Nous connaissons, au moins nous catholiques, le dogme de la communion des Saints. L'Eglise possède un trésor spirituel abondant, fait des mérites infinis de Notre-Seigneur et des mérites surabondants de la Sainte Vierge et des saints.
Elle ne place pas les scellés sur ces mérites. Elle ne nous dit pas : « Ces mérites appartiennent à ceux qui les ont gagnés, vous n'y toucherez pas. Il y a des surplus abondants, infinis, mais vous n'en aurez rien. Gagnez vous-même ce que vous pourrez ».
Non pas. Par les indulgences, elle nous donne accès à ce trésor, à des conditions tout à fait à notre portée. Cela ne veut pas dire que nous devenons tous égaux en mérites dans l'Eglise, mais que tous ont facilement accès au trésor spirituel, et l'Eglise ne demande pas mieux que de nous voir y puiser. Plus on y puise, plus le trésor augmente parce que les âmes se fortifient et se perfectionnent. Les producteurs de mérites, les saints, savent reconnaître qu'ils doivent leur sanctification à l'Eglise établie par Notre-Seigneur, et ils se réjouissent de voir leurs co-sociétaires dans cette Eglise bénéficier du Trésor qu'ils ont pu contribuer à augmenter.
C'est un peu l'idée du dividende préconisé par le Crédit Social. Il n'enlève rien aux producteurs des biens ; au contraire, il accélérera le rendement de leurs moyens de production tout en contribuant au bien commun.
L'abondance existe. Ceux qui ne l'ont pas encore reconnu ne peuvent rien comprendre assurément à notre doctrine. Il en est qui n'ont jamais vu de chômeurs peut-être. Un chômeur c'est l'abondance supprimée parce qu'elle ne se distribue pas.
L'abondance existe, mais on l'étouffe, parce qu'on ne veut pas la distribuer à ceux et celles pour qui elle existe. On place les surplus, le trésor communal sous scellé, parce qu'on veut que seuls ceux qui ont le privilège de contribuer à la production aient droit à une petite part. Les autres, rien.
Le dividende du Crédit Social distribuera la production qui se perd aujourd'hui ou qui est supprimée dans sa source. Il ne tarira pas la production, il l'activera.
N'allons pas confondre le dividende avec le bien-être social. Le dividende n'est pas une aumône publique, mais une répartition de revenus aux sociétaires.
Les fonds servant au bien-être social sont prélevés sur les revenus actuels ou futurs d'autres membres de la société. Pour donner un peu de pouvoir d'achat à des crève-faim, le bien-être social enlève du pouvoir d'achat à d'autres ou hypothèque le pouvoir d'achat de gens qui ne sont pas encore nés.
De plus, le bien-être social démoralise, parce qu'il punit le travail. Le secouru qui accepte de travailler, même à salaire ne permettant pas de vivre décemment, perd le droit à ses allocations de chômage.
I,e bien-être social humilie l'indigent, à qui on fait dire et sentir qu'il est à la charge des autres, qu'il vit des aumônes forcées de ses concitoyens.
Le dividende du Crédit Social n'a aucun de ces caractères malfaisants. C'est un revenu distribué à tous, parce qu'il appartient à tous. Il ne crée de charge pour personne, ne prive personne. Il ne crée pas d'inflation, parce qu'il est conditionné par la présence actuelle ou immédiatement possible des produits.
Personne n'est lésé. C'est le surplus de production, actuellement immobilisé, que le dividende propose de distribuer. Le refuser, c'est détruire la richesse, c'est établir le règne de la pauvreté en face d'une capacité de production abondante, c'est maintenir injustifiablement le consommateur dans le besoin, les familles dans la souffrance, l'ouvrier dans le chômage, l'industrie dans le marasme, le contribuable dans le désespoir, les gouvernants dans la servitude.
Quel effet le dividende produira-t-il sur l'individu ?
Quel effet produirait sur vous la réception, par le prochain courrier, d'une enveloppe d'Ottawa, contenant un chèque de 800 $ avec ce libellé : « La nation, enrichie par son industrie, par le travail de ses fils et de ses machines, est heureuse de vous présenter ce dividende qu'elle adresse également à chacun des 30 millions de citoyens du pays, pour permettre d'écouler l'abondance de production et éviter la paralysie de l'industrie, le chômage et la misère ».
Allez-vous empocher le six cents dollars et délaisser votre travail pendant un mois ? Ou allez-vous vous morfondre de jalousie ou de dépit à la pensée que chacun de vos voisins reçoit aussi 800 $ ? Ou allez-vous traiter l'administration canadienne d'immorale, parce qu'elle tire les pauvres de la misère au lieu de laisser gaspiller les produits ?
