Jean Ziegler, de Suisse, rapporteur spécial des Nations unies sur l'alimentation dans le monde, affirmait dans un rapport, ce qui suit:
« En 2003, l'aide internationale reçue par 122 pays en développement se chiffrait à 54 milliards de dollars; le remboursement de cette dette, par les mêmes pays en développement, aux pays donateurs était un montant massif de 436 milliards de dollars. »
Voici la retranscription d'un autre reportage diffusé sur les ondes de Radio-Vatican le 6 novembre 2006, au journal de 8h15 :
Radio Vatican: Notre dossier s'intéresse ce matin à la faim dans le monde. Présenté la semaine dernière, le rapport annuel de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) met à jour un véritable scandale, la faim qui ne recule pas, malgré les possibilités techniques de nourrir l'ensemble de l'humanité. Pourquoi meurt-on encore de faim aujourd'hui, c'est la question que Romilda Ferrauto a posée à Jean Ziegler, le rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, et auteur de l'Empire de la honte, publié aux éditions Fayard:
Jean Ziegler: « Non seulement les morts de faim ne reculent pas, mais elles avancent: 854 millions de personnes aujourd'hui sont gravement et en permanence sous-alimentées; 100,000 personnes meurent de faim tous les jours, de faim ou de ses suites immédiates, et toutes les 5 secondes un enfant en dessous de 10 ans meurt de faim. Et ceci sur une planète qui déborde de richesses, puisque la même FAO constate que l'agriculture mondiale dans son développement actuel pourrait nourrir sans problème 12 milliards d'êtres humains; nous sommes 6 milliards, donc le double de l'humanité pourrait être nourri convenablement. Conclusion: il n'y a aucune fatalité. Aujourd'hui, pour la première fois, la faim est objectivement vaincue par le formidable développement des forces de production, notamment agricole. Un enfant qui meurt de faim aujourd'hui, pendant que nous parlons, est un enfant assassiné. »
Q. : Quelles sont les causes profondes de cette situation?
J. Ziegler: « Les causes qui amènent à ce massacre quotidien, qui se déroule encore une fois dans une normalité glacée, sont d'une complexité très grande, s'enchevêtrent. Il n'y a pas une causalité, il y en a plusieurs, la première est évidemment la dette extérieure des pays du tiers monde. Tout ce qu'ils peuvent gagner en devises, c'est-à-dire en exportant un peu de coton, de café, de cacao, etc., va directement dans l'esclavage de la dette, c'est-à-dire sous forme de paiements, d'amortissements, d'intérêts aux grandes banques de l'hémisphère nord, et aucun capital n'est disponible pour des investissements qui pourraient permettre aux pays d'acquérir la souveraineté alimentaire.
« Au-delà de la dette, il y a la politique agricole menée par les pays industrialisés, et vous savez que les pays industrialisés ont subventionné leur paysannat 349 milliards de dollars. Aujourd'hui, sur le marché africain, vous pouvez acheter, selon les saisons, les fruits français, espagnols, portugais, italiens, etc., à la moitié ou au tiers du prix des produits autochtones correspondants, et vous avez deux ou trois kilomètres plus loin le paysan africain, avec sa famille, qui travaille pendant quinze heures par jour sous un soleil brûlant et qui n'a pas la moindre chance d'atteindre un minimum vital convenable, et puis hypocritement on s'étonne en Europe que des milliers et des milliers de jeunes Africains, parfois des familles entières choisissent la voie de l'exil où ils se perdent, se noient dans l'Atlantique où ils atteignent parfois les Canaries (îles au large du Maroc appartenant à l'Espagne), parfois Lampedusa (île italienne entre Malte et la Tunisie) dans un état lamentable. Je vous signale que de janvier à juin 2006, le gouvernement espagnol, uniquement lui, a renvoyé des Canaries plus de 13 000 Africains. Et tout ça c'est évidemment des réfugiés de la faim. »
Q.: Donc il y a des remèdes possibles, ce qui manque, c'est la volonté de les mettre en route?
J. Ziegler : « Bien sûr, vous savez, il y a une expression terrible : ce sont des 'peuples non rentables'. C'est un véritable être immonde que forment les sociétés transcontinentales privées, là où aucun marché intérieur ne peut se créer, dans leur analyse, c'est l'oubli, on s'en détourne, et des peuples entiers aujourd'hui disparaissent dans la nuit, des millions d'êtres humains sont simplement abandonnés, abandonnés totalement par le reste de l'humanité, par ce qu'on appelle pompeusement la Communauté internationale; ils meurent dans la nuit, et ce martyre ne s'arrêtera pas avant une insurrection des consciences en Occident. »