"Il peut-être nécessaire de changer le système économique et financier et les règlements d'écoulement des produits pour qu'ils arrivent à empêcher les pauvres à mourir de faim."
— Paul VI le 25 mai 1966
Le 25 mai dernier (1966), le Pape recevait en audience un groupe d’experts réunis à Rome en vue de l’établissement d’une commission destinée à étudier les problèmes des pays en voie de développement.
Au cours de son allocution, le Pape leur a dit qu’il pouvait être nécessaire de changer le système économique et financier et les règlements d’écoulement des produits, si l’on veut empêcher les pauvres de mourir de faim.
Déjà, il y a vingt-cinq ans, dans son mémorable radio message de la Pentecôte de 1941, Pie XII avait touché le même sujet:
«Les biens créés par Dieu l’ont été pour tous les hommes… Tout homme, en tant qu’être doué de raison, tient en fait de la nature le droit fondamental d’user des biens matériels de la terre.»
Paul VI, le répétait presque dans les mêmes termes, dans son allocution du 25 mai dernier en disant:
«Les biens et les fruits de ce monde ont été créés pour tous. Personne n’a le droit de se les réserver, ni les individus, ni les communautés. Tous ont le grave devoir de les placer au service de tout le monde.»
Pie XII avait remarqué que l’économie n’atteint pas sa fin du seul fait d’une production abondante mais de ce que la production, même si elle est moins abondante, est distribuée équitablement à tous de façon à fournir la base matérielle pour le développement intégral de chaque personne humaine.
Pareillement, Paul VI disait le 25 mai:
«Il ne s’agit pas seulement de mettre en œuvre le développement technique et économique, mais de promouvoir un développement intégral et harmonieux de la personne humaine, permettant à chacun de mener une existence conforme à la dignité de son être créé à l’image de Dieu.»
Nous aimons ces paroles de nos Papes, plaçant l’importance sur chaque personne prise individuellement. On est trop habitué aux statistiques du global, d’un simple agglomérat de personnes et de familles anonymes.
Paul VI dit, comme Pie XII, que les méthodes à adopter ne sont pas de la compétence de l’Église. Mais, en constatant la persistance de grandes richesses accumulées d’une part et de besoins criants d’autre part, il ne craint pas d’ajouter qu’il pourrait être nécessaire de «changer le système économique et financier du monde». À la différence des gouvernements et de leurs aviseurs économiques couronnés de diplômes, le Pape ne considère pas le système économique et financier comme une chose sacrée, immuable, intouchable. Si le système actuel cause ou donne lieu à des obstacles entre les biens existants et les besoins humains, ce système doit être changé, les obstacles doivent sauter.
Il est grand temps qu’on abatte l’idole de son piédestal. Grand temps qu’on place la responsabilité là où elle est. Qu’on cesse d’accabler les victimes, ceux qui souffrent de privations, en les accusant d’être la cause de leur sort. Qu’on cesse de leur enlever leur liberté, ou de piétiner sur leur dignité, comme condition pour avoir du pain.
Il n’est pas difficile de situer le coupable. La production totale abonde, ou peut abonder facilement si l’on n’entrave pas ses immenses possibilités. Les moyens physiques de transport des produits, jusqu’aux places les plus reculées, ne font pas défaut. Il n’y a qu’un obstacle: l’argent, alors que l’argent n’est qu’un permis pour mobiliser les activités de production, d’une part, pour obtenir le produit, d’autre part.
Un défaut dans les permis n’est pas ‘permissible’. C’est en soi la chose la plus facile à régler. Mais c’est la chose à laquelle on refuse de toucher: le système financier reste une “vache sacrée” pour les gouvernements et pour les hommes en place dans les échelons du système. Plus ils y sont élevés, plus ils montent la garde autour de son trône.
Merci au Saint-Père d’avoir signalé qu’il peut être nécessaire de faire un ménage dans ce sanctuaire là.
D’une autre source chrétienne, quoique non catholique celle-là, est venue une stigmatisation plus précise encore du système financier actuel, à la suite d’une étude faite à la demande d’une Église d’Écosse, la Congregational Union of Scotland. Constatant la présence d’une pauvreté pénible en face même de l’abondance offerte, les autorités de cette Église jugèrent qu’il devait y avoir quelque chose de fondamentalement faux dans le système économique. Un Comité fut nommé: le «Comité d’une doctrine chrétienne de la richesse» pour examiner d’un point de vue chrétien le système financier existant.
