traités qui lient Paris à Londres et dont le gouvernement anglais ne se croit pas capable de libérer son alliée."
Notons aussi — ce que le Devoir du 20 juin relevait justement — la campagne de presse (qui l'inspire ?) menée contre Pétain en certains milieux. Il y a la protestation du général de Gaulle, ancien membre du cabinet français, faite à la radio de Londres, pour demander à la France de continuer la lutte en dépit des ordres que pourrait donner Pétain. Il y a la déclaration de M. Hauck, attaché ouvrier à l'ambassade française à Londres, pour dire au monde que Pétain n'a pas l'appui des ouvriers.
La "British Broadcasting" annonce également que "la colonie française de Londres est prête aux plus cruels sacrifices et elle est certaine que le peuple de France ne déviera pas du cours dans lequel il s'est engagé."
Tout cela vient de Londres, pas du front où l'on défend la France. Et tout cela est de nature à diviser et affaiblir la France, non à l'unir et à la relever.
Si ces réflexions chatouillent désagréablement certains susceptibles, nous leur laissons comme mets final à digérer, cette remarque de M. Liguori Lacombe aux Communes :
"Le 23 mai dernier, je me portais à la rescousse du premier-ministre, harcelé de toutes parts par l'Opposition (qui réclamait une intensification immédiate de l'effort de guerre). C'était au moment où les Îles Britanniques avaient essuyé les bombardements de l'ennemi. Les attaques contre le littoral anglais cessèrent, et toute la force ennemie se jeta sur la France. Pendant que ce noble et héroïque pays agonisait sous la botte allemande, les mêmes députés qui avaient réclamé la conscription à grands cris furent pris d'un mutisme qu'on ne leur connaissait pas. Pourquoi ? C'est là leur secret, et je préfère ne pas le scruter pour l'ignorer dans l'intérêt même de l'harmonie qui doit régner au Canada." (Débats, 1940, éd. fr. p. 987.)