Permettre le plein développement de la personne
Détrôner Mammon - Enrayer le communisme
Une personne nous écrit:
Je suis abonnée à votre journal Vers Demain. Je le trouve beau et intéressant. Mais dans votre dernier numéro, une photo présente une pancarte avec l’inscription: «Ô Marie, Reine du monde, donnez-nous le Crédit Social.» Je me demande s’il est ainsi permis de demander le Crédit Social à la Sainte Vierge.
Peut-être cette abonnée de récente date pense-t-elle que cette prière veut dire: Faites le parti du Crédit Social arriver au pouvoir! Si c’était cela la demande, notre correspondante pourrait bien être choquée. Mais ce n’est nullement le cas. Le journal Vers Demain est propagé par les Bérets Blancs. Or, tout le monde devrait bien savoir aujourd’hui que les Bérets Blancs ne s’occupent pas de campagnes électorales. Ils ne font partie d’aucun parti politique, pas plus de celui qui ose s’appeler Crédit Social que des autres.
D’ailleurs, le Crédit Social est une doctrine et non pas un parti. Ceux qui prennent les mots «Crédit Social» pour désigner un parti politique prostituent un terme noble pour étiqueter une vulgaire course au pouvoir.
Le Crédit Social est une doctrine économique et sociale qui présente une conception nouvelle de la distribution des biens temporels. Entre autres, une économie créditiste garantirait à tous et à chacun une part de la production de leur pays. À tous, pas seulement à ceux qui gagnent des salaires. À tous, enfants, malades, vieillards, femmes et filles à la maison, aux inemployables comme aux employés. À tous et à chacun, une part au moins suffisante pour couvrir les besoins primaires de la vie. Sans autre condition que l’existence d’une suffisance de biens.
Or, au Canada comme dans tous les autres pays ‘modernement’ outillés, la capacité actuelle de production est plus que suffisante pour pouvoir fournir à tous, les biens nécessaires à la vie. Devant tant de possibilités, il n’est pas permis de laisser un seul être humain dans l’indigence, dans la privation du nécessaire.
Demander à Marie le Crédit Social, c’est lui demander la distribution de l’abondance, au lieu de sa séquestration ou de sa suppression devant des besoins humains non satisfaits. C’est adresser à Marie une demande analogue à celle que Jésus nous fait adresser à notre Père céleste: «Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien.» «Donnez-nous». Le «nous», c’est tout le monde, pas seulement ceux qui gagnent de l’argent. Tous les hommes, car nous sommes tous frères, tous enfants de Dieu, et Dieu n’a pas créé les biens de la terre rien que pour certaines catégories d’hommes, mais pour tous.
En plein monde de production abondante, il a fallu que les Papes rappellent cette vérité que tous les hommes ont droit à une part des biens terrestres. Pie XII, entre autres, dans son radio-message du 1er juin 1941, l’affirme bien clairement:
«Tout homme, en tant qu’être doué de raison, tient en fait de la nature le droit fondamental d’user des biens matériels de la terre.»
Ce droit n’a pas à être octroyé ou refusé par le gouvernement, ni par aucune institution publique ou privée. C’est un droit que chacun tire du seul fait qu’il est un être humain. Un droit individuel et imprescriptible, qui «ne saurait en aucune manière être supprimé», spécifie le Pape. Cependant, remarque-t-il:
«Il est laissé à la volonté humaine et aux formes juridiques des peuples de régler plus en détail la réalisation pratique de ce droit.»
Mais que font les gouvernements pour établir une législation assurant la réalisation pratique de ce droit ? Ils ont des règlements financiers qui mettent des entraves au lieu de faciliter, des conditions d’emploi, alors que le progrès augmente le flot de production en diminuant la nécessité de l’emploi; devoir être embauché, alors que 8 millions de Canadiens ‘employables’ suffisent pour fournir la production nécessaire aux besoins des 20 millions que compte la population.
Le Crédit Social garantirait un premier niveau de vie, sans condition, aux 20 millions, tout en reconnaissant le droit à une rémunération, en plus de cette première tranche, aux 8 millions que la production emploie encore.
Pour cela, l’économie créditiste ferait de l’argent un système de service, au lieu d’un système de conduite et de conditionnement de la vie des hommes.
La grande hérésie économique moderne, c’est de faire de l’argent une fin, au lieu d’un pur moyen. Une fin de toutes les entreprises. Si une manufacture de chaussures, par exemple, ne rapporte pas d’argent à l’entrepreneur, elle ferme ses portes, même si des gens ont encore besoin de chaussures. Sa fin première n’est pas de chausser les hommes, mais de faire de l’argent.
Dans son radio-message, Pie XII définissait l’économie nationale. C’est, disait-il, «l’activité d’hommes qui travaillent unis dans la communauté nationale».
Et quelle doit être la fin, le but, de tout cet ensemble d’activités économiques, d’entreprises privées, ou de compagnies, ou de coopératives, ou de gouvernements, qui constituent l’économie nationale ? Est-ce de faire de l’argent ? Non, le Pape ne lui reconnaît qu’une fin légitime:
«L’économie nationale ne tend pas à autre chose qu’à assurer sans interruption les conditions matérielles dans lesquelles pourra se développer pleinement la vie individuelle des citoyens.»
