Entendu au banquet annuel de l'Association des Voyageurs de Commerce du Dominion, à l'hôtel Windsor le 16 décembre, rapporté dans The Gazette du 18 décembre. Du docteur Manion, chef de l'opposition:
Lorsque cette guerre sera finie, une foule de gens en Angleterre, en France, dans les pays scandinaves, tourneront les yeux vers notre pays, des hommes avec de l'argent à placer, de l'argent à épargner, qui viendront dans ce pays, le nôtre, si plein de richesses, mais de population si parsemée.
Nous avons donc réellement des richesses abondantes! Nous avons aussi trop d'une certaine population, la nôtre, mûre pour les secours directs; mais pas assez de cette population qui nous viendra avec de l'argent. Est-ce donc l'argent qui nous manque? Qu'en pense Beaudry-Léman?
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Le même soir, à la même table. De l'Hon. P. J. A. Cardin, ministre fédéral des Travaux Publics:
On a un peu critiqué nos dépenses de guerre. Je déclare que des millions de dollars ne sont rien comparés à la liberté dont nous jouissons au Canada. Nous ne devrions pas craindre de dépenser de l'argent, avec jugement et suivant les aspirations de nos coeurs pour faire de cette terre canadienne l'une des plus belles au monde.
On ne chantait pas comme cela ces dernières années. La jeunesse canadienne, avec sa liberté de crever de faim depuis dix ans, aurait bien dû entendre cette note-là de M. Cardin plus tôt, et surtout voir la danse de millions dépensés sans crainte, conformément aux aspirations...
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Le même soir, à la même table. De l'Hon. J. Arthur Mathewson, trésorier provincial du Québec.
Les chiffres indiquent une situation sérieuse, mais je vous assure, pas désespérée et dont la solution n'est pas au-delà des bornes de la sagesse humaine. Avec du courage et l'appui de nos amis les banquiers, nous nous tirerons d'affaire. Le crédit de la province a été restauré et se trouve aussi bon que jamais dans le passé. J'apporte pour 1940 un message d'espoir, mais nous ne pouvons nous attendre à passer l'année sans sacrifices.
Qu'est-il donc advenu depuis octobre pour que le crédit de la province, de ruiné qu'il était, soit devenu aussi bon que jamais? Est-ce parce que des travaux ont été suspendus, des fonctionnaires mis à pied et leurs familles dans la pénitence? Sont-ce ces sacrifices-là qui ont gagné l'amitié des banques? Pourquoi parle-t-on de sacrifices, d'économies à Québec, lorsque Cardin exalte la dépense de millions par Ottawa? Est-ce parce que les oeuvres de guerre relèvent d'Ottawa et les oeuvres de paix de Québec?
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De La Presse du 9 décembre :
Parlant jeudi dernier aux membre du club Rotary Montreal-Westward, M. W. Allen Walsh, député de Mont-Royal aux Communes, disait entre autres choses: "Nous avons actuellement un gouvernement de temps de paix où figurent des ministres qui ont obtenu un portefeuille sous forme de récompense politique. Mais il nous faut maintenant, en temps de guerre, des hommes compétents dans tous les domaines".
Aveu d'un politicien de carrière. Pendant vingt ans, vous pouvez vous contenter d'administrateurs quelconques, de récompensés de la politique. C'est tout ce que mérite la paix. Mais vienne la bénédiction d'une guerre, c'est l'heure des compétences!
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De M. Joseph Jean, député de Mercier, rapporté dans Le Devoir du 14 décembre :
Le gouvernement fédéral a tenu à imposer des taxes pour faire face aux dépenses de la guerre, mais surtout pour que le pays sente le poids de la guerre, et pour que le peuple ne nous presse pas trop de faire cette guerre plus fort que nos moyens nous le permettent.
Décidément on acquiert de l'esprit au Parlement. Voici qu'on morigène les Canadiens pour leur esprit trop belliqueux; il faut modérer leur ardeur en leur imposant des taxes, sans quoi ils pourraient devenir dangereux pour la paix du monde.
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Nos députés tiennent une place prépondérante dans cette page de la présente édition, à la suite sans doute d'une pluie d'étoiles filantes. M. Joseph Jean, de Mercier, disait à Montréal le 13 décembre :
Nous sommes chez nous dans tout le pays, et nous voulons que tous les Canadiens soient chez eux de Halifax à Vancouver.
À quoi Maurice Lalonde, député de Labelle, fait écho le lendemain dans la même ville de Montréal :
Choisissez un homme de chez vous, qui vous comprend, et non un immigré qui n'a aucun titre à vos suffrages.
L'immigré, c'est Paul Bouchard, il vient du pays étranger qui s'appelle Québec. Pauvre Maurice, de Mont-Laurier, vous étiez un immigré ce soir-là à Montréal!
