Mes bien chers amis,
Je vais vous donner pendant ce quart d’heure quelques commentaires de la Direction de Vers Demain sur le vote du 18 juin dernier. Ce vote fédéral de 1962 est marqué par deux faits saillants :
Le premier, c’est la reculade considérable du parti conservateur : de 208 députés élus en 1958, il tombe à seulement 118 en 1962. La reculade est particulièrement remarquable dans la province de Québec où de 50 les députés conservateurs tombent à 14. De cette reculade du parti conservateur je ne dirai qu’un mot. : c’est la faute du parti conservateur lui-même. C’est la faute du gouvernement Diefenbaker. Il a été au pouvoir pendant quatre ans avec une majorité plus considérable que jamais dans l’histoire de la Confédération et malgré ça il n’a pas trouvé le moyen de prendre des décisions qui satisfassent le peuple; en particulier il s’est obstiné à laisser l’injustice remarquable des allocations familiales. Ces allocations familiales sont restées à un niveau qui, pratiquement, coupent la valeur de moitié par rapport au coût actuel de la vie.
C’est mépriser la voix des familles qui élèvent des enfants et pourtant cette voix s’est fait entendre par de multiples requêtes faites et répétées bien des fois.C’est donc la faute du parti conservateur si il a reculé. C’est une leçon pour lui et pour ceux qui voudraient le remplacer.
Le deuxième fait saillant de cette élection c’est le vote créditiste dans la province de Québec. Une surprise pour tous les politiciens, pour les journalistes, pour les habitués de Radio-Canada, pour les sérénités des tours d’ivoire qui ne pensaient pas qu’il y avait même un mouvement créditiste dans la province de Québec. Ils ont toujours refusé de reconnaître la montée du Crédit Social au Canada français. Et bien aujourd’hui les yeux les plus bandés sont forcés de se rendre à l’évidence; il y a des créditistes dans la province de Québec et en grand nombre. Et c’est là le résultat d’un quart de siècle, d’un gros quart de siècle de travail.
Il y a en effet 27 ans que le mouvement créditiste est né au Canada français. Ce fut d’abord par quelques insertions d’articles dans un bulletin de cercle d’études Le Moniteur. Puis ce fut le modeste mais effectif Cahiers du Crédit Social répandu dans la province par des bénévoles de 1936 à 1939. Puis ce fut le valeureux journal Vers Demain qui a paru régulièrement deux fois par mois depuis 23 années et qui continuera je vous l’assure.
Tout cela n’a pas été sans résultats; ce fut évidemment aussi et grâce à eux que le travail s’est fait, ce fut le zèle infatigable de ceux qui n’ont jamais arrêté, que ni les sarcasmes ni les persécutions n’ont même ralentit dans leurs efforts. Tout cela pouvait bien faire de la semence et non seulement de la semence mais c’était un sol entretenu, des mauvais herbes arrachées et c’était la surveillance, le soin du développement, de la croissance. On en voit les résultats aujourd’hui.
Les politiciens et commentateurs politiques ordinaires des journaux sont surtout abasourdis par le nombre de députés élus : 26 de la province de Québec; 26 sous le nom de Crédit Social, plus du tier de la députation québécoise à Ottawa. Ils n’en reviennent pas. Pour nous, ce qui retient notre attention, ce n’est point l’entrée de 26 hommes dans le Parlement; nous savons bien que ce n’est pas dans le Parlement que le peuple vit. Et ce n’est pas dans le Parlement non plus qu’on se dévoue pour le peuple. Ce qui retient nos considérations et ce qui motive notre joie c’est la grande voix du peuple éduqué par Vers Demain, la grande voix créditiste qui s’est manifestée bien haut dans la province de Québec. C’est la voix retentissante d’un peuple manifestée par le vote de plus de 500,000 – exactement 504,619 personnes- rien que dans la province de Québec, auxquelles il conviendrait d’ajouter nombre d’autres hommes et d’autres femmes de foi plus créditiste encore qui ont trouvé le moyen, qui ont préféré manifester leur foi créditiste par d’autres moyens.
C’est donc la foi au Crédit Social qui s’est manifestée, cette foi dans le Crédit Social, la croyance dans la doctrine de Douglas., quoi qu’en disent les journaux dans leurs commentaires. Mais passons. Réjouissons-nous de cette grande foi; de la foi exprimée par une si grande foule dans la province de Québec. C’est là le sens du vote, c’est là que nous voulons le voir. Je sais que les politiciens, les commentateurs des journaux ont voulu donner un autre sens, ou plutôt ils ont voulu donner un sens non créditiste, un sens étranger à cette manifestation.
Entre autres, par exemple, ils se sont plu à dire : ah! Ce n’est rien qu’une vague créditiste qui déferle sur la province de Québec. Rien qu’une vague créditiste ? Peut-il y avoir une vague créditiste de cette ampleur sans l’existence de nombreux créditistes dans la population de Québec ? S’il n’y avait pas d’eau dans l’océan, verrait-on s’y soulever des vagues ? S’il n’y avait qu’un mince filet d’eau,la vague serait-elle bien grosse ?
Allons donc.
D’autres ont dit : C’est la victoire de la télévision. La victoire de la télévision ? Allons donc, est-ce que la télévision a été l’apanage des créditistes ? C’est bien plutôt le contraire; depuis des années, en fait d’idéologie, c’est aux socialistes que Radio-Canada offre l’usage, la disposition de ses ondes à la radio et à la télévision. Ce sont eux qui sont les favoris de Radio-Canada. Pourquoi donc n’est-ce pas une vague socialiste qui vient déferler sur la province de Québec ?
