Quand les créditistes de Vers Demain demandent un dividende périodique pour tout le monde, disons un dividende de 50 piastres par mois à chaque homme, femme et enfant du pays, il y a des personnes qui demandent: «Où prendre cet argent ?»
Nous avons envie de leur répondre simplement: «Où prendre les produits ?»
Un dividende de $50 par mois, c’est simplement la permission accordée gratuitement à chacun, à seul titre de citoyen du pays, de se procurer pour $50 de produits ou de services offerts en abondance dans le pays.
Pas besoin que ces $50 soient en argent métallique, pas même en billets de banque. Une simple inscription mensuelle d’un montant de $50 au crédit de chaque citoyen, dans un compte à son nom, fera magnifiquement l’affaire.
Tout le monde sait bien que quand on a un compte en banque, on peut faire des chèques sur ce compte pour payer n’importe quels produits ou n’importe quels services dont on a besoin.
Le chèque sur un compte de banque est aussi bon que de l’or ou de l’argent pour payer n’importe quoi. Pourvu que les produits existent, le chèque peut les payer, quand même il n’y aurait pas une once d’or ou d’argent palpable dans le pays.
Or, cela, l’inscription d’un montant dans un compte de banque, c’est facile à faire. Bien plus facile que de produire les choses à mettre sur le marché. Un dividende est donc bien plus facile à faire que la production qui va lui répondre.
Des inscriptions dans des comptes. Mais les banques font cela tous les jours. Vous pouvez le voir au guichet de n’importe quelle succursale de banque. Mais l’inscription se fait pour deux sortes de personnes: pour celles qui apportent leurs épargnes à la banque et pour celles qui viennent emprunter de l’argent à la banque. Le dividende social, lui, ne sera pas l’inscription d’une épargne, ni non plus l’inscription d’un emprunt. Ce sera l’inscription d’une gratuité parce que la part de la production qui ne vient pas du travail, mais du progrès, doit être distribuée gratuitement à tout le monde.
Et parce que c’est une gratuité gagnée par le progrès, ce n’est pas une taxe mais de l’argent nouveau. De l’argent nouveau ajouté au compte en banque de chaque citoyen.
De l’argent nouveau, ce n’est pas une nouveauté. Il en naît tous les jours; et cette naissance a lieu justement dans la banque.
Lorsqu’un individu porte à une banque de l’argent épargné, le banquier met cet argent dans le coffre de la banque et le remplace, pour l’épargnant, par l’inscription d’un crédit au compte de cet épargnant. Cela, ce n’est pas de l’argent nouveau mais simplement un changement d’argent de porte-monnaie par de l’argent de compte en banque.
Mais quand un individu vient à la banque pour emprunter de l’argent, si la banque consent le prêt, le banquier inscrit le montant de la même manière, au crédit du compte de l’emprunteur. Là, ce n’est plus de l’argent épargné, c’est de l’argent tout nouveau que l’emprunteur obtient. Tout nouveau parce que le banquier n’a pas sorti un sou de son tiroir ni diminué le compte d’aucun des clients de la banque.
C’est pourquoi nous disons que l’argent nouveau est facile à faire quand on a reçu, comme la banque, le droit de le faire.
C’est encore là un point que les créditistes ont fait connaître à la population: ce sont les banques qui font l’argent.
L’argent dont se sert le peuple est fait par les banques et non pas par le gouvernement, comme pensait généralement la population, ni par aucun organisme représentant le peuple.
Ce sont les banques qui mettent l’argent au monde par leurs prêts, et elles qui mettent l’argent dans le cercueil lors des remboursements, moins ce qu’elles en gardent pour se payer à titre d’intérêts. L’abondance ou la rareté de l’argent dépend donc de l’action des banques.
