Enquête — Classement — Une fiche par individu
La mode est lancée. La mode des plans pour dire aux autres quoi faire, quoi ne pas faire. La Russie a été pionnière dans cette voie. On tâche de l'imiter partout. Depuis que le gouvernement Lesage est au pouvoir à Québec, c'est le règne des commissions à plans. Et dans le reste du Canada aussi.
Dès l'âge de 6 ans, vous entrez dans les dossiers. L'école est obligatoire, jusqu'à l'âge de 15 ans, demain jusqu'à l'âge de 1.6 ans - et ce n'est sans doute pas la fin. L'obligatoire ne vous permet pas d'échapper aux dossiers. Vous êtes dans les filières de plus en plus minutieuses de commissions scolaires de plus en plus centralisées.
Quand vous sortez de l'école, dès que vous obtenez un emploi, vous entrez dans les dossiers de la "Caisse de retraite" qui vient d'être votée à Québec, qui va l'être à Ottawa pour le reste du pays. Et votre fiche sera tenue à jour par les bureaucrates, jusqu'à votre soixante-dixième anniversaire de naissance. Catalogué de 6 ans à 70 ans : écolier de l'Etat, puis cotisant de l'Etat, et, si vous vivez septuagénaire, pensionné de l'Etat.
N'allez pas croire que les cultivateurs, non embauchés et supposés maîtres chez eux, vont échapper aux fichiers. Que non. D'abord, s'ils font au moins $600 de revenu par année, les voilà dans les mailles de la "Caisse de retraite". Puis, qu'ils y soient ou non, il y a un autre fichier établi pour eux, sous l'empire de la loi Arda : Plan fédéral-provincial de l'Aménagement rural et du Développement agricole. Et le premier Aménagement, c'est l'aménagement des hommes. Et le premier Développement, c'est le développement de la bureaucratie. Bureaucratie qui permet à des petits vernis d'instruction, porteurs de quelque diplôme, de vivre de nos taxes en confessant les cultivateurs. Plus exactement, en faisant les cultivateurs s'examiner eux-mêmes et enregistrer le résultat de leur examen : confession écrite qui sera classée dans les filières des bureaucrates.
On appelle cela "enquête" : état civil, noms, prénoms, adresse, téléphone, occupation actuelle, occupations rêvées, goûts et ordre de leur préférence, etc. Très détaillé. Et n'oubliez rien : réponses obligatoires, vous font dire les "législateurs" des bureaux de la planification.
C'est commencé en plusieurs endroits et ça se poursuit. Cela peut agacer les agriculteurs, à bon droit, mais ça fait vivre des diplômés et des favoris qui n'ont peut-être jamais trait une vache ni levé une pelletée de terre.
Le quotidien de Granby, La Voix de l'Est, du 19 juin, donnait la nouvelle suivante, sous le titre "Tout résident de Brôme aurait, sa propre fiche" :
Cowansville — Tous les résidents du comté de Brôme posséderont bientôt une, fiche personnelle de leurs talents et aptitudes. En effet, l'Organisation d'aménagement rural du comté de Brôme a récemment composé un questionnaire qui- sera remis à toutes les personnes qui résident en permanence ou à temps partiel dans le comté (le Brôme, afin de connaître leurs goûts et (l'établir les ressources personnelles de chaque individu, pour pouvoir ensuite les utiliser au service de tout le comté.
La première phrase n'est pas exacte : ce n'est pas l'individu qui possédera sa fiche, c'est le commission du Plan qui la possédera.
La feuille (l'enquête énumère toute une série d'occupations, les unes agricoles, les autres pas, afin de savoir où les bureaucrates pourront mieux vous transplanter pour "le service du comté": agriculture, industrie, commerce, affaires municipales, forêt, récréation, tourisme, finances, etc. Vous indiquez vos préférences, par ordre. De même : vos talents spéciaux si vous pensez en avoir : musique, art, théâtre, composition, bricolage, traduction, dactylographie, etc.
Est-ce que cela ne vous rappelle pas l'Enregistrement national du temps de guerre en vue de la conscription militaire ? On n'est pas en guerre et l'on ne parle plus de conscription militaire. Mais de conscription civile, conscription du travail, conscription des aptitudes et des talents, "pour le service du comté". Pas pour le service de la personne. Les bureaucrates ne connaissent pas de personnes mais rien que des numérotés. Ils sont sans doute convaincus que c'est le comté qui a un estomac à nourrir, un corps à vêtir, un esprit à cultiver, une âme à sauver !
Dans les autres comtés, la même chose, en marche ou à venir. Pour le service du Plan, selon le jugement des parasites qui vivent du Plan.
Confessez-vous aux bureaucrates, cultivateurs, c'est votre tour !
Il y a quelques semaines, c'étaient les salariés qui devaient remplir leur fiche pour les dossiers. On se servait de l'employeur pour exiger des employés les réponses aux questions. En maints endroits, l'employeur menaçait de renvoi ceux qui refuseraient de remettre leur carte dûment remplie. C'était obligatoire, disaient-ils ? En vertu de quelle loi ? Aucune. Rien qu'en vertu de règlements conçus par les bureaucrates.
Tout cela, disait-on, afin de pouvoir changer le numéro d'assurance-chômage ou d'assistance-chômage. A quoi un créditiste de Sherbrooke, Ronald Gendron, répondait très pertinemment : "Changez mon numéro tant que vous voudrez. Vous n'avez pas besoin pour cela de mon nom, de ce questionnaire et de tout le chichi : an a bien changé le numéro de toutes les maisons de Sherbrooke sans demander la signature d'aucun occupant !"
Des tonnes de papier pour des formules ! Pour empiler inutilement et occuper des locaux sans aucun but, à moins que ce ne soit en vue de monter un Etat policier. Demandez donc à la Commission scolaire de Montréal à quoi servent les milliers de mille rapports qu'elle exige de ses instituteurs et institutrices chaque année, sur les centaines de mille élèves au cours de leurs 12 années scolaires. Que devient tout cela quand les élèves d'il y a vingt ans sont des Pères de famille d'aujourd'hui ? On a même vu des commissions scolaires faire de leurs maîtres et maîtresses des enquêteurs pour aller dans les familles, questionner sur l'état passés des parents.
Des milliers de dollars de timbres ! Des bureaux dispendieux ! Des bureaucrates à faire vivre ! Les taxes des ouvriers et des cultivateurs, harassés par ces enquêtes, pour payer tout ce gaspillage.
Dû temps perdu. Des irritations engendrées chez d'honnêtes citoyens. L'assujettissement développé dans la masse de ceux qui se soumettent à toutes ces enquêtes, craignant l'amende, ou la perte de leur emploi, ou la prison, en cas de refus. Exploitation développée d'hommes encore libres, par des férus de socialisme, de plannisine, d'enrégimentation, de centralisation à la Russe.
Nous avons fait deux guerres mondiales, soi-disant pour la défense de la liberté, contre des dictateurs, contre le totalitarisme. Or, nous en sommes sortis pour voir copier de plus en plus chez nous les méthodes des totalitaires.
Nos grands-pères n'auraient pas enduré pareille intervention dans leurs affaires personnelles.
Il est temps de se raidir et de mettre ces faiseurs de plan, et leurs chiens de chasse à la porte de nos maisons et de nos fermes.