Voilà bien le fondement d’une économie vraiment humaine, à plus forte raison chrétienne: «Assurer», non pas soumettre à des conditions que tous ne peuvent pas réaliser.
Assurer «sans interruption». Non pas seulement quand vous êtes embauchés. Non pas seulement si l’entreprise fait de l’argent. Non pas seulement en temps de «boom» ou en temps de guerre. Mais « sans interruption ».
Assurer quoi sans interruption ? Assurer «les conditions matérielles dans lesquelles pourra se développer pleinement la vie individuelle des citoyens». Se développer «pleinement», pas au quart ou à moitié, pas un développement limité par la petitesse d’une ration accordée après des enquêtes humiliantes, prolongées et répétées qui tendent à avilir la personne au lieu de lui faciliter son épanouissement. Et ce n’est pas tant la vie collective qui doit pouvoir se développer pleinement, mais, toujours dans le texte, la vie «individuelle» des citoyens, la vie de chaque personne.
Vous ne trouvez rien de tout cela facilité, encore moins garanti, dans l’économie viciée de la racine au sommet par le système financier actuel. Le système financier contrôle toute l’économie au lieu de lui être assoupli en vue de sa véritable fin. C’est Mammon installé comme gérant entre les dons de Dieu et les hommes enfants de Dieu. Et les gouvernements de nos pays pourtant chrétiens acceptent cette gérance, cette dictature de Mammon, cette perversion des fins propres de l’économie.
Le progrès matériel moderne devrait débarrasser les hommes des soucis du pain matériel et leur permettre de se livrer à d’autres fonctions humaines, plus nobles, plus culturelles, plus spirituelles, plus enrichissantes pour tout l’homme, que la seule fonction économique. C’est ce que ferait une économie créditiste.
Demander le Crédit Social à la sainte Vierge, c’est donc lui demander de mettre fin à l’hérésie de l’argent, au culte de Mammon, à la perversion de la vie économique, à l’asservissement et à l’avilissement des personnes par la dictature de l’argent. Les créditistes de Vers Demain ne négligent rien pour répandre la lumière du Crédit Social, pour faire prévaloir la conception créditiste de la distribution de la richesse à tous, pour rappeler la fin de l’économie, qui est le service des besoins humains et non pas la poursuite de l’argent. Mais à nos efforts, nous ajoutons le recours au Ciel car les puissances sataniques en arrière de la dictature financière sont tellement retranchées, que les gouvernements n’osent pas y toucher. Elles réussissent même à clore des lèvres qui devraient s’ouvrir pour dénoncer ce monstre, source d’injustices, de souffrances imméritées, de conflits, de révoltes, de désordres, de guerres, de révolutions, qui mènent à la dictature d’un régime communiste. L’avance communiste ne peut certainement pas être endiguée par le capitalisme financier actuel.
À ceux qui haussent encore les épaules au lieu de se renseigner, par paresse ou par préjugé, ou parce que leurs intérêts dans le système leur font fermer les yeux sur des injustices légalisées, je citerai simplement quelques phrases d’un prêtre qui, lui, avait pris la peine de bien étudier le sujet. Il s’agit du Père Peter Coffey, aujourd’hui décédé, mais alors docteur en philosophie et professeur de métaphysique et de logique au célèbre collège de Maynooth, en Irlande. Il écrivait, le 3 mars 1932, dans une lettre à un Père jésuite canadien:
«Les difficultés posées par vos questions ne peuvent être résolues que par la réforme du système financier du capitalisme, selon les lignes suggérées par le Major Douglas et l’école créditiste du crédit. C’est le système financier courant qui est à la racine des maux du capitalisme. L’exactitude de l’analyse faite par Douglas n’a jamais été réfutée, et la réforme qu’il propose, avec sa fameuse formule d’ajustement des prix, est LA SEULE réforme qui aille jusqu’à la racine du mal.
«Personnellement, je suis convaincu que la finance capitaliste doit inévitablement engendrer des guerres, des révolutions et l’affamation de millions d’êtres humains, dans un monde d’abondance potentielle. J’ai étudié le sujet durant 15 années et je considère une réforme financière (telle que proposée par Douglas comme essentielle au rétablissement d’un système économique chrétien de propriété) largement répandue et par conséquent, la seule option à opposer à celle d’un communisme révolutionnaire, violent et athée.
«Quant à la possibilité de réaliser cette réforme dans le concret avec la psychologie de masse d’un public dopé et avec toute la puissance de la presse capitaliste mondiale alignée contre elle, c’est le secret des dieux! Mais je ne vois qu’une alternative: c’est ou bien le Crédit Social de Douglas ou bien le chaos du communisme. Tout le nœud de la tragique transition du capitalisme au communisme est actuellement situé dans la finance.»
Demander au Ciel d’abattre les obstacles au Crédit Social, c’est donc demander une arme puissante à opposer au communisme sur le terrain temporel.
Si l’on trouve tout à fait normal de prier la sainte Vierge pour le soulagement d’une maladie de la tête ou de l’estomac, pourquoi se scandaliserait-on de voir les créditistes demander à Marie l’avènement d’une économie sociale créditiste, contre l’affamation artificielle d’une multitude d’êtres humains, contre la gérance de Mammon, contre la progression d’un régime communiste qui s’installe par degrés sous prétexte de soulager les victimes d’une dictature qu’on refuse de toucher ?