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C'est celui de Sherbrooke (au fédéral). Répondant à un de ses électeurs qui demandait des allocations de beurre aux scouts, puisqu'on se plaignait de l'excédent en stock:
La demande que vous faites pour le beurre défait complètement l'idée de la distribution du beurre. Le beurre est donné aux chômeurs parce qu'ils n'ont pas le moyen de l'acheter, et en leur donnant ce beurre ceci augmente la consommation du beurre. Si nous vous accordions ce que vous demandez, ceci vous empêcherait d'acheter du beurre et diminuerait la consommation du beurre.
Y comprenez-vous quelque chose? Le beurre a fondu depuis, les canons ont pris la place.
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C'est La Presse du 15 décembre qui le réclame:
M. Beaudry-Léman, président de la Banque Canadienne-Nationale, a soutenu une thèse sur le Crédit Social devant les membres de la Chambre de Commerce des Jeunes, hier soir, au Windsor. Ceux qui ont eu l'avantage d'écouter cette causerie ou qui en liront le texte conviendront que notre docte et distingué concitoyen a subi brillamment l'épreuve qu'il s'était lui-même imposée pour l'instruction de ses auditeurs, et qu'il a droit, une fois de plus, à son parchemin avec la note la plus flatteuse. faudra lire, relire, méditer et méditer de nouveau l'étude du président de la Banque Canadienne Nationale. Notre jeunesse étudiante, principalement, aura profit à s'y pencher.
Rien que ça! Et le journal obèse consacre trois de ses quarante-quatre (44) pages à reproduire la thèse du docteur banquier. Puis quelle sollicitude à montrer à notre jeunesse le chemin du salut éclairé par les banquiers! C'est la même grosse feuille qui, au lendemain de la mort de Charles Gordon, présentait le "grand disparu" comme modèle à la jeunesse canadienne: les crève-faim du Textile durent goûter le conseil!
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D'une lettre au Christian Science Monitor, citée dans l'édition du 29 novembre :
Puisque, sous notre système, tout argent créé réclame de l'intérêt, cela nécessite la création, chaque année, d'une somme d'argent nouveau au moins égale à la somme des intérêts accrus.
Or, actuellement, les femmes mariées, qui doivent prendre soin de la maison, sont considérées comme des dépendantes "sans emploi”. Elles doivent vivre de ce qui leur vient des autres, ou s'éloigner de leurs occupations naturelles et s'engager à salaire ailleurs, laissant famille et foyer en souffrance. Des adultes dignes du plus grand respect, accomplissant le travail le plus important au monde la tenue du foyer et la formation de caractères ne devraient pas être considérées comme des dépendantes sans emploi. Elles ont un emploi et devraient être payées, comme le sont les autres ouvriers et ouvrières. Leur travail n'est-il pas quelque chose que la nation recherche? Pourquoi l'argent nouveau dont la création s'impose chaque année ne serait-il pas utilisé à cette fin? ─ Mary E. Owens, Bismark, N.D.
Il y a donc des créditistes même dans le Dakota Nord! Et qui savent raisonner, s'il vous plaît !
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Du Canada du 15 décembre :
La sorte d'absolution que nos évêques viennent de donner au Crédit Social sera, nous le craignons fort, une arme dont se serviront sans scrupule certains apôtres de cette doctrine, qui n'est pas, nous voulons bien le croire, entachée dans son essence de socialisme et de communisme, mais qui a trop souvent été le prétexte de dénonciations contre les possédants formulées dans la meilleure veine socialiste... Les voilà absous, mais qui nous dit qu'ils ne recommenceront pas, plus forts, cette fois, de cette approbation reçue en haut lieu. Notre clergé aura fort à faire à les suivre.
Que "Le Canada" ne se torture pas inutilement à ce sujet. Le clergé n'aura pas de peine à nous suivre; il y a plus de curés que de journalistes avec nous et nous ne fuyons pas trop leur surveillance.
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Dans le même article du Canada :
M. Beaudry-Léman a apporté à cette étude (du Crédit Social) une contribution qui se recommande non seulement par la valeur de ses arguments, mais surtout par la clarté de l'exposition. Nous ne saurions en dire autant des conférences qui se donnent sous les auspices de la Ligue du Crédit Social de la Province de Québec. Qui pourrait se vanter d'avoir compris, par exemple, les discours de M. Louis Even? Les partisans du Crédit Social devraient pourtant, s'ils ne sont pas de vulgaires opportunistes, avoir le souci de faire comprendre, de convaincre, de convertir.
Ils l'ont, ce souci, mon cher, et ils ne réussissent que trop bien: c'est justement ce qui fait sortir de sa banque votre directeur spirituel.