Ce livre parle du Crédit Social, mais il est loin d’être une somme créditiste. Le Crédit Social, en effet, est toute une orientation de la civilisation et touche au social et au politique autant, sinon plus, qu’à l’économique.
"On oublie, on ne voit pas, on ne veut pas voir qu’il y a des gens mal logés, des gens mal nourris, des salaires insuffisants, qu’il y a des pays tout entiers qui souffrent de la faim. Ce n’est pas chrétien de penser, à plus forte raison de dire; c’est leur faute..."
Son Eminence le Cardinal Jules-Géraud Saliège
VENDREDI SAINT 10 avril 2009, Homélie de Son Éminence Cardinal Marc Ouellet, de Québec:
«Pour nous, le Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. » (Ph 2, 8)
La mort vient de frapper la population des Abruzzes en Italie, faisant près de 300 victimes, par un tremblement de terre imprévu dans la ville de l’Aquila. Quel rappel brutal de la fragilité de la condition humaine! Par ailleurs, les nouvelles quotidiennes nous rapportent des annonces de mort pour les causes les plus variées: guerres, attentats terroristes, bombes artisanales, tragédies familiales, tireurs fous, crimes passionnels, suicides, nommez-en car la liste est presque interminable et l’escalade dans l’horreur s’amplifie à mesure que les humains éliminent Dieu de leur horizon. La mort semble régner sur la terre, même si son pouvoir, fondé et nourri par le péché, a été détrôné et définitivement conquis par Jésus de Nazareth, l’Agneau de Dieu immolé qui enlève le péché du monde, victorieux de la mort.
Nous venons d’entendre la prophétie du Serviteur souffrant du livre d’Isaïe, qui remonte à plus de 2500 ans, et le récit de la Passion du Christ selon saint Jean, qui accomplit cette prophétie et inaugure l’ère chrétienne. La prophétie décrit le traitement infligé au prophète parce qu’il dérange les puissants de ce monde: Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. Et pourtant, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Or, c’est à cause de nos fautes qu’il a été transpercé, c’est par nos péchés qu’il a été broyé. Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.
La passion de Jésus selon saint Jean montre ce Serviteur souffrant en majesté, comme un roi, mais dont la royauté n’est pas de ce monde. Jésus n’a pas été victime d’un guet-apens ou d’une opération policière bien montée. Il s’est livré lui-même à la mort, il s’est livré lui-même entre les mains des pécheurs, par obéissance au Père qui avait décidé d’enfermer tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde.
La lettre aux Hébreux complète l’interprétation de la mort de Jésus en le désignant comme le Grand Prêtre par excellence, Celui qui, par l’offrande de son sacrifice unique, une fois pour toutes, a obtenu pour tous ceux qui lui obéissent le salut éternel: Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé. Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa passion; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel.
Frères et sœurs dans la foi, nous venons célébrer ensemble la passion et la mort de Jésus parce que nous croyons en lui et en sa mission de salut. Selon les Écritures, Il est le Messie Sauveur, le Roi des rois qui déclare: Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. La Vérité dont parle Jésus n’est pas une abstraction de philosophe, c’est sa propre Vérité, sa réalité de Fils éternel du Père, dont la mission est de réconcilier le monde avec Dieu, en révélant l’Amour du Père, tendre et miséricordieux, pour tous les pécheurs. Nous reconnaissons cette vérité par notre repentir et par l’accueil du pardon de Dieu. Tel est le sens du baiser à la croix que nous allons poser dans quelques instants. Ce témoignage public de notre foi s’ajoute normalement à la réception du sacrement de la réconciliation en ce temps propice de l’année liturgique.
Ce témoignage de foi ne va pas de soi de nos jours. Nous vivons désormais dans une ère post-chrétienne, où l’on veut confiner l’affirmation de la vérité du Christ au domaine privé. À mesure que la culture dominante s’éloigne de la foi, un autre esprit que celui du Christ impose sa loi dans les cultures sécularisées. Un esprit de profit sans contrôle, de performance et d’autonomie sans borne, un esprit d’égalité tous azimuts, qui multiplie les victimes, surtout parmi les pauvres et les êtres sans défense. Pensons aux sidéens en Afrique, si pauvrement secourus et respectés, aux femmes violées et condamnées au silence, aux affamés du Tiers-Monde qui voient les responsables de la crise économique et financière quitter la scène de leurs méfaits en étant grassement payés. Pensons aussi à nos propres trahisons et reniements, au gaspillage des ressources de la planète, à notre tolérance face à la pauvreté, à notre apathie pour défendre nos valeurs et la vérité de notre religion, à notre complicité pour laisser les pouvoirs publics restreindre la liberté religieuse à l’école ou médailler des promoteurs de sacrifices d’enfant dans le sein de leur mère.
Tous ces faits contrastent avec le Royaume de Dieu que Jésus est venu établir par Sa croix. Nous demandons pardon à Dieu pour tout cela, d’abord pour nos propres péchés, mais aussi pour les péchés de tous ceux et celles qui crucifient le Christ dans leur prochain sans savoir ce qu’ils font. Jésus a prié et souffert pour chacun de nous sur la croix. Il a aimé jusqu’au bout et jusqu’à l’extrême de l’amour. Il a donné au Père en notre nom à tous la réponse d’amour que Dieu attend pour nous sauver de l’enfer. Remercions Dieu d’accueillir le sacrifice de son Fils et d’être si miséricordieux à l’égard de toute l’humanité. Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.
«O admirable puissance de la croix! s’exclame Saint Léon le Grand, O gloire inexprimable de la Passion! En elle apparaît en pleine lumière le jugement du monde et la victoire du crucifié!». Même quand la puissance de la mort nous effraie et quand ses victimes nous affligent, tenons ferme l’affirmation de notre foi. Le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché. Appuyons-nous sur lui pour éviter le péché ou pour nous en relever par la force de sa grâce.
Chrétiennes et chrétiens d’aujourd’hui, comme Jésus, nous sommes choisis et envoyés dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Notre mission n’est pas facile dans un monde asservi à l’argent qui ne tolère plus que des vérités relatives, manipulables à volonté par les plus forts. Prétendre détenir une vérité absolue devient insupportable et passible d’exclusion. La Vérité de Jésus, Fils de Dieu et Sauveur du monde, n’a plus sa place dans l’espace public. Si nous en témoignons ouvertement, soyons prêts à payer le prix de notre impertinence en souffrant la dérision, l’ostracisme et la persécution. Même les enfants à l’école font cette triste expérience. Le pape Benoît XVI est actuellement la cible principale de cette intolérance, lui qui se présente, selon sa devise épiscopale, comme un humble coopérateur de la Vérité. Prions pour lui chers frères et sœurs dans la foi qui nous unit, prions les uns pour les autres afin que notre vie soit cohérente comme la sienne et ne renie pas la Croix du Christ.
En recevant aujourd’hui la sainte communion au Christ crucifié, redisons-lui notre gratitude pour le pardon de nos fautes et engageons-nous à le suivre sur le chemin de la Croix. C’est un chemin d’humiliation aux yeux du monde mais une marche triomphale de l’Amour aux yeux de Dieu. Amen!
(pour autres homélies et textes du Cardinal Ouellet, voir le site officiel de l'archidiocèse de Québec)