Il s'agit de la perquisition faite par la Gendarmerie Royale, le 6 septembre, au local de Vers Demain.
Neuf heures du soir. Irruption, sans avertissement préalable, de cinq personnages bien en chair, près à broyer toute résistance sous la force de leur poignet. Comme s'il se fût agi de surprendre une troupe embusquée. Quelle surprise pour eux de ne trouver pour tout occupant de la maison, ce soir-là, qu'une femme fatiguée de son travail de la journée !
Ils fouillent partout en quête de documents compromettants, jusque dans les chambres privées, jusque sous les matelas.
Sans souci du classement dans la bibliothèque de mademoiselle Gilberte Côté, les livres sont sortis et les titres fébrilement examinés. Nos gardiens de l'ordre, flairant de la littérature communiste, sont visiblement vexés de trouver plutôt des ouvrages de Jacques Maritain, la Somme Théologique de saint Thomas d'Aquin, quelques vies de saints, quelques chapelets, et des livres d'économique et de sociologie.
Au bureau, grande joie pour eux de mettre la main sur une gravure de timbres communistes — celle que reproduisait le dernier numéro de Vers Demain. Ils la saisissent triomphalement, ainsi qu'un portrait de monsieur Louis Even (à défaut de sa personne alors en Abitibi), et un duplicata de l'original envoyé aux Honorables Mackenzie King et Lapointe, reproduits dans notre numéro du premier septembre. Ils eussent souhaité grossir ce maigre butin des dactylographes et de l'adressographe qu'ils soupçonnaient sans doute d'être une batterie à circulaires communistes. Jusqu'aux blancs de reçus d'abonnements qui leur faisaient mine de billets de loterie !
De cette démonstration de force policière, exécutée sur mandat signé par le juge Monette, qu'est-il résulté ? Un désappointement à faire rire chez les perquisiteurs ; une nuit sans sommeil pour une fille et sa mère ; l'évasion de cinq dollars, passés à un avocat pour se ménager une réception polie au bureau de la Gendarmerie de monsieur Ernest Lapointe.
