Est-ce que la monnaie de chiffres créée par les banques est garantie par du numéraire ? Si oui, le numéraire est-il créé en même temps que le prêt est consenti ? et par qui ? Si non, comment le porteur d'un chèque tiré sur ce dépôt fait par la banque pourra-t-il le faire convertir en numéraire ?
La monnaie de chiffres (scripturale) créée par la banque est garantie, en réalité, par la capacité de produire et de vendre de l'emprunteur, ou à défaut par les propriétés ou biens gagés. Mais elle est supportée par du numéraire. Le numéraire n'est pas créé en même temps que le prêt. Le banquier doit avoir une réserve de numéraire ; la loi l'oblige à au moins cinq pour cent ; en moyenne, les banques ont actuellement dix pour cent, et cela suffit pour répondre aux guichets. Bien des chèques ne sont que des transferts de dépôts d'un compte à un autre ; ceux qui viennent chercher du numéraire utilisent ce numéraire et il finit par revenir à la banque, soit par les épargnants, soit par les remboursements des emprunteurs.
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La banque du Canada est-elle réellement nationalisée ? Si oui, cette condition ne permettrait-elle pas au gouvernement de s'en servir pour émettre la monnaie et le crédit nécessaires pour le bénéfice de tous les citoyens du Canada ?
La loi pour la complète nationalisation de la banque du Canada fut votée l'été dernier un peu avant les élections provinciales de la Saskatchewan, pour laisser croire aux électeurs de cette province que le gouvernement allait prendre le contrôle du crédit, pour les empêcher de voter crédit social. La nationalisation de la banque, en soi, ne signifie pas grand chose. Ce n'est pas le changement de propriétaire qui importe, mais le changement d'objectif. Le crédit social ne nécessite la nationalisation d'aucune banque. Cependant, le gouvernement pourrait fort bien se servir de la banque du Canada dans le sens posé par la question ; mais pour cela il faut qu'il adopte la doctrine créditiste de la finance directe du consommateur dans la mesure du besoin. Qui a vu augmenter son pouvoir d'achat du fait de l'institution ou de la nationalisation de la banque du Canada ? Si elle a pour but de régler le volume de la monnaie du pays selon les besoins et les capacités du pays, elle a lamentablement échoué.
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La monnaie du Crédit Social sera émise à mesure des déficiences de pouvoir d'achat vis-à-vis de la production offerte ─ entendu. Mais si cette monnaie trouve le chemin des trustards, que ceux-ci l'immobilisent pour que le gouvernement en émette d'autre et qu'un jour, maîtres d'une énorme réserve, ils la lancent sur le marché, cela ne va-t-il pas créer de l'inflation, de la dévalorisation ?
D'abord, l'hypothèse posée sort du domaine de la réalité. Ceux qui reçoivent l'argent par leur commerce et leur industrie, trustards ou non, cherchent à faire fructifier l'argent dont ils n'ont pas besoin pour leur usage personnel. En le faisant fructifier, dans un régime où la production de biens utiles est rendue vendable, ils le replacent dans la circulation. Par ailleurs, comment pourraient ils le "jeter sur le marché" sans acheter des biens et des services ? En supposant, toutefois, que des individus combinent leurs affaires pour créer de l'inflation soudaine et saboter le système monétaire du pays, que fait-on de ceux qui complotent contre l'État ? On est prié de croire que sous un régime où le gouvernement n'est plus absorbé par des problèmes de taxes et d'argent, il aura un peu le temps de remplir ses fonctions de surveillant. Ses interventions ne seront d'ailleurs pas requises si souvent que cela. N'oublions pas que le système actuel de monnaie rare et insuffisante pervertit les sentiments et développe une mentalité fausse des hommes vis-à-vis de l'argent ; le climat nouveau du crédit social améliorera la santé des concepts sous ce rapport. De plus, la démocratisation continuelle de la monnaie par la distribution périodique des dividendes à tous tire en sens inverse de la concentration.
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N'est-il pas dangereux de confier ainsi à un gouvernement la création de la monnaie ? Ne va-t-il pas être tenté de s'en servir pour des fins électorales, ou de patronage ?
Si l'on a bien compris le mode d'émission de la monnaie d'après les propositions du Crédit Social, le gouvernement n'est pas une seconde le propriétaire de l'argent dont il décrète l'émission. L'émission est nécessairement réglée par les faits de la production et de la consommation ; si elle ne l'est pas, le déséquilibre se manifeste immédiatement et l'organisme de contrôle est forcé d'intervenir. Mais l'argent nouveau est émis directement entre les mains (dans le compte) des citoyens. Il naît propriété des individus. Si le gouvernement en a besoin pour l'administration, il le prélève par les impôts, comme d'habitude. Les impôts restent le paiement par le public de services publics. La partie des impôts qui sert à payer la dette publique diminuera peu à peu et finira par disparaître, car la dette, publique n'a sa raison d'être que dans un système monétaire faux.
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Un article paru dans le journal des Fascistes dit que Douglas a enfin placé les bœufs devant la charrue et reconnaît qu'il faut régler la question juive avant de pouvoir régler la question monétaire. Est-ce vrai ?
L'article dont vous parlez traduit en un français lourdaud deux articles récents du major Douglas. Les conclusions du journaliste sont tout à fait gratuites. Ce n'est pas d'hier que Douglas taxe de sémite notre système monétaire : qu'on lise son livre "Social Credit" écrit bien avant que certains Canadiens se soient mis en tête de singer Hitler et ses chemises brunes. Notre système monétaire est l'expression d'une philosophie juive, mais bien ancrée dans les pays chrétiens. Quand même on exterminerait tous les Juifs, à quoi cela nous avancera-t-il si l'on garde leur héritage ? C'est le système qu'il faut christianiser, afin de permettre à tous, et non à un petit nombre seulement d'avoir accès aux biens. Sans doute que l'aristocratie juive est opposée au changement parce qu'elle s'accommode d'un système fait à son goût. Mais le changement se heurte également à d'autres adversaires, et notre expérience est que tous ceux qui se mêlent de critiquer le Crédit Social au Canada sont bel et bien des baptisés. Le major Douglas n'est pas le polichinelle que voudrait faire croire un journaliste offusqué des succès créditistes ; dans les articles cités, le major se déclare opposé à toute dictature, celle d'Allemagne comme celle de Russie, et il n'admettra pas plus, dit-il, une dictature britannique. C'est justement parce qu'il offre une atmosphère propice au développement de la personne humaine, sans enrégimentation, que le Crédit Social trouve écho dans les cœurs bien placés et les esprits non préjugés.