N'allez-vous pas plutôt bénir Dieu de vous avoir placé dans un pays riche de ressources naturelles, bien organisé et bien administré ? N'allez-vous pas vous attacher davantage à votre patrie et vous efforcer de contribuer à sa prospérité ? N'allez-vous pas continuer de travailler avec plus d'application, comme l'ouvrier qui vient de recevoir une augmentation de salaire, parce que vous saurez que la possibilité d'un dividende est conditionnée par un développement de la production ?
Les bons effets que le dividende produirait sur vous, il les produirait sur les autres. Trop de ceux qui trouvent néfaste l'idée d'un dividende, sont des hypocrites ou des orgueilleux qui pensent que, pour eux, ce serait bon, mais que les autres, nés et élevés dans le péché, sont trop vicieux pour utiliser sagement un dividende.
Que va signifier le dividende pour la famille ? Un dividende à votre femme et à chacun de vos enfants, ainsi qu'à vous-même ?
Cela va-t-il jeter la consternation ou la discorde dans votre foyer ? N'allez-vous pas, au contraire, considérer ensemble l'idée d'y améliorer les conditions de vie, d'y introduire tel meuble, tel accessoire, tel confort que vous désirez depuis longtemps ?
Vous allez pouvoir enfin renouveler un trousseau qui vieillissait. Vous allez pouvoir songer à donner une meilleure éducation à vos enfants, à développer les talents de l'un ou l'autre pour tel ou tel art ; à électrifier votre maison, à procurer un peu d'aide et de repos à votre femme. Vous aurez votre banc à l'église ; vous pourrez grossir votre obole pour les œuvres, car un peu plus d'aisance à la maison ne vous a pas rendu moins catholique. Vous allez pouvoir abonner votre famille à des revues propres à instruire tout en récréant, au lieu d'être borné, par un budget insuffisant, à la vulgaire presse à trente-cinq sous et au magazine américain à bon marché.
On a beaucoup parlé du salaire familial. L'homme marié, père de plusieurs enfants, a certainement besoin d'un plus gros revenu que le célibataire. Mais à valeur productrice égale, l'un et l'autre ne peuvent exiger des salaires différents de leur employeur, ou celui-ci embauchera de préférence les célibataires et les pourvoyeurs de petites familles.
Le dividende règle le problème, puisque chaque individu y participe également. L'homme marié, père de six enfants dont tous peut-être encore en bas âge, pourra recevoir le même salaire que son compagnon de travail célibataire ; mais, lorsque le célibataire touchera son seul dividende en plus de son salaire, il entrera huit dividendes dans la famille qui a huit bouches à nourrir. Voilà des allocations familiales qui ne coûtent rien à personne, qui, au contraire, aident tout le monde, puisqu'elles permettent à la production de marcher à plein rendement.
Le dividende (ajouté à l'escompte compensé) permet l'écoulement des produits de la ferme à des prix qui laissent au cultivateur un profit suffisant pour le payer de ses labeurs. Sa famille, souvent nombreuse, bénéficie en plus des dividendes touchés par chacun de ses membres. De même qu'il peut vendre les produits de sa ferme, il peut aussi acheter ceux de l'industrie.
Il peut enfin songer à se procurer des machines agricoles qui lui manquent, des engrais, de nouvelles têtes de bétail, etc.
Si cet agriculteur est colon, on devine de quelle utilité lui devient le dividende. Ceux qui augmentent, par une vie si laborieuse, le domaine productif de la société, ont certainement bien droit aux surplus du système producteur.
Quels seront les effets du dividende national sur l'ouvrier ? Il sauvegardera la dignité de l'ouvrier. Celui-ci ne se verra plus acculé à louer ses services pour un salaire de famine ; si la faim fait sortir le loup du bois, elle asservit aussi l'ouvrier dans le besoin aux conditions dictées par l'exploiteur. En assurant l'écoulement des produits, le dividende permet d'ailleurs au patron de mieux rétribuer ses employés.
Pour la même raison aussi, le dividende favorise la permanence de l'emploi. Il ne faut pas, en effet, se faire illusion là-dessus ; si la machine remplace l'homme dans une multitude de procédés, il reste assez à faire en amélioration et en développements, tant publics que privés, au Canada au moins, pour utiliser les énergies de nos hommes employables.
La sécurité contre le besoin absolu apportée par le dividende permet à chacun de s'orienter vers les occupations qui lui conviennent le mieux ; tout l'organisme social y gagnera.
Le dividende est la formule pour assurer à chaque membre de la société, à tous et à chacun, le droit au nécessaire, quand il y a abondance possible pour tous.