Ce livre parle du Crédit Social, mais il est loin d’être une somme créditiste. Le Crédit Social, en effet, est toute une orientation de la civilisation et touche au social et au politique autant, sinon plus, qu’à l’économique.
"On oublie, on ne voit pas, on ne veut pas voir qu’il y a des gens mal logés, des gens mal nourris, des salaires insuffisants, qu’il y a des pays tout entiers qui souffrent de la faim. Ce n’est pas chrétien de penser, à plus forte raison de dire; c’est leur faute..."
Son Eminence le Cardinal Jules-Géraud Saliège
Depuis le début de 2024, lors de ses audiences générales du mercredi, le pape François aborde le thème des vices et des vertus, nous rappelant que la vie est un combat spirituel, et que nous devons continuellement fuir les tentations et les vices, ou péchés capitaux, en les combattant par de bonnes pensées — les vertus qui leur sont contraires. Après avoir abordé les mercredis précédents la gourmandise et la luxure, le Saint-Père a traité, le 31 janvier, de la colère, précisant qu'elle est toujours mauvaise, sauf dans un cas : s'indigner pour les injustices, tout comme Jésus, doux et humble de cœur, a fait une « sainte » colère en chassant les changeurs d'argent du Temple, en leur disant : « Vous avez fait de la maison de mon Père une caverne de voleurs » (Mt 21, 12-13).
Le pape François ajoute même que ce genre de colère, cette indignation, est même souhaitable et nécessaire, car « si une personne ne se met jamais en colère, si elle n'est pas indignée par une injustice… cela signifierait que cette personne n'est pas humaine, et encore moins chrétienne. » On peut dire par exemple que M. Louis Even était habité de cette sainte indignation devant l'injustice, de ce zèle pour les intérêts de Dieu, et qu'en cela il est un modèle pour nous tous. Et on peut ajouter que le contraire de cette sainte indignation, c'est l'indifférence, ne pas se soucier du sort de notre prochain. Voici les paroles du Saint-Père lors de cette audience du 31 janvier 2024 :
Chers frères et sœurs, bonjour ! Ces dernières semaines, nous avons abordé le sujet des vices et des vertus, et aujourd'hui, nous nous arrêtons pour réfléchir sur le vice de la colère. Il s'agit d'un vice particulièrement sombre, et peut-être le plus facile à détecter d'un point de vue physique. La personne dominée par la colère peut difficilement la dissimuler : on le reconnaît aux mouvements de son corps, à son agressivité, à sa respiration laborieuse, à son regard obscur et renfrogné.
Dans sa manifestation la plus aiguë, la colère est un vice qui ne laisse aucun répit. Si elle naît d'une injustice subie (ou ressentie comme telle), elle ne se déchaîne souvent pas contre le coupable, mais contre le premier malchanceux. Il y a des hommes qui retiennent leur colère au travail, se montrant calmes et compatissants, mais qui, une fois à la maison, deviennent insupportables pour la femme et les enfants. La colère est un vice omniprésent : elle est capable de nous priver de sommeil et de nous faire constamment comploter dans notre esprit, incapables de trouver une barrière pour raisonner et penser.
La colère est un vice destructeur des relations humaines. Il exprime l'incapacité à accepter la diversité de l'autre, surtout lorsque ses choix de vie divergent des nôtres. Elle ne s'arrête pas au mauvais comportement d'une personne, mais jette tout dans la marmite : c'est l'autre, l'autre tel qu'il est, l'autre en tant que tel qui provoque la colère et le ressentiment. On se met à détester le ton de sa voix, les gestes banals de la vie quotidienne, ses façons de raisonner et de sentir.
Lorsque la relation atteint ce niveau de dégénérescence, la lucidité est désormais perdue. La colère fait perdre la lucidité. Car l'une des caractéristiques de la colère est parfois qu'elle ne s'apaise pas avec le temps. Dans ce cas, même la distance et le silence, au lieu d'apaiser le poids de l'incompréhension, l'amplifient. C'est pour cette raison que l'apôtre Paul — comme nous l'avons entendu — recommande à ses chrétiens d'aborder immédiatement le problème et de tenter une réconciliation : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4,26). Il est important que tout soit résolu immédiatement, avant que le soleil ne se couche. Si un malentendu survient pendant la journée et que deux personnes ne se comprennent plus, se sentant soudain éloignées l'une de l'autre, la nuit ne doit pas être livrée au diable. Le vice nous maintiendrait éveillés dans l'obscurité, ruminant nos raisons et nos erreurs inexplicables qui ne sont jamais les nôtres et toujours celles de l'autre. C'est ainsi : lorsqu'une personne est dominée par la colère, elle dit toujours que le problème vient de l'autre ; elle n'est jamais capable de reconnaître ses propres fautes, ses propres déficiences.
Dans le « Notre Père », Jésus nous fait prier pour nos relations humaines qui sont un terrain miné : un plan qui ne s'équilibre jamais parfaitement. Dans la vie, nous avons affaire à des débiteurs qui nous sont redevables, tout comme nous n'avons certainement pas toujours aimé tout le monde à sa juste mesure. À certains, nous n'avons pas rendu l'amour qui leur était dû. Nous sommes tous des pécheurs, tous, et tous nous avons des comptes dans le rouge : il ne faut pas l'oublier ! Pour cela, tous nous devons apprendre à pardonner pour être pardonnés. Les hommes ne restent pas ensemble s'ils ne pratiquent pas aussi l'art du pardon, pour autant que cela soit humainement possible. Ce qui peut contrer la colère, c'est la bienveillance, l'ouverture du cœur, la douceur, la patience.
Mais à propos de la colère, il faut dire une dernière chose. C'est un vice terrible, a-t-on dit, il est à l'origine des guerres et des violences. Le poème de l'Iliade décrit « la colère d'Achille », qui sera la cause d'un « deuil infini ». Mais tout ce qui naît de la colère n'est pas mauvais. Les anciens savaient bien qu'il y a en nous une part d'irascibilité qui ne peut et ne doit pas être niée. Les passions sont, dans une certaine mesure, inconscientes : elles se produisent, ce sont des expériences de la vie. Nous ne sommes pas responsables de l'apparition de la colère, mais toujours de son développement. Et parfois, il est bon que la colère soit évacuée de la bonne manière. Si une personne ne se met jamais en colère, si elle n'est pas indignée par une injustice, si elle ne ressent pas un frémissement dans ses tripes face à l'oppression d'une personne faible, cela signifierait que cette personne n'est pas humaine, et encore moins chrétienne.
La sainte indignation existe, qui n'est pas la colère mais un mouvement intérieur, une sainte indignation. Jésus l'a connue plusieurs fois dans sa vie (cf. Mc 3,5) : il n'a jamais répondu au mal par le mal, mais dans son âme il a ressenti ce sentiment et, dans le cas des marchands du Temple, il a accompli une action forte et prophétique, dictée non par la colère, mais par le zèle pour la maison du Seigneur (cf. Mt 21,12-13). Nous devons bien distinguer : une chose est le zèle, la sainte indignation, une autre est la colère qui est mauvaise.
Il nous appartient, avec l'aide de l'Esprit-Saint, de trouver la juste mesure des passions, de bien les éduquer pour qu'elles s'orientent vers le bien et non vers le mal. Merci.
Pape François