Au dernier congrès du parti communiste canadien, le camarade Bill Rigby présentait une étude que nous jugeons un chef-d'œuvre dans son genre. Il atteignait parfaitement le triple objectif énoncé au début de son discours :
"Le but de ce mémorandum est de reviser les progrès réalisés par notre parti dans le champ des activités publicitaires et éducationnelles, de relever les principales faiblesses et de soumettre des propositions pour améliorer tous les aspects de nos activités futures."
L'un des principaux devoirs qui confrontent le parti communiste, dit-il, c'est de présenter le cas et la ligne de conduite des communistes dans tous les milieux canadiens, d'une façon à la fois effective et convaincante. Il ne s'agit plus de penser à atteindre des centaines ou des milliers de gens :
"Pour devenir une force politique décisive, capable d'influencer le cours des événements, nous devons atteindre des millions d'ouvriers, de culivateurs et de gens de la classe moyenne... Il nous faut constamment entamer des terrains nouveaux, attirer de nouvelles sections de la population jusqu'ici soustraites à notre influence, fournir des orateurs et de la littérature à des groupes et à des organisations où nous ne possédons pas encore de liaisons."
Bill Rigby passe successivement en revue les divers modes de propagande : la radio, les feuillets, les assemblées, les écoles, le journal. Sans nous astreindre à l'analyse systématique de son exposé, nous allons signaler quelques points frappants.
L'orateur remarque que, malgré le rappel de l'article 98, les communistes n'ont pas eu libre accès à la radio dans toutes les parties du Canada. On leur a "nié leurs droits", entre autres, à Sudbury et dans la province de Québec au cours des élections provinciales de 1936. Il presse chaque section d'insister pour l'usage local de la radio. "Plus nombreux seront les postes accordés, plus il deviendra difficile de nous refuser les autres."
Rigby souligne les émissions hebdomadaires régulières et les séries d'émissions obtenues dans les provinces de l'ouest et dans le sud de l'Ontario.
Il fait des remarques très justes sur la manière d'obtenir le succès maximum de la propagande à la radio en soignant à la fois l'émission et l'audience. Pour l'émission : périodicité régulière, jours et heures fixes ; orateur entraîné, plutôt que diversité admettant l'incompétence ; annonce préalable étendue. Du côté de l'audience, organiser aux écoutes, autour des membres du parti, des réunions d'amis, des clubs, des sympathisants, des groupes ouvriers, etc. On y passera le chapeau pour défrayer les coûts de la radiodiffusion.
L'heure devra être choisie de façon à atteindre le plus de monde possible. Vu que la classe des cultivateurs n'a pas encore été beaucoup touchée par les communistes, on fera bien, dit-il, de sélectionner des postes spéciaux et des heures appropriées aux cultivateurs.
Nous ne nous étendrons pas sur les remarques de Bill Rigby dans cette partie de son discours, puisque nous avons expliqué en détail, dans notre dernier numéro, l'organisation établie ou en voie d'établissement par le parti communiste dans le domaine de la littérature.
Rigby juge que les principales faiblesses de ce département sont : une circulation trop limitée qui oblige à des éditions à petit tirage, augmentant les prix de revient. Conséquemment, des prix trop élevés pour la masse. Au-dessus de 5 sous commencent les hésitations. Or, dit-il, sur 13 éditions de brochures par le central, en trois ans, trois éditions seulement furent écoulées à 5 sous l'exemplaire ; huit autres exigeaient 10 sous ; une, quinze sous ; une autre, 25 sous. Il blâme aussi les dettes et l'organisation incomplète en plusieurs districts.
Il donne des suggestions pour la vente, encourage l'étalage, ainsi que la fondation de librairies de sections et de branches. Il insiste sur la diffusion du Communist International même parmi les non-membres.
En 1937, le parti comptait cinq librairies au Canada : à Montréal, Toronto, Vancouver, Winnipeg et Hamilton.
De juillet 1934 à octobre 1937, treize éditions de brochures, sous onze titres différents, émanant de l'organisation centrale, ont atteint un tirage global de 142,500 exemplaires. Ce nombre ne comprend pas des tracts de composition locale.
Bill Rigby s'étend au long sur l'importance d'écoles de différentes sortes pour donner une éducation communiste en rapport avec l'avancement des étudiants.
Il y a l'école nationale, les écoles de district, des cours spéciaux de jour, des cours de soir, des classes pour les membres, des collèges ouvriers ouverts aux non-membres comme aux membres.
L'important, c'est que, de toutes ces écoles, sortent des partisans plus ardents et plus compétents pour l'action.