La première réunion de ce comité eut lieu le 22 septembre 1960. Elle fut suivie de 16 autres. Le Comité consulta un grand nombre d’économistes, de professeurs, de banquiers, d’hommes d’affaires, de savants. Il publia le résultat de ses recherches dans un livre intitulé Money, A Christian View: Une vue chrétienne de l’argent.
A la page 42 de ce livre on trouve les conclusions suivantes:
Le Comité insiste donc, et avec raisons à l’appui, sur l’obligation de changer le système financier. Il ne dit pas quelle technique employer. Mais de toutes les propositions qui ont pu être faites jusqu’ici pour un changement, seul le Crédit Social en offre de nature à atteindre de façon directe les buts d’un système financier fidèle à sa fonction propre dans l’économie. Ces buts:
Établir un système souple en accord constant avec les réalités de la production et de la consommation;
Faire de l’argent un facteur déterminé et non plus un facteur déterminant des activités économiques;
Financer toute production possible répondant aux besoins de la population, selon la hiérarchie de leur urgence;
Maintenir le pouvoir d’achat au niveau de la production offerte en face des besoins normaux de la population; et, pour permettre à chaque personne d’exercer son droit fondamental à une part de biens matériels, dans un monde où cela ne peut s’obtenir sans argent, assurer à chaque individu un revenu attaché à sa personne et non pas uniquement à son emploi.
Ce dernier point a été traité mille fois dans le journal Vers Demain et le sera encore. Le refus de ce revenu attaché à la personne, donc à la famille selon le nombre de ses membres, ce refus est la cause d’une foule de maux. La poussée de l’économie actuelle vers la multiplication de besoins matériels nouveaux, donc vers le matérialisme, pour maintenir l’emploi; l’intervention croissante des gouvernements pour s’occuper de fonctions qui relèvent normalement des personnes elles-mêmes, des familles et des associations libres; ces désordres, et bien d’autres, sont provoqués et accrus par le refus de reconnaître à chaque personne le droit à un revenu. Un revenu à seul titre de personne, et non pas seulement à titre d’embauché, dans une économie qui a de moins en moins besoin de labeur humain pour entretenir la production répondant aux besoins normaux des hommes. D’ailleurs, tout individu actuellement vivant n’est-il pas, avec tous les autres, cohéritier des progrès des générations passées, donc co-capitaliste du plus grand facteur de l’immense production moderne ?
C’est ce statut de capitaliste, étendu à tous et à chacun, qui doit prendre de plus en plus le pas sur le statut d’embauchés pour 8 millions de Canadiens encore salariés, et sur le statut de dépendants ou de secourus pour les 12 millions qui, sans emploi lucratif, ont quand même le droit fondamental de vivre pleinement leur vie.
Pour remédier aux maux causés par un système financier faux, l’option créditiste n’est-elle pas infiniment supérieure aux offres du communisme ou aux législations ‘étatisantes’ de nos pays qui conduisent graduellement à une économie de régime communiste ?
Face aux communistes dénonçant un capitalisme qui enrichit les riches déjà riches et qui appauvrit les pauvres déjà pauvres, combien dépourvus restent les hommes de droite aux mains vides! Dépourvus, mais combien coupables aussi quand ils continuent de bouder ou de refuser les propositions du Crédit Social, formulées, il y a presque un demi-siècle (trois-quarts en 2010), et largement diffusées dans plusieurs pays, dont le nôtre tout particulièrement.
L’application des propositions du Crédit Social ne serait-elle pas le moyen par excellence de réaliser le plan de Dieu dans la création des richesses de la terre, plan rappelé de plus en plus par nos grands Papes, de Léon XIII à Paul VI ?
Oui, il faut changer le système financier, si l’on ne veut pas que continuent des privations imméritées, que des pauvres continuent de mourir de faim et que la mise sous clé de l’abondance devant la perpétuation de tant de souffrances attire sur nos pays les vengeances du Ciel.