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La nation se tait... et paie

le dimanche, 01 septembre 1940. Dans Divers

Parlements vides et silencieux. Le Hansard ne paraît plus. Les colonnes de nos journaux ne portent plus les échos des discours homériques de ceux que nous payons pour pratiquer l'éloquence. Sans les bombardiers qui crachent la mort "de l'autre bord", à quelles sources banales ne seraient pas réduites nos épaisses feuilles quotidiennes ?

Mais si le Canada a perdu momentanément sa langue, il a conservé son cœur intact, et c'est amoureusement que, jour après jour, contribuables et consommateurs canadiens versent leur part grossissante de deniers dans les caisses d'un fisc toujours en appétit.

Nos députés ne sont pas partis en vacances sans avoir bien terminé leur "job". Ce n'est pas pour rien qu'ils touchent leurs 2800 à Québec, leurs 4000 à Ottawa. Dans l'une et l'autre place, ils n'ont garde d'oublier le public. Même s'ils ne commencent leur semaine que le mardi, leur journée qu'à trois heures de l'après-midi, ils y vont avec une ardeur croissante, et lorsque sonne la dernière heure de la dernière séance, vous pouvez être sûr que votre titre de citoyen vous a valu de nouvelles ascensions vers les sommets du mont des sacrifices.

Chaque fois que le consommateur de la province de Québec ajoute au prix d'achat de son marché un petit deux pour cent libellé taxe provinciale, il peut se livrer à des sentiments d'action de grâce d'autant plus véhéments que ce petit cadeau porte en soi les germes d'une vie perpétuelle, car

«  dans cet antre,

Je vois fort bien comme l'on entre,

Et ne vois pas comme on en sort.  »

Et le citadin de Montréal ou de Québec peut s'enorgueillir des honneurs d'une métropole ou d'une capitale, qu'on lui rappelle à tous les comptoirs par un autre surcroît de deux pour cent.

Dites donc après cela que nos députés ne servent à rien, que nos démocraties ne savent pas faire les choses. Mais les choses vont délicieusement. Vous n'êtes pas plus ignorés que dans les pays totalitaires et vous avez, en plus, l'avantage de payer ceux qui vous font payer, ceux qui se cassent la tête à chercher tout ce qu'il y a de taxable dans le pays, l'allumette que vous sortez avec votre cigarette tout comme le tabac dont cette dernière est faite, la chemise que vous portez sur le dos tout comme l'eau dont vous lavez votre auto.

Il y a bien quelques maussades. Des ouvriers qui voient monter le coût de la vie sans augmentation de salaire et se plaignent, comme toujours depuis leur naissance. Des agriculteurs pour qui les taxes se sont multipliées cinq fois alors que leurs produits se donnent ou pourrissent, et qui se permettent la profanité d'en faire des remarques. Des colons qui oublient qu'ayant le privilège de vivre dans le bois, bien séparé de la civilisation par des chemins à peine praticables, ils doivent sans morigéner payer généreusement leur part en attendant la récompense des hypothèques sans fin.

Ces mauvais sujets ne savent pas apprécier un régime où les séances au gramophone atténuent la cruelle monotonie de la caisse enregistreuse.

Louis EVEN

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