D’autres disent : Ah! c’est le mécontentement général de la politique de Diefenbaker après le mécontentement pas encore oublié du parti libéral qui l’a précédé. Soit, mais pourquoi alors la vague, pourquoi le Crédit Social qui fait tourner les mécontents et non pas vers le socialisme ou vers les candidatures indépendantes ? Pourquoi ? Et pourquoi est-ce dans la province de Québec que cela est arrivé ? Est-ce qui a pas de mécontentement dans les autres provinces ? Et pourquoi dans d’autres provinces le mécontentement s’est-il exprimé en tournant par exemple dans l’Ontario du côté des Libéraux ? En tournant en Colombie anglaise du côté des socialistes ?
Pourquoi dans la province de Québec est-ce du côté des créditistes que les mécontents se sont tournés ?
On ne pourra pas nier : c’est parce qu’il y a dans le Québec une grosse population créditiste et encore une fois cette population créditiste est le fait de vingt-cinq années de travail par le mouvement créditiste, pas par le parti créditiste. Le parti créditiste n’est dans la province que depuis moins de quatre années. Ce n’est pas un quart de siècle ça. Ils n’auraient jamais pu prendre pied dans la province de Québec s’il n’y avait pas eu déjà un peuple gagné au Crédit Social.
Je dis cela parce qu’il y en a qui ne pensent qu’en termes de députés élus. Et peut-être aussi ceux qui ont été élus le 18 juin dernier, peut-être seraient-ils portés à s’en attribuer la gloire. Le premier mérite revient d’abord à la doctrine même de Douglas, à la doctrine même du Crédit Social, cette doctrine authentiquement présentée par n’importe quel parti, n’importe quel programme sérieusement présenté par n’importe quel parti qui accepte les limitations du système financier actuel.
Il faut le répéter : c’est le Crédit Social intrinsèquement qui est le plus grand facteur du succès créditiste dans la province de Québec où le Crédit Social a été présenté authentiquement au peuple.
Le deuxième mérite en revient à ceux qui ont propagé cette vérité; si la vérité était restée sur une étagère ou seulement dans les esprits de quelques-uns, il y aurait été élu ce que l’on appelle la vague créditiste du 18 juin dernier. Et ensuite le mérite en vient au peuple qui a accepté cette lumière, qui l’a reçue, qui l’a entretenue et qui l’a exprimée par la foi au Crédit Social du 18 juin dernier.
Les élus peuvent être les bénéficiaires de cela mais ça n’est pas à eux qu’en viennent les mérites.
Dans la province de Québec il y a une foule de créditistes bien renseignés. C’est, je le dis et je le crois et c’est prouvé, c’est la province la plus créditiste du Canada. On a voulu nous faire croire pendant bien des années que le Crédit Social, c’est que l’Alberta, c’est que la Colombie anglaise. Allons donc. Voyez donc les résultats du 18 juin. Dans l’Alberta, malgré un gouvernement créditiste présent là, avec une extrême grande majorité provincialement depuis 27 ans, malgré la sortie de Manning lui-même qui a fait 12 grands discours dans 12 assemblées au cours de la dernière semaine de cette campagne électorale, malgré cela, ils n’ont élu dans l’Alberta que deux députés créditistes sur dix-sept sièges et dans la Colombie rien que deux sur vingt-deux.
C’est le Québec qui est le plus créditiste de toutes les provinces et pas n’importe quel Crédit Social; dans la province de Québec, on a su présenter le Crédit Social authentique, Vers Demain y a tenu avant les élections, pendant les élections et il continuera. Pas un Crédit Social émasculé, pas un Crédit Social sans dividendes, pas un Crédit Social à être apprêté à la sauce des politiciens d’occasion, un Crédit Social authentique et la population de Québec n’acceptera jamais une autre chose en fait de Crédit Social que le vrai Crédit Social; elle ne veut pas l’étiquette elle veut le produit.
Quelqu’un qui nous présenterait l’étiquette sans le produit serait un créditiste malhonnête, un politicien malhonnête tout comme un marchand serait malhonnête en présentant une étiquette sur un produit faux. Que diriez-vous si vous alliez au magasin par exemple, qu’on vous présente un paquet qui est marqué — paquet de peanuts — disons, vous l’achetez, vous le payez et vous arrivez chez-vous c’est plein de crottes de lapin à la place. Allez-vous trouver le marchand honnête ou malhonnête ? Non, c’était marqué peanuts et c’est des crottes de lapin! Il y en a qui ont voulu nous présenter le Crédit Social comme ça dans les dernières élections même dans cette élection-ci. Si vous avez écoutez dans la province de Québec les instructions de Thompson, c’est ça qui leur a été présenté, le créditiste n’aurait pas cru à cette patente là.
Le Crédit Social authentique existe dans la province de Québec et il y a dans la province de Québec une foule de gens qui sont prêts à le maintenir. Même depuis les élections, un grand nombre de ceux qui ont voté Crédit Social nous ont dit, par écrit ou verbalement qu’il faut tenir bon, qu’il faut continuer à marquer ce qui est le vrai Crédit Social, à le demander aux élus de quel parti qu’ils soient et à insister à ne pas laisser berner. Nous voulons le résultat bien plus que des élus dans le Parlement.