Fernand Daoust, Louis Laberge, Marcel Pépin, René Lévesque, Mathias Rioux, etc.
Mes bien chers amis,
Moins d'un mois après l'assassinat de Pierre Laporte, des gens, oubliant un peu de leur panique, grâce à la présence de forces policières accrues et appuyées par l'armée, commençaient à rendre publiquement hommage aux objectifs du FLQ.
Les journaux du 12 novembre donnaient une large publicité à la déclaration de 17 prêtres et curés du comté fédéral de Matane qui se disaient d'accord avec le contenu du Manifeste des révolutionnaires felquistes, sans être d'accord avec leurs méthodes.
Et quelques jours après leur supérieur ecclésiastique, l'archevêque de Rimouski, déclarait appuyer sans réserve cette déclaration de ses curés. — Autrement dit, l'Archevêque, comme les curés, ne voulait pas de bombes, d'enlèvements de personnes, d'assassinats, mais acceptait la révolution si elle était faite par des moyens non-violents. Ils acceptaient le communisme, car ce que le FLQ veut c'est cela: la révolution, l'établissement au Québec d'un état marxiste communiste. Il le dit ouvertement depuis plus de cinq ans.
Que le communisme vienne par la violence ou autrement, le résultat est le même dans les deux cas.
Mais, disent ces bons pasteurs, les familles dans nos paroisses vivent dans des conditions intenables. La moitié d'entre elles n'ont d'autres revenus que les allocations du Bien-Être avec ses parcimonies et ses humiliations. C'est vrai, et le journal Vers Demain qui présente cette émission n'a cessé de condamner ces conditions et ces injustices sociales depuis son premier numéro il y a 31 années.
Mais il ne faut pas connaître ou mal connaître la cause de ces privations dans un pays qui a tout à offrir pour le niveau de vie convenable de toutes et chacune de ses familles et il faut ignorer ce que signifie l'implantation d'un régime communiste dans un pays pour chercher dans les objectifs du FLQ un remède à ces conditions.
Les curés de la Matapédia et leur Évêque ne sont pas les seuls ni les premiers à déclarer leur accord avec les manifestes du FLQ.
Dès le 14 octobre, donc avant même la mise en vigueur des mesures de guerre, l'exécutif du Conseil des Syndicats Nationaux disait dans un communiqué livré aux journaux:
« Le Comité exécutif du Conseil des Syndicats Nationaux de Montréal appuie sans équivoque les objectifs du manifeste du FLQ lu sur les ondes de Radio-Canada jeudi dernier le 8 octobre 1970 ».
Ce n'est pas trop surprenant de lire une telle déclaration quand elle vient de cette boîte syndicale.
C'est qu'il y a, en effet, au moins deux types de révolutionnaires: les révolutionnaires à violence et les révolutionnaires en veston. Les premiers font peur et quand ils veulent pousser trop vite, on prend des mesures contre eux, on leur oppose la police, au besoin l'armée. Mais les révolutionnaires en veston, tout en poursuivant le même but, prennent des moyens moins révoltants.
Ils laissent les révolutionnaires du banditisme faire la casse et s'exposer aux coups et à l'emprisonnement, pendant qu'eux-même tirent douillettement profit de la réaction même suscitée par les explosions de bombes, les enlèvements et les assassinats. Ils entrent même dans le concert des dénonciateurs de la violence et offrent leur propre médecine qui mènent au même but final.
A tout prendre, la méthode des révolutionnaires en veston, sans avoir l'air de rien précipiter, avance plus efficacement que celle des pressés de la violence. Dans nos pays occidentaux, il n'y a pas eu de grand coup d'État communiste depuis celui de Prague qui mit la Tchécoslovaquie sous la botte de Moscou en 1940. Mais le marxisme, le communisme a gagné des millions d'esprits chez nous et dans les autres pays dits libres bien plus efficacement qu'il ne l'aurait pu faire par la violence. Et s'il continue son envahissement des esprits, des journaux, des tribunes de la radio et de la télévision, des chaires d'universités, des centrales scolaires, des syndicats ouvriers, d'institutions de toutes sortes, même ecclésiastiques, c'est comme naturellement que nos pays occidentaux se feront graduellement, mais inexorablement, emmaillés dans un réseau communiste d'où l'on ne pourra plus se déprendre.
On se proclamera encore en démocratie, mais une démocratie de citoyens numérotés, catalogués, classés, embauchés, déposés, recyclés, standardisés, mesurés, cadencés, engrenés, et — pourquoi pas ? — doucement euthanasiés et incinérés à mesure qu'ils ne seront plus d'aucune utilité pour les technocrates du rendement national ou international.
Il n'y eu besoin ni de coup d'État ni de violence pour mettre, cette année même, le Chili entre les mains d' un gouvernement communiste. Le Président Allende est ouvertement athé, franc-maçon et communiste. Ce qui ne l'a pas empêché de se faire élire par le suffrage universel d'une population catholique préparée à cette fin. Préparée par une soi-disant démocratie chrétienne concessionnaire et avec l'appui des plus hautes autorités ecclésiastiques du Chili.