Parmi les écoles déjà établies, dont les succès justifient la fondation et suggèrent non seulement la continuation, mais le développement, Bill Rigby mentionne :
L'École Nationale d'entraînement de six mois, tenue à Toronto à l'été de 1936, avec des élèves venus des districts 1, 3, 4, 5, 6, 7, mais surtout du district 3 (Ontario Sud) ;
Une série d'écoles de districts dirigées par le camarade W. Sydney, en Alberta, en Saskatchewan et à Port-Arthur, durant l'été de 1936, chacune durant un mois ;
Des écoles de district de six semaines conduites par Bill Rigby lui-même en Alberta et en Saskatchewan, au commencement de 1937, (la Colombie-Britannique projetait la même chose à cette époque, mais des difficultés financières ont entravé l'exécution) ;
Des écoles de section, de courte durée, tenue en 1937 en Alberta, particulièrement au Crow Nest Pass, pour donner aux étudiants une bonne idée des problèmes politiques fédéraux et provinciaux (au point de vue communiste), ainsi que des notions pratiques sur l'organisation du parti et la poursuite d'activités communistes ;
Différentes séries de classes organisées au Manitoba et en Colombie-Britannique, avec mention spéciale des classes pour les femmes conduites à Vancouver et en d'autres endroits de la province ;
Le Collège Ouvrier, premier du genre, aussi appelé High-School des Ouvriers, ouvert aux non-membres comme aux membres, inauguré dans le district Ontario-Sud, durant l'hiver 1934-35 ; l'analyse regrette que ce cours n'ait pas été repris l'hiver suivant ; mais, durant la saison 1936-37, il y eut une série de classes dominicales (dimanche après-midi), sous le nom de Collège Ouvrier de Toronto.
Pour ce qui concerne la province de Québec, nous citons le rapport (page 166) :
"Québec a pleinement compris l'importance de l'éducation et a fait un travail splendide en organisant des écoles du parti et des classes de formes variées pour former des partisans de langue française. Parmi ces établissements, signalons une école de trois semaines, plein-temps, et aussi un précieux moyen nouveau d'éducation, des écoles de quatre jours, dites "week-end", organisées à Québec et à Sherbrooke.
"Le Comité Provincial du Québec terminait aussi récemment une école du parti de six semaines, avec une liste d'étudiants spécialement sélectionnés, les cours étant donnés quatre soirs par semaine, pour permettre aux camarades employés dans les ateliers de les suivre. Nous recommandons l'adoption de ces cours du soir dans les autres districts. Les camarades qui suivent ces cours sont évidemment dispensés des autres activités pendant la période de leur durée."
Une des difficultés que relève Bill Rigby, c'est l'insuffisance du personnel enseignant. Il suggère de dégager certains camarades compétents de toute autre occupation et même d'établir une école nationale ou des écoles provinciales pour la formation de professeurs qui s'occuperont d'éducation communiste à l'année.
Le journal Daily Clarion représentait, selon Bill Rigby, le plus bel accomplissement du parti communiste au cours des dernières années. Comme l'indique l'adjectif inclus dans le titre, le journal était devenu quotidien.
La fondation d'autres journaux, de district ou de région, devait être étudiée en rapport avec le Daily Clarion, de façon à ne pas faire double emploi, et à compléter plutôt qu'à concurrencer.
Le camarade admet donc l'opportunité d'hebdomadaires, organes plutôt de commentaires que de nouvelles. À une distance considérable de Toronto, le Daily Clarion présente moins d'intérêt ; d'où l'expansion prise par l'édition hebdomadaire, le Clarion Weekly dans les Maritimes et dans les provinces de l'Ouest.
En Colombie-Britannique, les communistes avaient le B. C. Workers News, publié chaque semaine. La Province de Québec avait son hebdomadaire français, Clarté.
L'orateur signale aussi l'existence utile de quelques organes d'ateliers comme The Observer, publication de 10 pages, au miméographe, éditée par les "camarades" du Pas (Manitoba) et consacrée surtout à la discussion de problèmes locaux. L'exemple est à suivre, dit-il, parce que c'est un excellent moyen d'infiltrer la doctrine communiste parmi les masses ouvrières.
Les communistes ont aussi eu, pendant l'année préparatoire à leur dernier congrès, un organe interne mensuel, Discussion, pour les membres du parti seulement, véhicule de sujets se rapportant à l'organisation, aux problèmes du recrutement, avec rubriques de questions et réponses, bibliographie, revue du mois, etc. Rigby en recommande la continuation. À 5 sous l'exemplaire, les membres du parti peuvent le faire vivre.
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On voit que les communistes ne sont ni des enfants candides ni des rustres ignorants. Ils ont pris la méthode efficace, la seule qui donne des résultats durables, celle que les partis politiques, tablant sur l'ignorance, n'ont jamais adoptée, la méthode que l'Église elle-même a reçue de son Maître : l'instruction. Le dernier message laissé aux apôtres ne fut-il pas : Instruisez et baptisez. Instruisez avant de baptiser. Rien ne tient sans l'instruction.
Les lecteurs de Vers Demain savent si nous insistons sur l'instruction pour précéder toute action dans le domaine public. Sera-t-il dit que, dans l'organisation d'un ordre social temporel, seuls les communistes aient compris l'importance de l'instruction ?
Aujourd'hui que rouges et bleus se meurent sur leur fumier, la place sera à ceux qui grouperont une élite assez forte en nombre comme en qualité pour éclairer et entraîner la multitude. Que l'exemple des communistes nous stimule : nous ne voulons pas leur céder le terrain.