Ce livre parle du Crédit Social, mais il est loin d’être une somme créditiste. Le Crédit Social, en effet, est toute une orientation de la civilisation et touche au social et au politique autant, sinon plus, qu’à l’économique.
"On oublie, on ne voit pas, on ne veut pas voir qu’il y a des gens mal logés, des gens mal nourris, des salaires insuffisants, qu’il y a des pays tout entiers qui souffrent de la faim. Ce n’est pas chrétien de penser, à plus forte raison de dire; c’est leur faute..."
Son Eminence le Cardinal Jules-Géraud Saliège
Deux jours après son homélie du 20 septembre où il dénonçait l’idolâtrie de l’argent, le Pape François reprenait le même thème lors d’un discours aux travailleurs de Cagliari, capitale de la Sardaigne, île faisant partie du territoire italien, et durement frappée par le chômage. Ovationné par une foule émue jus-qu’aux larmes, le pape François a appelé à la solidarité et à plus de fraternité se livrant à une critique sévère du système économique mondial, un système idolâtre, injuste, immoral qui a érigé l’argent en maître et qui pénalise les couches les plus faibles de la société.
Notre-Dame de Bonaria |
Un lien spécial unit la ville de Cagliari au Pape François qui, jusqu’à tout récemment, était archevêque de Buenos Aires en Argentine. La patronne de Cagliari est appelée Notre-Dame de Bonaria ou, en français, «du Bon Air». Ce sont des marins de Sardaigne qui furent les premiers à arriver en Argentine, et ils donnèrent donc à la capitale le nom de «Ville de la Très Sainte Trinité et Port de Notre Dame de Bonaria». Mais c’est si long que seuls les derniers mots sont restés: Bonaria ou, en espagnol, Buenos Aires.
Le Saint-Père avait préparé un texte pour cette rencontre avec les travailleurs de Cagliari, mais en regardant la foule, a-t-il expliqué – il a préféré parler du fond du cœur. Voici des extraits de ce discours:
Là où il n’y a pas de travail, manque la dignité. Et ceci n’est pas un problème de la Sardaigne seulement – même s’il est fort ici – ce n’est pas un problème de l’Italie ou de certains pays d’Europe, c’est le résultat du choix mondial, d’un système économique qui conduit à cette tragédie: un système économique qui a au centre une idole qui s’appelle l’argent. Et Dieu a voulu qu’au centre du monde il n’y ait pas une idole, mais l’homme, l’homme et la femme, qui fassent avancer le monde par leur travail.
Mais maintenant, au centre de ce système sans éthique, il y a une idole, et le monde est devenu idolâtre de ce dieu argent, c’est l’argent qui commande, et toutes les choses qui servent à cette idole.
Et qu’est-ce qui se passe? Pour défendre cette idole, tous se rassemblent au centre et les extrémités tombent: les personnes âgées tombent parce qu’il n’y a pas de place pour eux dans ce monde. Certains par- lent de cette habitude d’euthanasie cachée, qui est de ne pas s’en soucier, de ne pas les prendre en compte, de les laisser tomber. Et les jeunes qui ne trouvent pas de travail ni de dignité tombent.
Mais pensez-y: dans un monde dans lequel les jeunes, des générations (deux) de jeunes, ne trouvent pas de travail, n’a pas d’avenir. Pourquoi? Parce qu’ils n’ont pas de dignité. C’est difficile d’avoir une dignité sans travail. Voilà votre souffrance, ici. Voilà la prière que vous avez criée: travail! Travail! Travail! C’est une prière! Une prière nécessaire. Le travail veut dire dignité, veut dire rapporter du pain à la maison, le travail veut dire aimer.
Et pour défendre ce système économique idolâtre, on instaure la culture du rebut, on rejette les jeunes et on rejette les anciens. Et nous devons dire non à cette culture du rebut, nous devons dire que nous voulons un système juste qui nous fasse aller de l’avant. Nous devons dire que nous ne voulons pas de ce système économique globalisé qui nous fait tant de mal. Au centre il doit y avoir l’homme et la femme, comme Dieu le veut, et non pas l’argent.
(...) Mais soyons malins, parce que le Seigneur nous dit que les idoles sont plus malines que nous. Le Seigneur nous invite à avoir l’astuce du serpent en même temps que la bonté de la colombe. Ayons cette astuce. Et appelons les choses par leur nom. En ce moment, au centre de notre système économique, de notre système globalisé qu’on nous propose pour notre vie, au centre il y a une idole. Et cela ne peut pas se faire. On ne peut pas le faire. Luttons tous ensemble pour qu’au centre au moins de notre vie il y ait l’homme et la femme, la famille, nous tous, afin que l’espérance puisse aller de l’avant que qu’on ne se laisse pas voler l’espérance.