Le pape Pie XI a bien écrit dans une de ses grandes encycliques que le communisme est intrésiquement pervers et que nul catholique ne doit en aucune façon collaborer avec lui. - Le pape Pie XII défendit expressément aux catholiques de l'Italie de voter pour des candidats du parti communiste. Mais au Chili, le cardinal Silva Henriquez Archevêque de Santiago déclarait cette année que les catholiques du Chili avaient parfaitement le droit de voter pour un communiste à l'élection présidentielle de septembre dernier. Ils l'ont fait. Le clergé du Chili, en grande partie, est d'ailleurs passé du communisme rose au communisme rouge vermillon aux cœurs des dernières années. Et le lendemain de la ratification constitutionnelle de l'élection du communisme Allende, c'est le cardinal de Santiago qui fut le premier à lui présenter ses félicitations. Le cardinal poussa même la complaisance ou la joie intérieure, jusqu'à la célébration d'une messe solemnelle d'action de grâce avec chant du Te Deum dans la cathédrale de Santiago, cérémonie à laquelle Allende se fit complimenter pour avoir bien voulu y assister malgré qu'il se fiche éperdument de ce qu'elle pouvait bien signifier.
Il n'y a plus à s'étonner de rien depuis que l'on donne au culte de l'homme la priorité sur le culte de Dieu.
Le Chili est en Amérique du Sud, un pays en voie de développement. Mais, dans des pays mieux nantis comme les États-Unis et comme notre Canada, il ne manque pas non plus de ministres du culte, de diverses confessions chrétiennes, même de l'Église catholique, pour chercher dans des plate-formes socialistes, marxistes, communistes (c'est quasi tout-un), des formules pour remédier à des conditions sociales qui sont certainement condamnables. Mais qu'est-il besoin de socialisme, du communisme pour remédier à ces conditions?
Le Canada s'est établi et développé merveilleusement sans avoir besoin du communiste. Il a passé de la forêt vierge à la culture, à l'industrie, au commerce, à un des plus élevés des pays de production mondiale, sans avoir besoin d'une économie socialiste.
Les descendants des fondateurs, les Canadiens français, par exemple, issus des 60,000 Canadiens coupés de leur mère patrie, le France, après la défaite de 1760, se sont multipliés, ont élevés des familles de 8, 10, 12 enfants et plus, sans mourir de faim, dans des maisons confortables, sans avoir à travailler le dimanche ni la nuit, alors qu'ils n'avaient point le machines perfectionnées d'aujourd'hui pour aider le travail de leurs bras. Ils ont fait cela dans une économie d'entreprise libre et de propriété privée sans avoir besoin du gouvernement à tous les coins.
A qui fera-t-on croire qu'avec des moyens de production plus rapides et moins épuisants, ils aient besoin de communisme, de lois socialistes, d'une nuée de fonctionnaires, des pompes financières aspirantes et foulantes du gouvernement, pour faire vivre convenablement les familles généralement beaucoup moins chargées d'aujourd'hui? À qui peut-on vraiment démontrer que s'il y a des pauvres, c'est parce qu'il y a des riches ? C'est là un slogan socialiste qui tient pas debout dans un pays où les riches n'épuisent aucunement la production réalisée et encore moins la production qui attend pour surgir que les produits déjà offerts soient rendus chez ceux qui en ont besoin.
Si avides, si insatiables que soient les riches — jusqu'à en perdre le bon sens ici-bas ou même leur âme pour l'éternité — ils ne mangent tout de même pas tous les produits alimentaires du pays, ils n'en accaparent pas tous les vêtements dans leurs garde-robes, ils n'en épuisent pas tous les matériaux de construction. Il reste beaucoup de toutes ces choses et d'autres, pour fournir un niveau de vie très convenable à toutes et chacune des familles et des personnes du pays.
Bien, dira-t-on, mais comment les familles peuvent-elles en avoir de ces choses selon leurs besoins quand elles n'ont pas d'argent pour les payer ?
— Voilà. C'est un problème d'argent et non pas un problème de choses, de produits. Mais pourquoi accepter que ce soit un problème d'argent quand ce n'est pas l'argent qu'on mange ni de l'argent qu'on s'habille ni dans l'argent qu'on se loge. Pourquoi conditionner la production et la distribution des biens à l'argent au lieu de conditionner l'argent aux moyens de produire, de transporter et de livrer les biens répondant aux besoins?
Ce n'est pas le système capitaliste, système d'entreprises libres, de marchés libres et d'entreprises privées qui causent les crises de productions ou les défauts de distributions. C'est le système financier qu'il ne faut pas confondre avec le système capitaliste. Le système capitaliste souffre lui-même du système financier inadapté et perverti qu'il serait pourtant si facile de rectifier au lieu d'en rester esclaves et victimes.
Qu'on cesse donc de s'en prendre au capitalisme qui fait si bien les choses et qu'on s'en prenne au système financier qui pourrit tout, qui commence par détraquer les esprits, qui fait de l'argent la fin et le moyen de tout. Dans un monde d'abondance, au moins dans les pays civilisés et évolués, dans un monde aussi où l'argent n'a plus besoin de métal précieux à extraire de mines profondes où le billet de cent dollars ne demande pas plus de papier ni de travail d'impression qu'un billet d'un dollar, dans un monde où de simples opérations comptables transportent des crédits d'un pont à un autre entre personnes séparées par des plaines, des montagnes, des océans, il faut être désespérément timbré pour se morfondre devant l'incapacité d'ajuster le système monétaire aux exigences de la production pour tous et de la distribution à tous.
Nous continuerons ce sujet intéressant dans une prochaine émission.