Il y a encore quelques arriérés ou quelques défenseurs intéressés du système pour nier que les banques créent les moyens de paiement, le crédit financier qui sert d’argent. Même la Banque Canadienne Nationale, dans un de ses bulletins mensuels, celui d’octobre 1962, écrivait:
«Quand une banque fait une avance sur titres, un prêt, elle ne met pas de l’argent frais en circulation; elle ne fait que monnayer temporairement des valeurs mobilières. Lorsqu’elle fait à un industriel, par exemple, un prêt de $100, 000 remboursable dans trois mois, elle lui ouvre un compte où cette somme est inscrite.»
Voilà ce que dit la Banque Canadienne Nationale.
Mais, monsieur le banquier, qu’est ce que monnayer une valeur mobilière si ce n’est pas faire de la monnaie, faire de l’argent sur cette valeur mobilière ? Quel autre personnage que le banquier peut faire cela dans le pays ?
Et cette somme de $100,000 inscrite au crédit de l’emprunteur, ce n’est pas un dépôt fait par l’emprunteur puisqu’il est venu demander de l’argent, non pas en déposer. Où la banque l’a-t-elle pris, ce compte de $100,000 ? L’emprunteur n’a pas apporté d’argent. Le banquier n’a pas sorti d’argent de son coffre pour l’emprunteur. Le banquier n’a pas ôté de l’argent d’aucun compte de ses déposants. Et voici quand même un compte créditeur nouveau de $100,000. D’où viennent ces $100,000 qui s’ajoutent à tout l’argent qui existait auparavant ?
Cet argent vient de naître et il est né dans la banque sous la plume du banquier.
Le bulletin de la Banque Canadienne Nationale continue d’ailleurs en disant:
«L’industriel tirera des chèques sur son compte, au fur et à mesure de ses besoins, pour acheter des matières premières et payer ses frais généraux, y compris les salaires de ses ouvriers et de ses employés, en attendant que ses produits soient vendus. À l’échéance, il remboursera la banque. Ce prêt, qui avait été consenti à des fins déterminées, sera donc anéanti. Après avoir rempli sa fonction normale d’instrument des échanges, cet argent disparaît, laissant les richesses dont il a permis la création.»
C’est ce que dit le bulletin de la Banque.
Voyez-vous ? Le banquier lui-même dit clairement, sans doute sans le vouloir, qu’il s’agit bien d’argent: «Cet argent disparaît ...», dit-il.
Évidemment, comme il le dit encore, c’est de l’argent temporaire sous forme de crédit financier, mais de l’argent quand même qui, tout le temps de sa durée, fait ce que ferait la monnaie d’or le plus pur. De l’argent temporaire né d’une entrée comptable sous la plume du banquier. Argent qui sera détruit par une opération comptable en sens inverse quand l’emprunteur remboursera.
Seul le banquier jouit de ce privilège: la création d’argent temporaire et en y mettant ses conditions pour la naissance et la durée.
La Banque ne crée certainement pas la base du crédit financier; elle ne crée pas la capacité de production qui sert de base au crédit financier et sans laquelle le crédit financier ne vaudrait rien. Mais elle crée le crédit financier, ce crédit financier qui a toutes les vertus de l’argent pour permettre de mobiliser la capacité de production et de créer ainsi de la richesse.
Ce n’est pas l’argent qui crée la richesse, mais c’est l’argent qui donne la permission de le faire.
Ce qu’il faut reprocher à ce système, ce n’est pas tant que le banquier soit l’homme autorisé à créer l’argent du pays, il faut bien que quelqu’un le fasse car l’argent ne se crée pas tout seul. Ce qui est mauvais c’est qu’on laisse au banquier le contrôle absolu du crédit financier; qu’on le laisse y mettre ses conditions pour l’émission et la durée. C’est que toute l’économie du pays soit ainsi dépendante des décisions des banquiers. Ce n’est pas tant non plus le profit du banquier que son pouvoir qui est funeste. Il y a là certainement un désordre à corriger. Et le Crédit Social le corrigerait.